La quatrième de couverture de ce livre m’avait intriguée et
donné envie d’en savoir plus : « Chaque jour, Monika arrive la
première à l’institut de beauté. Elle observe, écoute, juge parfois les
clientes qu’elle voit défiler dans sa cabine. Toutes lui racontent des
histoires, des plus anodines aux plus intimes. Loin des chairs lisses et
insipides jetées en pâture à notre imaginaire, Fabienne Jacob fouille l’opacité
des corps et brosse un portrait sensible de la femme contemporaine ».
Cependant, après lecture, je me demande s’il s’agit du livre
que j’ai lu, tant il est loin de cette description…
Du corps de ces femmes finalement, nous ne savons pas
grand-chose, pas plus que des sentiments de la narratrice à leur encontre tant
l’auteure tient à distance le lecteur au fil des pages. On reste dans un flou
assez désagréable où, ni l’identification ni l’empathie ne peuvent avoir lieu.
Les femmes qui s’allongent sur le matelas de l’institut sont
essentiellement décrites à travers des anecdotes : Adèle, la veuve, qui a
été tondue à la libération pour avoir couché avec un allemand, Ludmilla la
ménopausée qui ne veut pas vieillir, la femme du boucher qui a tout le temps
froid. Une galerie de portraits assez figée où l’émotion est constamment
absente, la narratrice se contentant d’assener ses vérités toutes faites
« il faudrait dire aux femmes d’arrêter de se faire des mèches c’est
moche. Qui a inventé ça ? D’arrêter le gloss aussi, qui a inventé ça
encore ? La texture des lèvres est une perfection, les lèvres n’ont besoin
de rien couleur et matière une perfection. D’arrêter les caleçons aussi. Elles
pensent faire ça pour les hommes, le pire est qu’ils n’aiment pas ça ».
Pour être sûre que l’on ait bien compris sa vision tranchée
de la beauté, elle nous la sert 2 fois : p 29 « les femmes, c’est mon
métier, elles sont belles quand elles sont dans leur vérité. Exactement dans la
coïncidence de leurs corps et des années, cela s’appelle la vérité » et p71, à quelques mots près « une femme est belle quand elle est dans la
vérité de son corps, cette personne lui dirait. La vérité du corps est une
coïncidence entre les années et la matière de la chair ». Des jugements péremptoires
dénués d’émotions ou d’empathie : même quand la narratrice nous décrit la
mort de sa mère, on ne ressent rien, électro-encéphalogramme plat.
Il faut dire que la structure du récit, qui alterne entre
ces portraits de femmes et l’histoire familiale perturbe la lecture, casse le
rythme. Je n’ai pas du tout aimé le style utilisé, très familier, presque sans
ponctuation, pas plus que les descriptions faussement naïves:
« Dehors la nuit n’était toujours pas tombée. Quand elle tomberait ça
ferait comme une nappe noire tirée sur la rue ».
Je n'ai finalement rien appris de ces corps, pas plus des histoires qui auraient pu se lire en filigrane et suis ressortie frustrée et déçue de
cette lecture dont j’attendais beaucoup.
Pourtant, quand le style est là et surtout l’empathie, cela
peut donner naissance à de sublimes romans chorales, à l’image du « Chœur
des femmes » de Martin Winckler. On vibre, on espère, on comprend, on
s’identifie…et on quitte les dernières pages de ce pavé à regret.
Dans « Corps », après 114 pages laborieuses, la
narratrice conclut par « je n’aime pas quand les choses sont finies » :
dans le cas présent, on ne partage pas son avis!
Oh...dans ton billet j'apprends deux choses : je dois absolument lire le bouquin de Winckler et les femmes ne sont pas toujours les mieux placées pour parler d'autres femmes = ce bouquin m'a l'air aussi sinistre et froid qu'une avenue d'immeubles staliniens...
RépondreSupprimerMerci pour ton opinion que je trouve mesurée, constructive et fort bien argumentée!
Oui c'est exactement ça! Il faut absolument lire "le Choeur des femmes", ce livre est un bijou (comme "la maladie de Sachs" que j'avais adoré aussi)
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