Il y a 3 ans je me suis mise à la course à pied. Besoin de me défouler, d’avoir un challenge personnel à défaut de professionnel.
Le running était le sport idéal à mes yeux : gratuit, solitaire
et, je le croyais, égalitaire. Contrairement aux salles de gym où chacun gonfle
ses muscles et son égo en se comparant à ses comparses dans la glace, la course
à pied était, d’après moi, plus humble et individualiste. Tous égaux devant
l’asphalte et les kms qui défilent, pas de compétition, juste un challenge
envers soi-même. Chacun dans sa bulle, le nez vers l’horizon.
Pourtant, à force d ‘enchainer les tours du Parc Monceau, je
n’ai pu m’empêcher d’observer les gens qui m’entouraient. Très vite, j’ai su
reconnaître le novice de l’expert, l’empêcheur de tourner en rond du coureur
extatique, l’avocat de l’étudiant en école de commerce. A y regarder de plus
près, personne ne laisse vraiment de côté ses oripeaux ou sa personnalité en enfilant ses baskets,
bien au contraire.
Petite sociologie de la course à pied en quelques portraits
types :
Le newbie
Le newbie (ou novice en français) envahit les parcs à
l’arrivée des beaux jours (épreuve du maillot oblige) ou dès le mois de
septembre (période propice aux bonnes résolutions). Il s’est mis à courir parce
qu’il a commencé un régime ou car il a une nouvelle copine et n’assume pas ses
bourrelets. Il se reconnait à sa tenue totalement inadaptée à la course : bermuda
à fleurs, Converses, doudoune ou jogging en velours pour son équivalent féminin.
Il a la foulée traînante, le souffle court et la main sur l’abdomen, pour
chasser un point de côté récalcitrant. Ne le cherchez pas les jours de pluie ou
par temps maussade, il a finalement décidé que le jogging c’était vraiment trop
ingrat.
La CSP+
Ce n’est pas parce qu’on est coureur que l’on doit se mêler
à la plèbe. Pas question de passer pour un ouvrier ou un vulgaire employé en
enfilant son banal débardeur Décathlon.
Symbole de fierté et d’appartenance de classe, le t shirt du
jogger revêt ici la fonction de marqueur social : « Course des jeunes
avocats » « Jogging des notaires » ou « 10 kms d’HEC »
s’affichent en toutes lettres sur les poitrails des joggers, les sortant ainsi d’un
angoissant anonymat. Marche aussi pour les courses prestigieuses type
« marathon de Paris » ou mieux de New York : classe
assurée ! Poussez-vous les ploucs, après mon jogging, j’ai une audience !
L’empêcheur de
tourner en rond
Il y en a toujours un dans un parc et j’avoue que cette
typologie de jogger est une énigme à mes yeux. Il s’agit de celui qui court
constamment à contre-sens, obligeant ceux qui le croisent à se déporter pour le
laisser passer. Quel est son but inavoué? Observer à loisir les visages des
coureurs qui lui font face? Montrer sa différence? Mon mari qui a vécu
plusieurs années à New York, m’a dit que le coureur à contre-sens y aurait été
bien malheureux. En effet, à Central Park, il y a un sens obligatoire pour la
course.
Empêcheur de tourner en rond, une spécificité bien
française?
Le coureur extatique
En général, le coureur extatique se reconnait à sa tenue de
pro (cycliste moulant, t-shirt aérodynamique et montre compte-tour) ainsi qu’à
son sourire nirvanesque en dépit des kms qui défilent. Alors que vous suez sang
et eau, rougeaud et boursouflé, notre ami monté sur cousin d’air garde un teint
de pêche et un sourire insolent. Tandis que vous attendez patiemment la fameuse
montée d’endorphine des 45 mns, lui semble branché sous Prozac dès ses
premières foulées (gracieuses et légères bien entendu).
L’ex/le vendeur canon
du Monoprix/votre prof de sport
En bref, quelqu’un que vous ne souhaiteriez rencontrer que
sous votre meilleur jour (vieux fantasme ou amour déchu), c’est à dire
autrement que rouge, ébouriffée, en sueur et les lèvres pâteuses. Coup du sort, malédiction ou envoutement vaudou,
c’est toujours sur lui que vous tombez lorsque vous allez faire votre jogging.
Lui, évidemment, est frais comme un gardon et enchaine les foulées aussi
gracieusement que le coureur extatique. “On se retrouve au prochain km” vous
lance-t-il alors que vous vous glissez discrètement vers la sortie.
L’intrus
Le “Cherchez l’erreur” sur pattes, qui marche en plein
milieu de la route sans se soucier des coureurs, sans doute cousin de celui qui
reste immobile à gauche sur l’escalator.
Vieille à chien, jeune qui sort de boite et qui se balade
dans le parc pour reprendre ses esprits, amoureux transis seuls au monde ou
parents à poussette abrutis par les nuits blanches constituent autant
d’obstacles à éviter en slalomant.
L’ex-président
Nicolas Sarkozy ayant établi son bureau à 2 pas du Parc Monceau, il est très probable que je croise un de ces jours son t-shirt “NYPD” et ses baskets Adidas. En comparaison, les intrus et autres vieilles à chien paraitront bien inoffensifs au regard de l’émeute provoquée par des hordes de jeunes bien propres sur eux. Va falloir que je trouve rapidement une solution de repli je crois…
Enorme !!!
RépondreSupprimerHa ha tu me donnerais presque envie de me mettre à la course à pied rien que pour observer ce catalogue vivant! ;)
RépondreSupprimerTrès drôle ! Tu as un vrai sens de l'observation ... Ça m'à bien fait rire !
RépondreSupprimerVous êtes dure avec le newbie, mais tellement drôle !!!
RépondreSupprimerLe parc Clichy Batignolles (Martin Luther King) quoiqu'un peu mangé par les travaux en ce moment mais qui sera plus grand après, promet bien :
RépondreSupprimerhttp://www.dailymotion.com/video/x90c4b_parc-clichy-batignolles-martin-luth_creation
(et c'est pas très loin)
Hello ! Hilarante revue de détail. J'y ajouterais :
RépondreSupprimer- le relou qui pense que le kilomètre 7 est le perfect spot pour draguer la minette sous prétexte de "courir à votre hauteur pour soutenir l'effort",
- la horde de pompiers qui vous doublent à grandes enjambées - et sans un regard (c'est vexant)
- les duos et trios de copines qui piapiatent sans s'essouffler - ignorant avec superbe la plèbe suante et solitaire.
- la femme voilée des pieds à la tête
:-)