Entre Kookaï et moi, c’est
une longue histoire. Quand j’étais adolescente, j’avais été chassée à la sortie
du lycée par une casteuse qui recrutait des non-professionnelles pour la
nouvelle campagne de pub de la marque.
Elle cherchait des brunes,
plutôt grandes et minces et qui savaient faire la tronche, je collais donc
parfaitement au portrait-robot, surtout pour la dernière caractéristique !
Je me souviens du casting
dans les locaux de l’agence de pub, des regards hautains des autres jeunes
filles et de mon embarras en me demandant ce que je faisais là. Finalement, je
n’ai pas été retenue.
Alors que j’étais à la fac,
j’ai, par la suite, travaillé comme vendeuse dans le magasin Kookaï de la gare
du Nord pour financer mes études. J’avais été étonnée à l’époque du décalage entre l’image plutôt jeune que
j’avais de la marque et la clientèle réelle : la quarantaine, plutôt
classique et à des années lumière de l’insolente adolescente qui étalait sa
moue boudeuse en 4x3.
Depuis, je suis de loin
l’évolution de la marque, qui, je trouve, a un peu perdu son identité. C’est
pourquoi, hier, mon œil a été immédiatement attiré par l’affiche ci-dessous (et par les très jolies chaussures étoilées!) :
Ma première réaction a été
plutôt positive : tiens, enfin, une publicité qui valorise le célibat et
prouve qu’une fille peut se débrouiller sans homme, même pour changer une roue.
En m’approchant de plus près, j’ai vite déchanté en lisant la traduction de "single" façon Kookaï : "seule au monde".
Changement de registre, on n’est plus du tout dans l’image de la célibattante
mais plutôt dans celle de la pauvresse esseulée. Traduction : sans homme,
on est seule au monde (mais on reste digne quand même car on est habillée en
Kookaï). De plus, l’utilisation du "but" à la place du "and" dans "single but chic" sous-entend que les termes "célibataire" et "chic" sont a priori antinomiques.
Après avoir lu cela, on a
forcément une lecture différente de l’image. On réalise alors que la jeune
femme a étalé tous ses outils sans savoir quoi en faire et qu’elle reste
démunie puisque la roue est toujours fixée sur la voiture. Elle n’est pas du
tout dans l’action mais dans l’attente, preuve en est, son regard fixant
l’horizon dans l’espoir de voir arriver l’homme qui la délivrera de cette
situation inconfortable.
De retour à la maison, j’ai
cherché sur internet et ai découvert qu’il existait 2 autres images de cette
campagne et que celles-ci ont déclenché un bad buzz sur internet. Même la
célèbre blogueuse mode Géraldine Dormoy a accusé la marque de "faire
l’apologie de la maigreur et de dénigrer les célibataires" !
Sur ce deuxième visuel, on
peut y voir une jeune femme pieds nus, en train de manger un yaourt devant un
frigo ouvert. Le texte précise "hungry but chic" (traduction de Kookaï "affamée mais
chic"). Pour ma part, je ne
ressens pas le visuel comme une incitation à s’affamer ou une apologie de
l’anorexie. La mannequin est mince mais pas squelettique (contrairement à
d’autres campagnes comme The Kooples) et surtout elle mange. J’aurais préféré
la voir dévorer une religieuse au chocolat mais c’est déjà un bon début.
C’est
davantage la traduction qui prête à confusion : "to be hungry" ce n’est pas "être affamé", c’est "avoir faim", ce qui n’est pas tout à fait la
même chose.
Le troisième visuel, de
moindre intérêt et moins controversé, présente une jeune femme fouillant dans
son sac à main avec en sous-titre « messy but chic » (« bordélique
mais chic »).
Ce qui me gêne dans cette
campagne c’est la pression du « chic en toutes circonstances »
masquée sous le vernis du « faussement cool ». Même la nuit, seules
devant leur frigo ou devant une roue crevée, les femmes se doivent de rester
chics et être en représentation permanente. Une injonction masquée à exister
dans le regard de l’autre avant tout.
Mon œil d’ex-marketeuse ne
peut s’empêcher de voir dans cette campagne un pied de nez masqué à celle de
« The Kooples » : Kookaï met en scène une célibataire alors que
The Kooples valorisait les couples, Kookaï montre une jeune femme qui mange
alors que the Kooples avait été accusé de faire l’apologie de l’anorexie avec
son égérie ultra-maigre.
La marque a depuis réagi
suite aux vives réactions sur sa page Facebook
« Certain(e)s d’entre
vous ont réagi au visuel HUNGRY BUT CHIC. Cette affiche montre comment se faire
pleinement plaisir tout en restant élégante, même prise en flagrant délit de
gourmandise…
L’image véhiculée par notre
publicité montre une femme moderne et mode, à la personnalité affirmée, qui
garde un certain décalage humoristique en toutes circonstances.
Cette campagne comporte 3
visuels qui vont dans le même sens : la femme du visuel MESSY BUT CHIC assume
le désordre de son sac à mains tout en restant élégante et SINGLE BUT CHIC
montre une femme qui sait rester mode, même en changeant le pneu sa voiture.
Voici de quoi vous rassurer
sur l’intention de notre marque. »
Dire que la campagne de 1999
était intitulée « Girl Power » ! On en est loin
aujourd’hui !
Mouais, l'explication de Kookai n'est pas terrible. On remarque à peine dans le visuel single but chic qu'elle est en train de changer une roue. Drôle de position pour changer une roue quand même. Pourquoi n'est elle pas les mains dans le cambouis. Bah elle peut pas, elle se doit d'être chic ! Alors comment on change une roue sans changer une roue ?
RépondreSupprimerMerci à Kookai de contribuer à notre aliénation. Merde alors, chic et belle et bien coiffée (enfin coiffé - décoiffé pardon !) en toutes circonstances et à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, dur dur la vie de femme !
Le visuel où la femme mange accroupie devant le frigo ouvert m'évoque plus une belle crise de boulimie que la gourmandise, surtout qu'elle a plus l'air coupable qu'heureuse de manger.
RépondreSupprimerEn effet mais pas sûr qu'une boulimique se jetterait sur un yaourt (0% si on regarde le frigo qui déborde de salade verte!):-)
SupprimerAh Ah, une fois j'ai raccroché le pot d'échappement de ma voiture en le rafistolant à la ficelle, après avoir monté la voiture sur le cric, toute seule, dans un parking d'aéroport, en jupe "classe", talons de 7cm et maquillage. Allongée sous la bagnole, les mains dans le cambouis.
RépondreSupprimerJe me sentais très seule au monde, mais au vu des regards des mecs qui passaient c'était très chic :-)
(oui je sais ce commentaire n'a aucun intérêt, mais la pub Kookaï m'y a fait repenser)
C'est vrai que la 2ème et 3ème affiche me choque moins, même si c'est encore un cliché de dire que les femmes ont toujours des sacs cabas pleins de choses inutiles. Par contre, comme toi, le regard perdu de la jeune femme qui cherche désespérement quelqu'un pour lui changer sa roue est dérangeant.
RépondreSupprimerOui je me rappelle aussi de Kookai à la fin des années 1990.Les temps ont bien changé!
RépondreSupprimeret donc il faut etre celibataire et/ou sans personne a l'horizon pour se decider a changer une roue?
RépondreSupprimerils sont marrants chez Kookai
Colèèèèèèèère!
RépondreSupprimerSentence.
Par ici:
http://solenndenis.wordpress.com/2012/09/13/chic-choc-cheap/