« Bon courage ». Je crois que je n’ai jamais
autant entendu cette phrase que ces derniers jours. Même quand j’ai fait mon
burn-out ou quand mon mariage a été annulé alors que je choisissais ma robe, je
n’ai jamais senti autant de compassion mêlée à autant de désespérance.
Où que j’aille, de Pole Emploi à la Sécu, j’ai le droit à
cette phrase, suivie du soupir de circonstance ou de la tête sur le côté de mon
interlocuteur en signe d’empathie.
L’objet de ce déversement de compassion ? J’ai décidé
de me lancer en tant qu’auto-entrepreneure. Mais pour compliquer la chose, je
reste également demandeuse d’emploi.
En résumé, les mois où je dégage du chiffre d’affaires, le
montant de mes rentrées d’argent sont déduites de mes allocations, les mois où
je ne facture rien, je touche mon ARE (allocation de retour à l’emploi) plein
pot.
Ca a l’air simple en apparence, mais il n’en est rien.
En allant chez Pole Emploi, je n’ai pas eu 2 fois la même
réponse au sujet de questions simples mais qui mettaient en jeu mon droit à
l’ARE : quel montant d‘heures travaillées déclarer ? Dois-je cocher
la case « je suis toujours à la recherche d’un emploi » ?
Comment déclarer mon chiffre d’affaire?
Pour certains conseillers, un forfait mensuel de 700 €
serait retenu puisque mon chiffre d’affaire n’est pas connu, pour d’autres
non.
On m’a demandé d’envoyer les justificatifs par courrier (je
les ai envoyés par courrier recommandé) et en ai avisé mon conseiller par mail
pour plus de sécurité. Réponse contradictoire de celui-ci : « Il aurait
été beaucoup plus simple que vous vous déplaciez pour faire en direct le dépôt
de vos documents. (Guichet relation clients sans RDV). Et vous auriez eu tous les documents en direct et les
explications de vive voix. En espérant que votre courrier aboutisse…dans les méandres
du tri de courrier et de la gestion en back office ».
Pour contourner les « méandres du back office »,
je me suis donc déplacée une énième fois pour une énième explication
contradictoire.
Là, un conseiller m’a fait signer un papier déclarant que je
ne toucherai aucun revenu : une fois sortie de l’agence, j’ai pressenti
que ce n’était pas normal et suis revenue voir un autre conseiller qui m’a dit
que ce formulaire n’avait rien à voir avec ma situation.
Same player, shoot again. Heureusement qu’internet existe,
ses forums aussi, seul endroit où avoir une information fiable.
A chaque nouvel interlocuteur, j’ai le droit à des soupirs,
des explications au lance-pierre ou un sourire contrit : je sens que je
dérange avec mes velléités à vouloir m’en sortir. A leurs yeux, je pressens que
celle qui se contente de toucher son allocation est plus simple à gérer,
d’autant que, désormais considérée comme « créatrice d’entreprise »,
je ne suis plus tenue de répondre aux « offres raisonnables d’emploi »
farfelues ou au suivi avec un conseiller qui n’a rien à me proposer.
J’ai le
drôle de sentiment d’être, au regard de la société, une espèce de monstre
bicéphale mi-entrepreneur/mi-demandeur d’emploi. Je cumule donc les préjugés à
l’égard du chef d’entreprise, arriviste et exploiteur et celui du demandeur
d’emploi, assisté et feignant. Sur Twitter, alors que je déplorais le manque de
clarté et d’information dont souffraient les créateurs d’entreprise, quelqu’un
m’a répondu que c’était normal, c’était la contrepartie de
l’ « exploitation des gens ». Quand je lui ai rétorqué que je
n’exploitais que moi-même et que, comble de l’ironie, j’étais dans mon ancienne
vie, déléguée du personnel et syndiquée, celui-ci m’a lancé « moi aussi et
je n’ai pas retourné ma veste pour autant ». J’ai ri (jaune) de
l’absurdité de la situation.
Quand je suis passée à la Sécurité Sociale pour me
renseigner sur mon changement de statut (je ne dépendrai plus de la CPAM mais
du RSI), le conseiller a éclaté de rire devant mes explications « Des
auto-entrepreneurs, j’en vois défiler à la pelle, si vous saviez ! Ils
s’en mordent les doigts et veulent tous faire marche arrière ! Le RSI
c’est un merdier sans non ! BON COURAGE ! ».
Dire qu’enfant, j’avais affirmé que je ne me mettrai JAMAIS
à mon compte. Il faut dire que l’image de mes parents, marchands de
journaux puis libraires, avait de quoi me vacciner à tout jamais de
l’entreprenariat. Lever à 5h, travail le dimanche, très peu de vacances et des
soucis à la pelle. Je me souviens encore des huissiers venus saisir jusqu’à la
console vidéo de mon frère, les semaines de frigo vide, les antidépresseurs
avalés quotidiennement par mes parents pour leur permettre de tenir le coup.
L’appartement vendu pour payer les dettes et derrière, rien. Pas de droit au
chômage encore moins à la compassion. Le vide.
Malgré tout cela, je me lance, après avoir quitté la World
Company pour qui j’ai travaillé pendant 11 ans et dans laquelle je me voyais
rester toute ma vie. Je ne vois pas d’autre choix possible après mon parcours
personnel.
Plus que du courage, ce dont j’ai vraiment besoin, c’est de
l’encouragement et du soutien. « Haut les cœurs » avait pour
habitude de me lancer ma mère sur le pas de la porte les matins d'école cafardeux.
C’est désormais la phrase que je me répète comme un mantra, en évitant de
regarder dans le rétroviseur tous mes doutes et mes mauvais démons.
Haut les cœurs.
Hauts les Coeurs! et ce n'est pas un merdier sans nom. J'ai un AE chez moi, et crois-moi, tout va bien!
RépondreSupprimerAhhh merci pour ce commentaire qui fait chaud au coeur!
RépondreSupprimerC'est vrai que le RSI n'est pas simple pour dire le moins, mais on s'en sort. Le cliché des Français râleurs a du vrai, malheureusement, mais ce n'est pas une raison de se laisser aller au pessimisme, bien au contraire. Quant aux difficultés rencontrées par vos parents, vous ne rencontrerez pas forcément les mêmes si votre activité ne nécessite pas de local avec son bail commercial et tout ce qui s'ensuit… Haut les cœurs, et tous mes vœux de réussite dans votre entreprise !
RépondreSupprimerMerci, ça ne ressort pas forcément du billet mais je reste positive! :-)
SupprimerLe site planète-auto-entrepreneur.com est bien fait, mais je suppose que dans vos recherches vous a avez du tombé dessus. Enfin au cas où ...
RépondreSupprimerMerci pour l'info, en effet je connais sauf qu'il ne répond pas aux questions spécifiques que se posent les demandeurs d'emploi (pour la déclaration mensuelle entre autre)
SupprimerJe suis une AE. J'ai choisie le systhème par capitalisation donc pas de pb avec pôle emploi. Pour le Rsi, il ne m'oublie pas chaque mois. Les démarches au début ne sont pas toujours faciles.
RépondreSupprimerLa vie n'est pas rose non plus et mon père avait une boite. J'ai connu 3 dépôts de bilans mais toujours eu des sourires.
Merci, votre message est encourageant!
RépondreSupprimerShana tova et pleine de succes!
RépondreSupprimerMerci Jérémie!
SupprimerPrécision pour le RSI. Je suis AE en plus de mon activité principale salariée. Je suis donc affilié au RSI sans y cotiser un centime. Malheureusement je me suis déclaré AE aux débuts du dispositif donc j'en ai essuyé les plâtres. Ainsi le RSI m'a un moment poursuivi de ses assiduités pour que je lui paye une jolie somme de cotisation. Je m'y suis rendu, j'ai expliqué ma siuation et la dame (fort aimable) m'a annulé la dette. Comme quoi...
RépondreSupprimerBonne chance pour ton activité, la concurrence y est rude !
Merci!
RépondreSupprimerIl est top ce billet !
RépondreSupprimerAllez, on y croit, un jour, bientôt, demain peut-être, tu gagneras tellement de sous que tu n'auras plus droit ni aux prestations chômage ni au statut d'auto-entrepreneur... et même que peut-être, tu devra embaucher un (voire des) salarié(s) pour faire tourner ta petite entreprise.
C'est tout le mal que je te souhaite.
Merci Doudette! Bon, allez, j'attends ton billet maintenant! ;-)
RépondreSupprimerBonne chance pour ton nouveau parcours et je te souhaite de déclarer plein en AE ! oui c'est galère au début mais si c'était simple l'administration on ne serait pas en train de commenter ce genre de billet... Que cette nouvelle année t'apporte tes rêves ! Chana Tova !
RépondreSupprimerUn GRAND merci Carole pour ce message qui me touche beaucoup! (et merci pour le méga coup de pouce quand j'en avais eu besoin, je n'oublie pas!). Plein de bises!
RépondreSupprimerPerso, je viens de créer une startup ou je vais exploiter plein de gens mais ou je serai le seul à être payé par pole emploi tant qu'ils veulent bien et je n'ai rien à dire contre eux.
RépondreSupprimerDepuis que je me suis inscrit, je n'ai fait que la visite réglementaire d'inscription ou je leur ai expliqué ce que je voulais faire, c'était il y a presque un an maintenant et ils viennent seulement de me recontacter pour prendre des nouvelles. Entre les 2, pas dérangé.
C'est limite off topic parce que je ne suis pas AE, mais c'est pour dire qu'il y a des plus fous que toi dans la vie (je suis veuf et j'ai 4 enfants à gérer - dont 3 ados - par ailleurs, d'ou le coté un peu fou de l'histoire)
Quelle chance d'avoir été "tranquille", moi j'ai été convoquée plusieurs fois, ai dû répondre à des "offres raisonnables d'emploi" qui ne correspondaient pas à ce que je voulais faire! Heureusement, mon conseiller a été très humain (mais surbooké et jamais joignable ou visible) donc j'ai eu affaire aux conseillers du "service clients" et là c'était plus compliqué! Je te souhaite de tout coeur une belle réussite, la chance sourit aux audacieux!
Supprimervu le talent dont tu fais montre sur ton blog (oui, j'aime beaucoup ce que tu écrit, qui est toujours très juste, même si je ne commente pas souvent), je suis sure que tu vas t'en sortir vers le haut (cette phrase n'est pas claire, si?). Tout ce qu'il faut c'est s'armer de patience face à l'administration qui aimerait bien garder ses chômeurs. :)
RépondreSupprimerSi, si c'est très clair et ça me touche beaucoup, merci pour ce message qui fait chaud au coeur!:-)
SupprimerDe rien :) :)
Supprimerdommage que tu n'as pas le même conseillé que Frayer :-)
RépondreSupprimerCourage, courage ! Je ne savais pas que vous aviez été victime d'un burn out. Avez-vous publié à ce sujet ? Je me demande quels en sont les symptômes.
RépondreSupprimerOui j'ai fait un billet dans lequel j'en parle sous forme de métaphore ici http://toutalego.blogspot.fr/search/label/Le%20travail%20c%27est%20la%20santé et ici http://toutalego.blogspot.fr/2011/10/comment-le-burn-out-ma-sauve-la-vie.html
RépondreSupprimerSinon, j'avais écrit un article pour le site Suite 101 ici : http://suite101.fr/article/stress-au-travail--detecter-et-aider-un-collegue-en-souffrance-a19063
Bravo de te lancer et haut les coeurs donc :)
RépondreSupprimerBravo à la nouvelle auto-entrepreneure... :), même s'il semble que ce soit le parcours du
RépondreSupprimercombattant, je ne suis pas trop inquiète pour toi, tu as tout pour réussir, le talent, le désir, la
patience et l'opiniâtreté.
Je ne dirai pas comme les autres "bon courage" mais... simplement "souris !"
Michèle (LALLEE-LENDERS
Merci ma belle pour tes encouragements! :-)
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