Pour moi l’écriture a toujours été une façon de me déguiser,
de porter un masque. Selon que j’écrive pour une marque de cosmétique, un blog
ou un journal d’information très sérieux, j’endosse le rôle de quelqu’un
d’autre. Je « joue » tour à tour la bonne copine qui confie ses
conseils beauté, l’expert qui vulgarise un contenu scientifique ou
l’éditorialiste qui argumente son point de vue. Je retrouve alors ce qui
faisait le sel de mes cours de théâtre : échapper à moi-même pour devenir
quelqu’un d’autre. Voir le monde avec les yeux d’autrui, me caler sur sa
posture, ses expressions. Devenir un caméléon du verbe.
Il ne me faut en général que quelques minutes pour cerner ce
qu’attend mon client, sortir mes antennes et mon crayon et mettre des mots sur
mon ressenti. Un rédacteur est à la fois un médium, un accoucheur d’idées et un
magicien.
Souvent, je suis moi-même étonnée lorsque je vois se
dessiner sous mes mots l’identité d’une marque, son ton, sa personnalité. Comme
un sculpteur verrait apparaître dans la glaise patiemment façonnée un visage
familier, un regard plein de vie.
Ecrire pour les autres est à chaque fois un petit miracle à
mes yeux. Passer de la page blanche au texte noirci reste un mystère et un
ravissement. Il y a quelque chose qui m’échappe dans ce processus de création,
de l’ordre du surnaturel. Bien sûr, cela se fait parfois dans la douleur, les
mots se tarissant ou tournant rond mais en général, il en sort toujours quelque
chose.
Jusqu’à hier, je pensais naïvement avoir la même facilité à
écrire sur moi. Sur les conseils de mon entourage, je me suis attelée à la
rédaction d’un site qui récapitulerait mes réalisations professionnelles, sorte
de CV enrichi et interactif.
Après en avoir tracé brièvement les grandes lignes et
dessiné le plan, j’ai été confrontée à la terrifiante expérience de la page
blanche. Une fois écrits mon nom, mon prénom et ma profession, plus rien ne
sortait de mon clavier. Vertigineux syndrome de la tête vide.
Mon parcours qui me semblait jusqu’ici atypique
m’apparaissait soudain comme chaotique, mes réalisations, dont j’étais si
fière, anecdotiques. Je biffais mentalement les termes trop élogieux, ricanais
intérieurement de cette tentative éhontée de ripoliner un « chemin de
vie » (traduction littérale de « curriculum vitae ») un peu trop
tortueux.
Et surtout, je ne savais quel ton donner à l’ensemble
« Bienvenue sur mon site » : trop ringard.
« Bonjour, je
suis Sophie Gourion, rédactrice web » : trop enfantin. Quant à parler
de moi à la 3ème personne, comme je l’ai vu ailleurs, trop
« Alain Delon ».
Je suis ainsi restée 3 heures, crayon d’une main, ordinateur
de l’autre, entre sueurs froides et angoisse du vide. J’ai gribouillé, jeté un
œil à Facebook et Twitter, suis allée boire un verre de Coca.
Péniblement, j’ai
réussi à accoucher d’un petit texte, qui ne donne pas entière satisfaction.
J’ai même pensé, en désespoir de cause, à faire appel à un rédacteur extérieur
pour écrire à ma place. Le comble pour quelqu’un qui espère vivre de sa plume.
Pourtant, je pense que cette étape est nécessaire et cette
confrontation à moi-même indispensable, même si elle est douloureuse. Quand on
se lance en tant que free-lance, il faut être certain de sa valeur. Apprendre à
se vendre fait partie intégrante de ce processus.
Alors, péniblement, je me suis attelée de nouveau à la
rédaction de mon site ce matin. Les mots peinent toujours à affleurer, de l’esprit
au clavier mais je persévère.
Consciente d’accoucher un peu de moi-même dans cette drôle
de maïeutique...
J'aurai pu écrire à quelques détails près le même texte, je vois que je ne suis pas seule avec mes angoisses, c'est rassurant en un sens...
RépondreSupprimer(je lis souvent, ne commente jamais, mais là, il fallait que je me manifeste)
Merci, je me sens moins seule moi aussi!:-)
SupprimerJe me retrouve tellement dans ce texte...je trouve ça si dur d'écrire sur soi,ce qu'on fait, où on va, et ses compétences. Vendre les autres est bien plus aisé! J'aime cette idée de masque :)
RépondreSupprimerJe ne te connaissais pas et suis tombée par hasard sur ton blog; Depuis, je le lis souvent.Sans flatterie aucune. Donc.... je trouve que ton écriture pour toi est très réussie même si elle est longue à venir et te semble douloureuse... Au final, ce sont les lecteurs qui sont contents :-)
RépondreSupprimerMerci Pomliane et bienvenue! En fait, ce qui est difficile pour moi, c'est d'écrire pour mon autre site, que je suis en train de construire et qui sera une sorte de CV amélioré. Sur le blog, je n'écris pas vraiment sur moi, donc c'est plutôt un plaisir! :-)
RépondreSupprimerTellement difficile d'écrire sur soi (même quand on est rédactrice...) que certaines prennent des pseudos...!
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