Récemment, le dictionnaire des écoliers avait fait beaucoup
de bruit à cause de ses définitions jugées sexistes (« ma mère repasse les
affaires de la famille » « Le père, c'est le mari de la maman, sans
lui la maman ne pourrait pas avoir d'enfants. C'est le chef de famille parce
qu'il protège ses enfants et sa femme. »). Cet outil pédagogique « fruit
de l'imagination et du travail de milliers d'élèves guidés par leurs maîtres» a
finalement été fermé suite au bad buzz. Mais les préjugés, eux, sont toujours là.
Le site « Heautontimoroumenos » rapporte à ce
sujet un travail riche d’enseignement sur les représentations genrées. Mené par
le planning familial au sein des classes de CP, il propose aux enfants répartis
en 2 groupes non mixtes le scénario suivant : « Imaginez que
pendant votre sommeil, un magicien ou une magicienne vous transforme en garçon
(respectivement fille). Le matin lorsque vous vous réveillez, quelle est votre
réaction ? Qu’est-ce qui est mieux ou moins bien ? Qu’est-ce que vous
pouvez faire que vous ne pouviez pas faire avant ? Qu’est-ce que vous ne
pouvez plus faire ? »
Les réponses collectées sont édifiantes :
Le groupe des filles
Lorsqu’on est une fille et qu’on se réveille garçon, les
points négatifs sont :
J’ai moins de choix pour m’habiller (pas de jupes, de
collants, de bracelets).
Je dois me battre et taper, les autres auront peur de moi et
j’aurai moins d’amis
Je devrai me raser.
Je ne pourrai plus avoir des jouets de fille.
Je ne pourrai plus m’entraîner à m’occuper d’enfants en
jouant à la poupée.
Lorsqu’on est une fille et qu’on se réveille garçon, les
points positifs sont :
Je n’aurai pas de bébé dans le ventre, je serai tranquille,
je n’irai pas à l’hôpital.
Je n’aurai pas de mari.
Je n’aurai pas besoin de me coiffer.
Je pourrai faire pipi debout.
Je courrai plus vite.
J’aurai un zizi.
Je pourrai avoir des jouets et des habits de garçon.
Je pourrai avoir les cheveux courts.
Le groupe des garçons
Lorsqu’on est un garçon et qu’on se réveille fille, les
points négatifs sont :
Je devrai porter des jupes et on verra ma culotte.
J’aurai des seins et c’est trop gros.
J’aurai des seins et on va se moquer de moi.
J’aurai des bébés et après il faut s’en occuper.
Il faudra enlever ma culotte pour faire pipi.
Il faudra mettre du rouge à lèvres, du maquillage et
toujours se coiffer les cheveux.
Je ne pourrai plus jouer au basket.
Il faudra se coucher plus tôt.
J’aurai moins de force.
J’aurai moins d’intelligence.
Je ferai moins de sport.
J’aurai plus peur.
Lorsqu’on est un garçon et qu’on se réveille fille, les
points positifs sont :
Je serai sage à l’école.
Je pourrai être amoureux de Théo.
Je pourrai faire des bisous à Thibault.
Je pourrai porter des bijoux.
Je pourrai faire de la cuisine.
Je pourrai faire des bisous.
Quand on sait qu’avant 1 an et demi, un enfant est incapable
de s’identifier à un sexe, on réalise qu’en 4 ans et demi, le nombre de
préjugés genrés engrangés par les enfants est assez impressionnant.
Pour les garçons, être une fille c’est être plus faible,
moins intelligente, avoir peur. C’est se soucier de son apparence et ne pas
pouvoir faire de jeux d’extérieur.
Pour les filles, être un garçon c’est « être
tranquille » : ne pas avoir de bébé, ne pas avoir de mari, ne pas
avoir besoin de se coiffer. Mais aussi avoir moins d’ami, devoir se battre et
taper.
Des stéréotypes entretenus dès le plus jeune âge par la
publicité, les livres mais aussi les manuels scolaires (l’analyse de 29 manuels
de collège et lycée par la Halde reflétait ces stéréotypes, en terme de choix
de métiers notamment : s’ils comptaient 3 fois plus d’images masculines que
féminines, les premières mettaient dans un quart des cas l’homme en situation
dominante.).
Les jouets sont également un puissant vecteur de stéréotypes.
Crystal Smith, auteure de « The Achille effects » l’avait mis en
valeur de façon très parlante l’année dernière sur son
site. Elle avait listé pour son étude les 658 mots des 27 pubs pour garçons
âgés de 6 à 8 ans et les 432 mots des 32 pubs pour filles. Plus
le mot était récurrent, plus sa taille était importante sur le graphique.
Voici la version "filles":
Et la version "garçons" :
Il en ressort encore une fois que les filles sont associées
à l’amour, à la magie, à la mode, aux bébés, et aux paillettes.
Les garçons, quant à eux, sont cantonnés à la bataille, au
pouvoir, à la rapidité aux armes et aux coups.
Par curiosité, j’ai posé les 2 questions du planning
familial à mon fils :
D’après lui, lorsqu’on est un garçon et qu’on se réveille
fille, les points négatifs sont :
-
« On ne peut plus faire pipi debout, ça
prend plus de temps que d’être assis » (décidément les questions urinaires
préoccupent beaucoup ces chers enfants !)
-
« On doit subir le chantage des filles. Par
exemple, ma copine Alice qui est amoureuse de moi a dû choisir entre ses
copines et moi. Les autres filles lui disaient que si elle restait avec moi,
elles ne joueraient plus avec elle »
D’après lui, lorsqu’on est un garçon et qu’on se réveille
fille, les points positifs sont :
-
« On peut faire un bébé » (mon fils
sait qu’il voudra déjà 3 bébés, il est prévoyant !)
-
« On peut faire des jeux de fille sans
qu’on se moque de nous, comme jouer à la dinette » (c’est du vécu, mon
fils adore jouer à la dinette et se fait régulièrement traiter de mauviette car
il n’aime ni se battre ni jouer au foot).
-
« On est plus intelligent quand on est une
fille ». Alors là, un stéréotype positif c’est intéressant. En creusant la
question avec mon fils, il a avoué m’avoir entendue en parler avec son père.
En effet, je me suis souvenue, après coup, avoir évoqué avec
lui cette
étude récente qui avait prouvé que le QI des femmes dépassait celui des
hommes ! Mais je n’en avais pas parlé directement avec mon fils !
Intéressant de voir à quel point les enfants peuvent être
des éponges…
D’où l’importance d’être vigilant à l’encontre de ce qu’ils
lisent ou voient et d’être attentif à ce que l’on dit ou montre.
Bon ben mon phénomène de 4 ans et 3/4 dont je parle ici : http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.de/2013/01/ding-dong-witch-is-dead.html, c'est "ne plus pouvoir porter des vêtements et des coiffures de princesse (car son rêve c'est devenir une princesse (effet Walt Disney)). C'est pourtant pas faute de lui donner une éducation féministe !:(
RépondreSupprimerJe crois que le formatage Disney est tellement fort qu'aucune petite fille n'échappe à l'effet princesse! Le tout est de leur montrer qu'il existe aussi d'autres modèles!
RépondreSupprimerC'est pas forcément négatif ! Mon dessin animé quand j'étais petite, c'était Cendrillon, la nana qui astique le sol et se fait offrir une superbe robe par sa marraine la fée !! Aujourd'hui, j'aime mettre de jolis vêtements (en même temps, qui aime s'habiller en sac à patates ?) et pourtant je défends la cause féminine !! Il ne faut pas non plus aller vers l'excès inverse.
RépondreSupprimerEt moi j'avais un fer à repasser en jouet!comme quoi!:-)
RépondreSupprimerWhaouh! Impressionnant à 4 ans seulement ?
RépondreSupprimerPas étonnant qu'on retrouve des "coquilles" sexistes partout ! jusque dans les institutions ! (pour voir c'est là : https://www.change.org/petitions/minist%C3%A8re-de-l-agriculture-de-l-agroalimentaire-et-de-la-for%C3%AAt-non-les-m%C3%A8res-ne-sont-pas-les-seules-responsables-du-g%C3%A2chis-alimentaire-2?utm_source=share_petition&utm_medium=url_share&utm_campaign=url_share_before_sign )
Lya