Pas de jeu d'écriture aujourd'hui, je n'ai pas eu le temps de m'en occuper. Il faut dire qu'en plus de mon boulot de rédactrice, de mon blog et du blog collectif d'écriture que j'anime, je me suis inscrite à un atelier d'écriture en ligne avec mes comparses Isabelle et Dom. Je n'ai donc pas pu trouver un peu de temps pour créer un jeu et y participer. En revanche, je vous propose de lire un texte que j'ai crée dans le cadre de cet atelier d'écriture en ligne. Je n'ai pas le droit de vous donner la consigne mais si ça vous inspire, libre à vous d'écrire un texte à partir du mien. Bonne lecture!
"Cerise attend son train dans une obscure gare de banlieue. Ses pieds dépassent un peu du bord du quai, moitié dans le vide, moitié sur la terre ferme. Elle les regarde sans vraiment les voir, les yeux dans le vague. Des chaussures informes, molles mais confortables, qui se laissent un peu aller. A l’image de sa vie.
Comme elle avait changé en un an seulement. Elle se revoit
encore le premier jour de son nouveau boulot, ses escarpins carmins aux pieds,
le rose aux joues et le cœur vaillant.
« C’est une provocation des chaussures pareilles » avait-il
lancé. Elle ne savait si elle devait en rire ou en pleurer. Dans le doute, elle
les avait rangées.
Son N+1. Ca lui faisait moins mal de l’appeler comme ça
plutôt que par son prénom, ça mettait une distance chirurgicale et salutaire
entre eux. Elle ne sait pas quand est ce que tout ça a basculé. Le jour où on
lui a annoncé que ses 2 autres collègues étaient licenciés ? Quand on lui
a progressivement retiré ses dossiers ? Elle ne s’en souvient plus, son
cœur et son esprit, fatigués par tant de montagnes russes émotionnelles ont
déclaré forfait.
Depuis, les jours ont filé, cotonneux, entre une
indifférence insupportable et une proximité désarmante. Certains matins, elle
avait des hauts le cœur et une boule dans la gorge rien qu’en sentant son
after-shave bon marché en entrant dans le bureau. Les tempes qui cognaient et
les dents serrées en devinant sa respiration derrière elle. Mais elle chassait alors
tout cela d’un revers de la main, comme on éloignerait une mouche trop
collante.
Il y a des signes qui auraient dû l’alerter pourtant. Son
nez qui s’était mis à saigner, inopinément. Comme si son animalité avait pris
le dessus et que son corps parlait à sa place. Mais même à cela elle s’y était
faite et finissait presque par être fascinée par ce flot d’énergie vitale qui
jaillissait d’elle. Elle était donc vivante.
Parfois, assise sur les toilettes, elle observait pendant de
longues minutes ces taches grenat éparses sur un mouchoir en papier, comme on
tenterait d’analyser un énigmatique test de Rorschach. En se relevant, elle
croisait alors sa silhouette fantôme dans le miroir, flottant dans des
vêtements trop amples.
Elle n’avait plus rien à voir avec la Cerise des débuts, ce
fruit charnu et écarlate qui sent bon le printemps et les lendemains qui
chantent. Desséchée, délavée, comme tabassée de l’intérieur, elle ressemblait
plutôt à une figue flétrie, soldée sur
l’étal d’un primeur.
Sur le quai, les pieds à moitié dans le vide, elle ferme les
yeux. Même l’intérieur de ses paupières est vermeil, comme si son corps tout
entier lui envoyait un message. Tu es vivante.
« Attention Madame, ne vous penchez pas trop ».
Une petite fille habillée de pied en cap comme le chaperon monochrome,
l’observe, un panier à la main. Elle lui fait un signe de la main pour lui
demander de reculer.
Une seconde après, le train arrive alors en trombe, dans un
larsen tonitruant de rails qui crissent.
Dans le reflet de la vitre,
elle aperçoit le visage d’une autre Cerise, qui l’a échappé belle.
Mais plus aucune trace du petit Chaperon.
Il va falloir combattre ses mauvais démons seule désormais."
Superbe texte, bravo!
RépondreSupprimerJ'ai trouvé ton texte très juste et très touchant. Même si c'est une fiction - ou justement parce que c'en est une - chaque personne qui vit la souffrance au travail peut s'y retrouver. C'est dur et c'est un combat qu'on mène seul.
RépondreSupprimerBelle sensibilité ! Et l'image du fruit tantôt charnu, tantôt desséché, est belle aussi.
Merci beaucoup, ravie que ce texte ait résonné en toi!
RépondreSupprimerBonjour Sophie, dont je découvre le blog, qui me plaît bien :-)
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas cette idée d'atelier d'écriture en ligne : pourrais-tu me communiquer l'URL de celui auquel tu participes (ou d'autres) ? (ou éventuellement par mail si c'est confidentiel ? mamansioux [@] yahoo . fr ) Merci d'avance et bonne continuation !
Et bravo pour ce texte, dans lequel le malaise de Cerise est palpable, je l'ai ressenti tout en le lisant...
RépondreSupprimerBienvenue! Voici l'adresse de l'atelier http://lateliersouslestoits.free.fr/atelier-ecriture-web.html
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