En
janvier 2012, Lego lançait sa gamme genrée « Lego friends », à
destination des petites filles. Un grand succès commercial teinté de nombreuses
accusations de sexisme provenant de consommateurs agacés par l’univers quelque
peu caricatural d’Heartlake City: briques pastels, personnages stéréotypés,
accent mis sur l’apparence et la futilité.
Beaucoup de contestataires avaient à l’époque exhumé une
publicité Lego de 1981 dans laquelle on pouvait voir une petite fille rousse en
t shirt bleu et jean, exposant fièrement sa construction en briques
multicolores. L’accroche « What it is is beautiful » encourageait les parents à
soutenir la créativité de leurs enfants. Une communication a des années lumière
de l’univers ultra-girly de la gamme Lego Friends de 2012.
Pour comprendre comment la marque a pu passer d’un jeu de
construction mixte à une gamme genrée, je vous conseille vivement de
visionner les 2 vidéos extrêmement documentées d’Anita Sarkeesian, une
féministe très pédagogue.
Aujourd’hui, je découvre grâce à Anne-Charlotte Husson la nouvelle
publicité de Lego Friends.
On ne peut s’empêcher d’y voir de flagrantes
ressemblances avec celle de 1981 : une petite fille, en t-shirt bleu et
jean, exposant fièrement une de ses constructions (qui ne ressemble ni à un institut
de beauté ou un bar). « Unique comme elle » affirme l’accroche.
« C’est un jardin, un bateau de pirate, un château, une île, une foret
enchantée ou une aventure. C’est exactement ce qu’elle veut en faire. Elle est
une exploratrice, une constructrice, une designer, une créatrice et une
inventrice. Elle est chaque enfant qui a un jour déversé un seau de Lego sur
son tapis pour fabriquer quelque chose qu’il a inventé. Elle ne se contente pas
de vous montrer ce qu’elle a fait. Elle vous montre de quoi elle est
faite ».
Une communication qui casse habilement les codes genrés et
qui met en avant la créativité et l’ingéniosité chez les petites filles alors
que Lego Friends se focalisait davantage sur l’aspect esthétique du jeu. La
marque aurait-elle enfin entendu les consommateurs ?
Je m’étais déjà fait cette réflexion alors que je
feuilletais le magazine « Club Lego Friends » que ma fille reçoit
régulièrement.
J’avais été très surprise d’y trouver une des figurines de
la gamme jouant au foot :
Une autre participant à un tournoi de karaté :
Ainsi qu’un article sur un apprenti pompier:
Le mois dernier, j’avais recensé ici les marques ayant dû
revoir leur communication ou leurs produits jugés trop sexistes par les
consommateurs. La grogne semble désormais se propager et porter ses fruits, même
chez Lego. Opportunisme commercial ou véritable changement de mentalité ?
Seul le temps nous permettra d’en juger.
Je vais être cynique, mais je dirais "opportunisme commercial". Le produit girly continue à exister, mais on change le discours pour répondre aux critiques d'une partie des consommateurs (et de l'opinion publique).
RépondreSupprimerN'empêche, à nous d'élever nos enfants pour que, une fois qu'ils aient déversé leurs briques sur le tapis du salon, ils aient en tête de multiples modèles à créer... en briques de toutes les couleurs.
[avec le dommage collatéral des briques qui resteront sur le tapis et nous blesseront inévitablement les pieds!]
Commercial probablement mais au moins, comme dit Pimpette, la créativité sera peut-être un peu moins préformatée/orientée/stéréotypée. J'ai de sacrés souvenir avec le seau de Lego et les constructions que j'ai pu faire (et la douleur de marcher pieds nus sur des pièces oubliées...ouille!!!)
RépondreSupprimerCe que je trouve intéressant c'est que, même si c'est par opportunisme commercial, les marques évoluent. a pas de fourmis mais elles évoluent...
Ce que je ne comprends toujours pas, c'est quel a été le parcours historique qui nous a emmené de la pub de 81 à celle de l'an dernier... alors que ce sont justement les enfants qui ont eu droit à celle de 81 qui sont aujourd'hui parents.
RépondreSupprimerComment donc des enfants élevés en 80-81 dans une ambiance moins sexistes ont pu, une fois adulte, cautionner, écrire et répandre le discours ultra-genré qu'on peut voir aujorud'hui?
Je l'explique dans un autre billet ici, la séparation genrée dans les jouets est assez récente http://www.toutalego.com/2013/01/noel-2013-vers-la-fin-des-jouets-genres.html
RépondreSupprimer"Le genre était ainsi remarquablement absent des publicités de jouets au tournant du 20e siècle, mais a joué un rôle beaucoup plus important dans le marketing du jouet dans les années antérieures et postérieures à la seconde guerre mondiale. Cependant, au début des années 1970, la séparation entre "les jouets des garçons" et "les jouets des filles" a semblé s’éroder. L’auteure a ainsi constaté lors de ses recherches qu'en 1975, très peu de jouets étaient explicitement commercialisés selon le genre et que presque 70 % n'ont montré aucune signalisation de genre du tout.
Dans les années 1970, les annonces de jouet défiaient souvent des stéréotypes en montrant des filles en capitaine d'avion construisant et jouant et des garçons mitonnant des petits plats dans la cuisine. Mais depuis 1995, la publicité genrée a fait un bond en arrière pour revenir à une situation comparable à celles des années 50. Trouver aujourd’hui un jouet qui n'est pas commercialisé explicitement ou subtilement (par l'utilisation de couleur, par exemple) par le genre est devenu incroyablement difficile."
merci, mais c'est une chronologie, pas une analyse du pourquoi et du comment... ;-)
RépondreSupprimerDans google scholar: zéro réponse à "gender oriented toys history"... y'a du boulot!
Ca va dans le bon sens. Ca me fait penser à ma fille qui est tellement heureuse d'avoir un kimono pour sa Barbie "qui fait du judo comme elle" !
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