> Gender marketing : Lego Friends écoute la grogne des consommateurs et revoit sa copie

dimanche 10 mars 2013

Gender marketing : Lego Friends écoute la grogne des consommateurs et revoit sa copie



En janvier 2012, Lego lançait sa gamme genrée « Lego friends », à destination des petites filles. Un grand succès commercial teinté de nombreuses accusations de sexisme provenant de consommateurs agacés par l’univers quelque peu caricatural d’Heartlake City: briques pastels, personnages stéréotypés, accent mis sur l’apparence et la futilité.


Beaucoup de contestataires avaient à l’époque exhumé une publicité Lego de 1981 dans laquelle on pouvait voir une petite fille rousse en t shirt bleu et jean, exposant fièrement sa construction en briques multicolores. L’accroche « What it is is beautiful » encourageait les parents à soutenir la créativité de leurs enfants. Une communication a des années lumière de l’univers ultra-girly de la gamme Lego Friends de 2012.

Pour comprendre comment la marque a pu passer d’un jeu de construction mixte à une gamme genrée, je vous conseille vivement de visionner les 2 vidéos extrêmement documentées d’Anita Sarkeesian, une féministe très pédagogue.









Aujourd’hui, je découvre grâce à Anne-Charlotte Husson la nouvelle publicité de Lego Friends. 



On ne peut s’empêcher d’y voir de flagrantes ressemblances avec celle de 1981 : une petite fille, en t-shirt bleu et jean, exposant fièrement une de ses constructions (qui ne ressemble ni à un institut de beauté ou un bar). « Unique comme elle » affirme l’accroche. « C’est un jardin, un bateau de pirate, un château, une île, une foret enchantée ou une aventure. C’est exactement ce qu’elle veut en faire. Elle est une exploratrice, une constructrice, une designer, une créatrice et une inventrice. Elle est chaque enfant qui a un jour déversé un seau de Lego sur son tapis pour fabriquer quelque chose qu’il a inventé. Elle ne se contente pas de vous montrer ce qu’elle a fait. Elle vous montre de quoi elle est faite ».

Une communication qui casse habilement les codes genrés et qui met en avant la créativité et l’ingéniosité chez les petites filles alors que Lego Friends se focalisait davantage sur l’aspect esthétique du jeu. La marque aurait-elle enfin entendu les consommateurs ?

Je m’étais déjà fait cette réflexion alors que je feuilletais le magazine « Club Lego Friends » que ma fille reçoit régulièrement.



J’avais été très surprise d’y trouver une des figurines de la gamme jouant au foot :


Une autre participant à un tournoi de karaté : 


Ainsi qu’un article sur un apprenti pompier:



Le mois dernier, j’avais recensé ici les marques ayant dû revoir leur communication ou leurs produits jugés trop sexistes par les consommateurs. La grogne semble désormais se propager et porter ses fruits, même chez Lego. Opportunisme commercial ou véritable changement de mentalité ? Seul le temps nous permettra d’en juger.

6 commentaires:

  1. Je vais être cynique, mais je dirais "opportunisme commercial". Le produit girly continue à exister, mais on change le discours pour répondre aux critiques d'une partie des consommateurs (et de l'opinion publique).

    N'empêche, à nous d'élever nos enfants pour que, une fois qu'ils aient déversé leurs briques sur le tapis du salon, ils aient en tête de multiples modèles à créer... en briques de toutes les couleurs.

    [avec le dommage collatéral des briques qui resteront sur le tapis et nous blesseront inévitablement les pieds!]

    RépondreSupprimer
  2. Commercial probablement mais au moins, comme dit Pimpette, la créativité sera peut-être un peu moins préformatée/orientée/stéréotypée. J'ai de sacrés souvenir avec le seau de Lego et les constructions que j'ai pu faire (et la douleur de marcher pieds nus sur des pièces oubliées...ouille!!!)
    Ce que je trouve intéressant c'est que, même si c'est par opportunisme commercial, les marques évoluent. a pas de fourmis mais elles évoluent...

    RépondreSupprimer
  3. Ce que je ne comprends toujours pas, c'est quel a été le parcours historique qui nous a emmené de la pub de 81 à celle de l'an dernier... alors que ce sont justement les enfants qui ont eu droit à celle de 81 qui sont aujourd'hui parents.
    Comment donc des enfants élevés en 80-81 dans une ambiance moins sexistes ont pu, une fois adulte, cautionner, écrire et répandre le discours ultra-genré qu'on peut voir aujorud'hui?

    RépondreSupprimer
  4. Je l'explique dans un autre billet ici, la séparation genrée dans les jouets est assez récente http://www.toutalego.com/2013/01/noel-2013-vers-la-fin-des-jouets-genres.html

    "Le genre était ainsi remarquablement absent des publicités de jouets au tournant du 20e siècle, mais a joué un rôle beaucoup plus important dans le marketing du jouet dans les années antérieures et postérieures à la seconde guerre mondiale. Cependant, au début des années 1970, la séparation entre "les jouets des garçons" et "les jouets des filles" a semblé s’éroder. L’auteure a ainsi constaté lors de ses recherches qu'en 1975, très peu de jouets étaient explicitement commercialisés selon le genre et que presque 70 % n'ont montré aucune signalisation de genre du tout.

    Dans les années 1970, les annonces de jouet défiaient souvent des stéréotypes en montrant des filles en capitaine d'avion construisant et jouant et des garçons mitonnant des petits plats dans la cuisine. Mais depuis 1995, la publicité genrée a fait un bond en arrière pour revenir à une situation comparable à celles des années 50. Trouver aujourd’hui un jouet qui n'est pas commercialisé explicitement ou subtilement (par l'utilisation de couleur, par exemple) par le genre est devenu incroyablement difficile."

    RépondreSupprimer
  5. merci, mais c'est une chronologie, pas une analyse du pourquoi et du comment... ;-)

    Dans google scholar: zéro réponse à "gender oriented toys history"... y'a du boulot!

    RépondreSupprimer
  6. Ca va dans le bon sens. Ca me fait penser à ma fille qui est tellement heureuse d'avoir un kimono pour sa Barbie "qui fait du judo comme elle" !

    RépondreSupprimer