Rappel : la semaine dernière, j’ai eu la chance de participer pendant 4 jours à la deuxième édition du Labo de l’écriture de la fondation Bouygues Télécom. Je retrace ici mes souvenirs de l'expérience en 4 épisodes.
3ème jour. J’y ai pensé sans cesse jusqu’à ce
matin. Je suis sûre que Bruno va nous demander de retravailler notre personnage
d’hier et de continuer son histoire. Sauf que je ne veux plus. Mon héroïne me
sort par les trous de nez, je la trouve trop encombrante, et à moins de lui
coller une balle dans la tempe je ne vois pas d’autre dénouement. J’ai enfanté
un monstre, un Frankenstein qui me dépasse, mi-moi, mi-autre. Je m’en ouvre
auprès de quelques camarades d’écriture et pour la première fois, leur présence
me réchauffe autant que le thé vert que j’engloutis debout, adossée à une
colonne.
Je le sens, c’est palpable, nous formons désormais un groupe. J’avais
déjà eu cette sensation il y a quelques années en participant à un trek dans le
désert du Maroc. On n’aurait pas pu faire pire casting tant nous étions
différents les uns des autres et à part notre goût commun pour la randonnée,
rien ne semblait rassembler ces 10 individus si disparates. Pourtant, les
difficultés, les peurs, les repas frustres et les splendides paysages ont été
le ciment d’une amitié commune unique. Un truc incroyable qui ne s’oublie pas
de sitôt. Je me souviens avoir erré plusieurs jours dans mon studio comme une
âme en peine après cette expérience. Je me sentais à l’étroit et ma petite vie
me semblait bien insipide à côté de ces moments communs partagés auprès de mes
compagnons de route. Si intenses et uniques. Pour la première fois, je me dis
qu’il pourrait bien en être de même après cet atelier.
Bruno me tire alors de
mes pensées en nous proposant de débuter. Il ouvre la séance en nous demandant
quelles sont les difficultés rencontrées lorsque nous écrivons. Quel
soulagement et quel bonheur de découvrir que je n’étais pas seule face à ces
freins et à ces peurs ! Mes compagnons ont, comme moi, des difficultés à
se fixer des délais, peinent à retravailler laborieusement un premier jet
d’écriture, se demandent constamment si ce qu’ils écrivent intéresse quelqu’un
d’autre qu’eux. Bruno, patiemment, nous donne des pistes. Ne pas hésiter à
laisser reposer un texte avant de le retravailler. Prendre exemple sur les
peintres qui retournent leurs toiles pour s’en détacher et mieux y revenir
ensuite. Moi qui ai l’habitude de travailler dans l’instantanéité, que ce soit
sur le blog ou pour mes clients, en raison de délais toujours serrés, je me
promets d’essayer. Il nous conseille également de repérer quelles contraintes
nous aident à écrire et nous invite à cultiver nos rituels d’écriture. Nathalie
Sarraute, par exemple, a écrit tous ces romans dans le bistro en bas de chez
elle. Elle avait besoin d'entendre la rumeur du monde.
Bruno enchaine ensuite avec le prochain exercice : écrire
une scène clé de son roman, un moment décisif et prendre un risque. Choisir une
difficulté. Il précise que nous ne sommes pas obligés de continuer avec le
personnage crée hier. Soulagement. Cette liberté soudaine souffle comme un vent
de créativité sur mes neurones engourdis. Quasi instantanément, je visualise la
scène et mes doigts filent sur le clavier. Je choisis une écriture quotidienne,
dépouillée, véritable défi par rapport à mon style habituel. Bruno nous demande
de lire chacun notre tour la phrase de notre texte que nous préférons. Pour la
première fois, ma voix est assurée, sereine. Il s’est passé quelque chose
aujourd’hui, c’est palpable. Un déclic, une étincelle.
Le soir, sur le chemin du retour, mon ordinateur et mes pas
semblent moins lourds.
Bien que je sois convaincu par la necessité de "contraintes" quant aux formes littéraires, je ne suis pas convaincu qu'elles favorisent l'épanchement des " divines larmes d'or"...Je pense que ce terme n'est pas très approprié pour décrire l'effet " scribogène"...(mais si, osons!...) de notre environnement. Pour ma part, je parlerai plutôt de stimuli: une émotion telle qu'une joie , un chagrin, une angoisse, une révolte, une lumière particulière, une musique...etc, sont autant d'éléments déclencheurs de cette chimie étrange qui nous conduit à énoncer goulument des mots, une phrase, que l'on se répète quelques fois avec délices...Il y a là en effet un phénomène créatif étrange , dynamique tel un fluide, qui transforme ce signal extèrieur en écritures, et cela devient en effet un rituel.
RépondreSupprimerAussi, à chacun ses rituels, mais sans contraintes.
Merci Sophie, pour ces nouvelles impressions
Je pense que contraintes et rituels sont 2 choses différentes. Le rituel, c'est une façon d'entrer en écriture, créer des conditions favorables à l'écriture. Pour certains, ça peut être le silence absolu, d'autres ont besoin du bruit et de la foule. Ca n'est pas une recette de réussite absolue mais ça peut aider à se mettre en condition. Le stimulus vient parfois de ces rituels et le chagrin, la joie peuvent revenir à l'esprit à ce moment là (je ne sais pas si je suis très claire désolée!). Pour ma part, je n'ai pas de rituel défini et le meilleur stimulant qui soit chez moi c'est l'urgence! être en retard par exemple (ça a commencé dès l'école!). Merci pour ce commentaire en tout cas!
Supprimer"se demandent constamment si ce qu’ils écrivent intéresse quelqu’un d’autre qu’eux" Voilà, tout est dit !
RépondreSupprimerOn se sent tout de suite moins seul! :-)
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