Je lis toujours très attentivement les témoignages de @The_Economiss
sur Twitter, notamment en ce qui concerne le racisme qu’elle a pu subir et
qu’elle subit encore quotidiennement en tant que femme noire.
Je me retiens très souvent de lui écrire « Non mais
c’est pas possible » tellement certains récits me paraissent révoltants
mais je me contente d’écouter sans intervenir.
Une problématique revient de manière récurrente dans ses
tweets : celle de ses cheveux.
Très régulièrement, elle raconte que les gens se permettent
de toucher ses cheveux sans son autorisation ou s’autorisent moqueries et
remarques. La situation semblant s’être aggravée depuis qu’elle porte une coupe
afro, elle a annoncé aujourd’hui sa décision de les défriser de nouveau : « J'en
ai marre qu'on se foute de ma gueule, qu'on me tripote les cheveux, qu'on me
fasse des remarques, qu'on me dise que je me coiffe pas » écrit-elle.
Un autre jour, j’aurais lu ce tweet puis serais sans doute
passée à autre chose.
Sauf qu’aujourd’hui, j’ai vécu un épisode qui m’a fait
prendre pleinement conscience de cette situation intolérable et révoltante.
Il y a quelques heures, j’ai accompagné mes enfants et le
copain de mon fils voir « Le bossu de Notre Dame » au théâtre
Antoine. Avant le début du spectacle, les comédiens, grimés et costumés, passent
dans la salle et taquinent les
spectateurs. Ils font peur aux enfants, se moquent d’un père chauve, font
semblant de dérober le portable d’une personne du public. Puis l’un d’entre
eux, Thomas Solivérès, s’arrête devant un jeune homme à la coupe afro. Ils lui
touche immédiatement les cheveux puis s’écrie, une main dans sa chevelure
« Mais c’est quoi ça ? C’est du foin ! C’est quoi ce truc ?
Faut couper ça, apportez-moi des ciseaux ! ». Puis « Vous allez
gêner les gens de derrière avec des cheveux pareils ». Le jeune homme est
tellement gêné qu’il rit (jaune) tout en baissant la tête sur ses genoux. Rires
gras dans la salle. Je suis pétrifiée, d’autant que le copain de mon fils,
seulement âgé de 8 ans, porte lui aussi une coupe afro. Je n’ose pas imaginer
ce qu’il doit ressentir à l’instant présent. En sortant du spectacle, que mes
enfants ont beaucoup apprécié, il juste répété « C’était nul ». Je
n’ai pas osé lui reparler de l’incident.
Je suis persuadée que Thomas Solivérès n’a pas eu
d’arrière-pensée et n’a pas eu conscience de son geste. J’imagine qu’il me
répondrait qu’il s’était aussi moqué auparavant d’un chauve, que ça fait partie
de la mise en scène de taquiner les spectateurs quels qu’ils soient.
Sauf que la chevelure est un sujet complexe et intime dans
la communauté noire. « C'est l'une des caractéristiques physiques qui nous
rend "différents" explique
Jonathan Capehart, journaliste au Washington
Post : "Du fait de l'héritage de l'esclavage et des lois Jim Crow
[surnom donné à l'ensemble des lois raciales promulguées dans les Etats du Sud
entre 1876 et 1964], notre chevelure et notre tête sont devenus des sujets
sensibles pour nous, Afro-Américains. Une petite tape sur la tête, en
particulier de la part d'un Blanc, sera au mieux considérée comme
condescendante. ‘Ne laisse personne toucher ta tête', m'a dit ma mère lorsque
nous avons quitté Newark pour nous installer dans une ville majoritairement
blanche du New Jersey. A l'école, j'ai appris que certains pensaient que
frotter la tête d'un Noir portait chance. Et il y avait toutes sortes de termes
péjoratifs pour désigner les cheveux crépus - depuis ‘Brillo' [marque d'éponges
métalliques] jusqu'à des expressions inappropriées sur un forum familial comme
celui-ci. Aussi, toucher les cheveux de quelqu'un est un geste intime qu'on ne
peut faire qu'avec des membres de sa famille."
Malgré tout, le premier geste de Jacob, un petit garçon noir
invité à la Maison Blanche, a été de toucher la tête de Barack Obama.
- "Je veux savoir si mes cheveux sont comme les
vôtres". Obama a répondu :
- "Et si tu les touchais, pour te rendre
compte ?". Le président a baissé la tête pour la mettre au niveau du
gamin, mais Jacob a hésité.
- "Touche-les, mec !" a dit l’homme le plus
puissant du monde. Jacob a touché et le photographe officiel du président a
pris la photo.
- "Qu’est-ce que tu en penses ?" a demandé le
président au gamin.
- "Oui, ils sont pareils."
Trois ans plus tard, cette photo reste la plus populaire de celles
qui figurent sur les murs de la Maison Blanche.
Preuve que les cheveux n’ont rien d’anodin…
Mise à jour du 01/03/14
L'acteur m'a répondu sur Twitter:
Je le remercie pour sa réponse. Cependant, le fait que la personne soit son ami ne change pas grand-chose. Même si l'intention n'était pas raciste, le geste, lui, l'est.
Pour avoir un aperçu du phénomène, je vous conseille de taper "toucher cheveux noirs" sur Google, le nombre de réponses est assez éloquent.
Je vous conseille également la lecture de ce billet : "Pourquoi il ne faut pas toucher les cheveux afro d'une femme noire".
Mise à jour du 01/03/14
L'acteur m'a répondu sur Twitter:
Je le remercie pour sa réponse. Cependant, le fait que la personne soit son ami ne change pas grand-chose. Même si l'intention n'était pas raciste, le geste, lui, l'est.
Pour avoir un aperçu du phénomène, je vous conseille de taper "toucher cheveux noirs" sur Google, le nombre de réponses est assez éloquent.
Je vous conseille également la lecture de ce billet : "Pourquoi il ne faut pas toucher les cheveux afro d'une femme noire".
Moi j'adore la coupe afro, je trouve ça très beau. Y'a un jeune homme dans The Voice qui est coiffé comme ça et j'aime bien ! :)
RépondreSupprimerC'est vrai que, dans ton témoignage, le comédien s'est moqué d'un peu tout le monde, le problème c'est que, comme tu dis, les cheveux des Noirs sont un peu comme avec les roux, ce n'est pas anodin, il y a plein de "mythes" autour... et les enfants dans les salles sont rarement chauves. Alors d'un enfant roux est roux, ou qu'un enfant Noir peut avoir une coupe afro. Et les enfants n'ont pas le même développement que les adultes. Donc ils enregistrent ça, et après ça fait des complexes. A l'école on se moque de ceux qui ne sont pas pareil, les enfants enregistrent ça aussi. Alors que les enfants, dans les cours de récré, sont rarement chauves...
Oui et puis j'imagine que ça doit être déjà super dur d'assumer de porter la coupe afro en raison des remarques, des pressions pour les avoir raides alors se faire humilier comme ça...
RépondreSupprimerArticle très vrai, les gens se permettent beaucoup de familiarité avec les cheveux afro et c'est souvent mal vécu par la communauté noire. Même s'il n'y a pas forcément d'intention mesquine derrière, je pense que les gens ne s'imaginent jamais qu'on puisse faire pareil avec leur propres cheveux.... Ca incite souvent à les lisser et par la même occasion, à beaucoup beaucoup les abimer. Tu résumes très bien la situation en tout cas.
RépondreSupprimerUne de mes collegues metis - cheveux boucles "mixte" au carre peu volumineux - donc loin des cheveux crepus a eu des remarques comme quoi elle faisait "negligee" du coup elle tirait ses cheveux violemment. Alirs que moi je laissais mes cheveux detaches sans coupe libre et longs ( et ca ressemble pas aux pubs pour cheveux loin de là). Son frere ne trouvait oas de travail en feance, il lui a fallu trois jours au quebec pour en trouver dans une banque prestigieuse.
RépondreSupprimerMes amies noires depensent une vraie fortune en produits polluants et en temps stress pour se defriser les cheveux. Et cela a tout le contexte du patriarcat applique à leurs cheveux, on leur fait constamment des remarques puis ils interiorisent cette pression jusqu'a en etre des vecteurs vis a vis des autres et les blancs leur disent qu'il "suffit" de se revolter (j'en ai ete)
Merci beaucoup pour ce témoignage qui permet de se rendre compte d'une réalité qui ne devrait plus exister.
RépondreSupprimerLa curiosité des gens entraîne parfois des gestes déplacés.
RépondreSupprimerSi tu as l'occasion, je conseille de regarder le film Good Hair de Chris Rock sur les cheveux des Noirs. Il traite notamment de l’industrie du lissage de cheveux (toxique et polluant) et des extensions (exploitation des Indiennes, paupérisation des Noires).
Bonjour,
RépondreSupprimerJe porte moi même une afro et c'est assez dure à assumer. Les gens touchent mes cheveux sans me le demander (mes amis, mais aussi des inconnus, parce que vous comprenez "ils veulent savoir ce que ça fait") comme si j'étais une curiosité, ils me disent que "c'est marrant", funky, bizarre"... alors que c'est juste mes cheveux crépus dans leur état normal... Je trouve ça tellement grossier, je n'irais jamais faire/dire ça à quelqu'un. Ca commence vraiment à m'agacer... Et honnêtement, je pense qu'ils ne s'en rendent pas compte mais ce n'est pas du tout anodin pour moi. Je me sens agressée dans ce que je suis, parce que je refuse de défriser mes cheveux et d'avoir l'air plus européenne. Pour moi, c'est une forme de racisme.
Touchez leurs cheveux en retour de la racines jusqu'aux pointes, comme si vous les carressez et vous verrez que ça va les gêner et que ça les calmera direct.
SupprimerHo ça me fait mal au coeur pour le petit qui a du terriblement remâcher la situation !
RépondreSupprimerEn tant que maquilleuse, j'ai vu backstage la course aux produits défrisants toxiques, c'est carrément inquiétant. Sans parler des produits blanchissants qui font un vrai carnage... Quel dommage qu'on ne respecte pas les différences ! Et effectivement, je pense qu'on occulte trop souvent l'aspect colonialiste du tripotage de cheveux crépus...
Mais qui touche les cheveux d'un étranger?
RépondreSupprimerun peu facile le coup de "l'ami"...
RépondreSupprimeren fait, pas crédible du tout...
les clowns sont fondamentalement l'expression des non dits de méchanceté populaire, l'expression directe des valeurs intimes des "gens"...
le clowns, comme le graphiste publicitaire, est d'autant plus efficace, donc ici "drôle" qu'il exprime l'humour, donc les valeurs interdites de non respect fondamentaux de ce qui n'est pas respectables, de ce qui n'est pas acceptables dans une culture.
les cheveux, sont l'expression antithétique des valeurs viriles, parce que sensualité et force à la fois autant intemporalité et finitude vivante.
ils sont la tête, ce qui est montré, incontournable, que l'on porte, le drapeau du corps.
un homme, ça ne doit pas porter de corps parlant, donc ça ne doit pas porter de chevelure libre autant qu'élégante.
c'est exactement ce que cette incarnation de la méchanceté populaire a exprimé et dont il est tellement imprégné qu'il en est inconscient.
J'ai les cheveux bouclés et j'ai toujours été sidérée par les personnes qui osaient venir les toucher, faire "rebondir" mes boucles en s'exclamant un "HO !" que je considérai comme débile. Ben oui, certains cheveux sont raides, d'autres sont bouclés, certains sont blonds, d'autres bruns, et alors ???
RépondreSupprimerAvant de savoir les entretenir, ils étaient crépus, et on m'appelait "Jackson Five" au collège... Ca changeait du "mouton" qui avait précédé. Grands moments de solitude lorsque le rigolo du fond du bus lançait des objets et qu'ils atterrissaient dans ma tignasse, à mon grand dam.
Les cheveux frisés, bouclés, sont rares, mais pas au naturel. Beaucoup de personnes les lissent, tous les matins, ou bien "définitivement", il n'y a qu'à imaginer le fric monstre que se fait l'industrie cosmétique à vendre tous ces produits défrisants (OMG des cheveux frisouillés, quelle horreur !) donc m'est avis que les cheveux des personnes noire sont d'autant plus détonnants.
Pour ma part j'ai toujours été admirative des coupes affro, et des personnes qui les portaient.
La coupe afro est magnifique, je suis dégoutée que des gens se permettent de mettre leurs mains dans la chevelure des personnes noires comme si de rien n'était, alors qu'ils ne font pas ça aux personnes blanches. C'est déshumanisant. J'ai mal au coeur pour le petit garçon, ça ne sera pas la dernière fois qu'il entendra ce genre de propos (qui est "pour rire" comme toujours hein...), j'espère qu'il sera assez entouré pour que ça ne lui laisse pas de méchantes blessures.
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