La presse féminine n’en finit pas de distribuer les brevets
de féminisme.
Après « Elle » dont j’ai parlé récemment, c’est
désormais au tour de « Glamour » de décerner des pourcentages de
crédibilité militante (rien que le concept m’amuse, vous vous imaginez dire à
quelqu’un « Méfie-toi de cette personne, elle est crédible à 20% »?).
La consternation débute dès la lecture du chapô :
« Miley Cyrus,
Beyoncé, Katy Perry, Ellen Page, Lena Dunham, toutes le clament haut et fort,
elles sont « féministes ». Longtemps honteux, comme s’il risquait de
vous propulser dans la catégorie des castratrices frustrées, le terme a été
rebrandé dans une version joyeuse et décomplexée. Mais quelle est la
crédibilité des people à le revendiquer ? »
« Rebrandé », un jargon de marketeux vide de sens
que je n’avais plus entendu depuis mes années en entreprise. « Joyeuse et
décomplexée » vraiment ? Je conseille à la journaliste d’aller dans
une soirée et de lancer le mot féministe pour constater les réactions. Ou
d’aller lire ce que vivent actuellement Anita
Sarkeesian ou Zoe Quinn.
Plutôt que de s’interroger
sur la crédibilité des people à le revendiquer, le magazine devrait
s’interroger sur sa propre légitimité à décerner des médailles !
Pour Glamour, les
peoples se revendiquant féministes se classent donc en 4 catégories :
Les opportunistes : Miley Cyrus, à qui on conseille d’ « étoffer son discours très hétéro-normé » ou Rihanna « femme battue pas rancunière, pasionaria du
droit à exhiber ses tétons sur internet » (jolie combo victim-blaming +
slut-shaming).
Crédibilité : 15% : « Ces people montrent une
incompréhension flagrante des enjeux actuels du féminisme et changent de
position selon la tournure du vent ». Pas crédibles parce que sujettes
aux contradictions ? Qui ne l’est pas ? Alors que l’article raillait
Rihanna pour avoir montré ses tétons quelques lignes plus haut, la sémiologue
interrogée conclut par « Mais pas de
quoi conspuer Miley, le « slut shaming » qui consiste à jeter l’opprobre
sur celles qui se conduiraient comme des « salopes » restant
infiniment plus choquant que la provocation surjouée ». Glamour non
plus n’est pas à une contradiction près ! Hôpital, charité, tout ça…
Les ambigües : Beyoncé car elle a chanté « Put a ring on it » avant d’écrire
« Flawless » (dans lequel elle cite un extrait du
discours « We should all be feminists » de l’écrivaine Chimamanda Ngozi Adichie).
Parce qu’elle « milite pour la
suppression du mot « bossy » tout en jouant le jeu de l’hypersexualisation ».
Parce qu’elle a appelé sa tournée « The
Mrs Carter Show World Tour » (son nom de femme mariée) ». Ou comment chercher la petite bête.
Oui, le répertoire
de Beyoncé a évolué avec sa prise de conscience féministe (qui peut dire
qu’elle est ambiguë après avoir vu sa participation aux MTV Video
Music Awards ?). Oui on peut être féministe tout en montrant ses jambes et
en étant mariée (coucou les clichés de la militante). Madonna est elle aussi
classée dans les ambigües car elle refuse de vieillir (le droit à faire usage
de son corps comme bon nous semble on en parle ?), ainsi que Lena Dunham
dont les photos ont été retouchées.
Crédibilité :
60% répond Julie Benasra « Peu importe que ces femmes soient réellement
émancipées, ce qui compte c’est l’impact de leur discours ». Quelle est
donc la raison d’être de cet article dans ce cas?
Les
engagées : Les féministes pures et dures selon
Glamour, les « it militantes », pour reprendre le vocabulaire des
magazines féminins, sont Angélina Jolie, « incarnation ultime du « have it all », l’ex Lara Croft
affiche une féminité musculeuse à l’écran » (bonjour le syndrome de la
Wonder Woman militante et les injonctions à la féminité) et « refuse le mariage tant que tous les homos
n’y auront pas accès ». Mince, raté, elle
a accepté depuis. Combien de points de crédibilité féministe en moins du
coup ? Meryl Streep, fait partie elle aussi des « vraies
engagées », car contrairement aux
féministes en carton« elle n’a
jamais cédé à la chirurgie esthétique ». Christine Boutin non plus,
pourtant je ne suis pas persuadée qu’elle soit vraiment féministe.
Crédibilité :
100% (forcément). « Etre féministe c’est avant
tout s’accepter et mener la vie telle qu’on est, loin des dogmes
phallocrates ». Et des dogmes tout court en fait. Même ceux des magazines
féminins.
Les alliés : alors
que Glamour a mené l’enquête pour valider le féminisme des femmes, il n’en est
pas de même pour les hommes. Ainsi, l’humoriste Louis CK décroche sans problème
sa médaille alors qu’il n’est pas le dernier à tenir des propos problématiques et que sa série est loin d’être dénuée de sexisme. Idem Pour Pharell Williams, co-auteur de
« Blurred lines », qui a
déclaré suite aux accusations de sexisme « « Les femmes dans cette
vidéo ne faisaient rien de sexuel : elles étaient juste en train de danser.
Simplement parce qu'on voyait leurs seins, c'était "sexiste" »
« « Est-ce que c'est sexiste quand tu marches dans un musée et que les
statues ont les seins à l'air ? ».
Crédibilité :
80% No comment.
Glamour n’est pas le seul média à distribuer les brevets de
féminisme. Récemment, le site de la très conservatrice chaîne de télévision Fox
News a ainsi retiré sa médaille à Beyoncé dans un
article intitulé « Le message féministe de Beyoncé aux VMA fait
lever les yeux au ciel ». « La superstar de la
pop a combiné certains mouvements avec un certain message, laissant quelques
spectateurs confus » « Simplement vêtue d'un justaucorps brillant et
accompagnée d'autres femmes peu vêtues et d'hommes à moitié nus [...] avec un
assortiment de déhanchés, de jambes tendues, de barres de pole dance et de
corps qui se frottent ». Pire encore d’après le site, elle a osé faire état de sa foi chrétienne
à la fin du show.
En ce qui me concerne, ce n’est pas le message féministe de
Beyoncé qui me fait lever les yeux au ciel. Mais plutôt les jugements
péremptoires et erronés de médias à qui on n’a pas demandé leur avis sur la
question.
Autant j'ai fait partie de celles qui ont critiqué (ou plus exactement relayé les critiques) tes derniers articles au sujet de la BD de Muriel Dourou, autant celui là, je l'ai apprécié.
RépondreSupprimerDonc tu te permets aussi de juger le féminisme de l'auteure du blog ?
SupprimerGenre elle est pas féministe quand elle parle de la BD et elle l'est quand elle dénonce ce qu'elle écrit plus haut ?
Anonyme, donc courageuse également. Chouette, chouette.
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