> Bikini versus bedaine ou le double standard de la beauté

lundi 25 mai 2015

Bikini versus bedaine ou le double standard de la beauté



 Dans un précédent billet, j’avais évoqué l’injonction insidieuse faite aux femmes d’être belles en toutes circonstances.

Aujourd’hui, je m’attarderai davantage sur le double standard de la beauté : selon que vous êtes un homme ou une femme, le degré de perfection esthétique exigé, la palette des physiques socialement valorisés ou représentés n'auront pas la même ampleur.

Une simple recherche sur Google permet de se faire rapidement une idée du phénomène :

Lorsque l’on tape « être belle » dans le célèbre moteur de recherche, les suggestions Google portent pour 3 réponses sur 4 sur des considérations esthétiques : « être belle au naturel » « être belle sans maquillage » et « être belle au quotidien ».


Lorsque l’on tape « être beau », aucune suggestion ne porte sur un objectif esthétique à atteindre (la suggestion "être beau" porte uniquement sur la manière de conjuguer le verbe).


Et puisqu’une image vaut mille mots, il est également intéressant de se pencher sur les galeries photos de Google. Le site « Sociological images » avait ainsi fait l’expérience instructive de taper « visages de femmes » et « visages d’hommes » dans le moteur de recherche d’images. Les résultats sont édifiants : la très grande variété de visages masculins (drôles, vieux, jeunes, étranges…) s’oppose de manière flagrante à l’homogénéité des visages féminins, dont la seule caractéristique semble être la beauté juvénile.

L’illustratrice et dessinatrice Laurel avait d’ailleurs réalisé il y a quelques mois le même test en comparant les personnages masculins et féminins des films d’animation : là encore, même conclusion : la grande diversité des physiques masculins s’opposait à l’homogénéité des physiques féminins, avec, pour ces dernières,  la beauté et la jeunesse comme unique dénominateur commun.

Car, alors que la beauté masculine possède 2 standards de référence, le jeune homme et l’homme, la beauté féminine se réfère à un idéal unique : celui de la jeune fille.

C’est ce que l’essayiste américaine Susan Sontag appelle le « double standard du vieillissement » comme l’explique Sophie Cheval dans son livre « Belle, autrement !: En finir avec la tyrannie de l'apparence » : « Au fil du temps, le visage des hommes passe d’une apparence juvénile, fragile, à une autre plus mature : avec l’âge, leur visage devient plus épais, plus rêche, plus marqué par le rasage. Ce faisant, il passe d’un idéal de beauté à un autre. Or cette transformation du jeune homme vers l’homme le rend plus masculin. 

Les femmes, en revanche, sont soumises à ce que S. Sontag appelle le « double standard du vieillissement ». En vieillissant, la femme ne perd pas seulement sa jeunesse : en s’éloignant de l’unique standard de beauté féminine, elle perd également sa beauté et sa féminité. Ce standard unique de beauté conduit les femmes à devoir ressembler à des jeunes filles pour demeurer féminines et séduisantes. Jeune et jolie, telle est la représentation la plus communément associée au concept de visage féminin. Un seul exemple suffit à témoigner de cette différence homme/femme : en 2008, à 78 ans,  Sean Connery était l’une des icônes publicitaires d’une célèbre marque de sellerie de luxe. De son côté, en revanche, la James Bond Girl se doit, comme son nom l’indique, rester une jeune fille ».

Double standard dans la perception de l’âge mais également du physique. Le « dad bod » , dont on a beaucoup entendu parler ces derniers jours via un article très viral (« pourquoi les femmes aiment le Dad Bod ») en est une illustration éloquente.

Le « Dad Bod » ou “corps de papa, avec bedaine incluse, serait devenu un idéal prisé par la gent féminine si l’on en croit la blogueuse MacKenzie Pearson, théorie reprise par de nombreux médias : « Le “dad bod” peut dire “Je fais du sport de temps en temps, mais j’adore aussi voire énormément le weekend et me goinfrer de pizzas.” Ce n’est pas un type qui est en surpoids, mais il n’a pas de tablettes de chocolat non plus. ». Dans le magazine GQ, on a pu lire également : « Si vous êtes vraiment père, qui va vous critiquer pour ne pas trouver le temps d’aller à la gym frénétiquement et d’élever un enfant en même temps ? Un terroriste ! ».

Les mêmes terroristes qui exigent des femmes et des mères des « beach bodies » en toute impunité.

Ou qui taxent de « grosse star » une actrice qui rentre dans une taille 38 (merci Voici)



2 poids, 2 mesures vous avez dit ?

Edit : j'ai oublié de parler de cette BD très pédagogique de Mirion Malle sur le sujet : "Barbie versus Musclor ou l'allégorie de la mauvaise foi"




2 commentaires:

  1. Super article (comme celui sur la copine moche) !

    Pour revenir à ce que dit Sophie Cheval, on peut tout de même remarquer qu'il y a eu, dernièrement, une ouverture du marché des crèmes et autres soins pour hommes (notamment l'anti-rides). Après, ce n'est pas vraiment une bonne chose qu'il q'il s'agit finalement d'un élargissement (partiel) du « double standard du vieillissement » aux hommes.

    Par contre, je serai intéressée de comparer les critères de beauté chez la femme du point de vue des hommes et des femmes, histoire de vérifier si tout le monde a subit l'influence de magazines comme Voici.

    RépondreSupprimer
  2. Oui super article! je le vois bien avec mes amis qui font des enfants, les papas sont gentiment charriés pour leur bedaine mais ce sont les mamans qui s'acharnent à la salle de sport, s'affament à coups de régime pour perdre leurs kilos de grossesse, et culpabilisent... Dans mes groupes d'amis, on compare les garçons à George Clooney lorsque leurs tempes blanchissent, et nous les filles on fait des colorations. Je pensais être plutôt bien dans ma peau, mais je me surprends à 30 ans, à inspecter mon postérieur en redoutant le jour où il s'affaissera. Je suis assez sportive et j'ai toujours pratiqué uniquement pour le plaisir (il faut dire que j'ai la chance d'être naturellement mince). Il y a encore quelques années j'étais à l'écoute de mes envies, à fond quand j'étais motivée, repos quand mon corps disait stop. Aujourd'hui je me surprends à culpabiliser les jours de flemme et me dire que je le paierai en cellulite. Résultat, alors que j'étais rarement blessée, j'enchaîne les entorses...
    Côté pro, j'ai toujours refusé de "jouer de mon charme", ça me hérisse qu'on soupçonne les femmes d'obtenir des promotions à cause de leur physique. Dans mon travail (sur des chantiers, très masculins) je suis plutôt à l'aise avec les équipes, et (re)connue pour ça. Mais je me demande si dans 20 ans, les mécanos seront toujours aussi disposés à mon égard... c'est aussi que je n'ai pas de modèle féminin "senior" dans les équipes, mais c'est un autre débat encore :-)
    Je réalisé que malgré mes convictions féministes, malgré moi, j'ai bâti une partie de mon estime de moi sur mon physique. Bref, merci pour tes articles qui tombent juste!

    RépondreSupprimer