Quand on se revendique féministe et que l’on est, comme moi,
plutôt active sur les réseaux sociaux, on est souvent confrontée à un dilemme
face aux publicités sexistes : doit-on les dénoncer ou pas ? Doit-on
manifester son mécontentement ou le taire afin de ne pas faire de la publicité
aux marques en question ?
La question est complexe d’autant qu’il n’est pas toujours
simple d’agir sur le moment avec recul et la tête froide. S’empêcher de réagir,
comme beaucoup nous le recommandent voire nous l’ordonnent, c’est un peu la double
peine : être choquée, humiliée mais devoir se taire et garder pour soi son
ressenti.
Je dois avouer que ma position a évolué sur le sujet, en même temps que j’ai vu changer la façon
de communiquer des marques.
Au début de ce blog, il y a 4 ans de cela, la dénonciation
des publicités sexistes faisait clairement partie des sujets que je traitais
systématiquement. En tant que journaliste web, j’y ai également consacré de
nombreux articles, j’ai d’ailleurs été une des premières à dénoncer avec
vigueur les excès du marketing genré. Sur Twitter, je n’hésitais pas à interpeller
régulièrement les marques directement : c’est ainsi que BN a retiré ses blagues douteuses et que Stabilo
a été amené à présenter ses excuses.
Dans les cas rapportés sur le blog et dans mes articles, il
s’agissait souvent de sexisme « inconscient » ou du moins
involontaire de marques à forte notoriété qui n’avaient rien à gagner du bad
buzz. Quand j’ai appelé Bic ou Sanogyl
dans le cadre d’un de mes articles pour leur demander des explications au sujet
du stylo pour femmes ou de la brosse à dents pour femme, j’ai bien compris qu’il n’y avait rien de
prémédité là-dedans, aucune intention de faire le buzz mais plutôt une volonté
d’étouffer l’affaire. J’ai ressenti de l’incompréhension, de l’incrédulité face
aux clichés dénoncés : les équipes marketing avaient tellement la tête
dans leurs produits, pensés en terme de micro-niches ultra segmentées, qu’ils
n’avaient même pas remarqué les stéréotypes qu’ils pouvaient véhiculer.
Mais depuis quelques mois, j’ai vu un
glissement s’opérer : des marques, plus ou moins connues, pensent et
diffusent des campagnes clairement sexistes dans le but de s’attirer les
foudres des féministes et utiliser ainsi cette visibilité pour obtenir des
retombées presse.
Quelques exemples récents de campagnes
que j’ai refusé de dénoncer pour cette raison :
-
Le shredpad de Nana (une déchiqueteuse
de serviettes hygiéniques) : un hoax crée de toutes pièces par Nana dans le but de faire parler, dans un second temps, d’une nouveauté
produit. Le sujet en lui même (les règles et la honte qui y est associée), le
côté ultra-stéréotypé de l’objet rose bonbon et le film très kitsch
rassemblaient tous les ingrédients pour déclencher les réactions de la
communauté féministe qui a ici clairement été utilisée comme vecteur
publicitaire. Très vite, les réactions ont fusé sur Twitter, les billets
féministes également (ici
le billet de Marie Donzel, blogueuse pour le compte de France Télévisions, là
celui du site Madmoizelle, suivis tous les 2 de mises à jour suite à la
révélation du hoax).
-
La campagne « Vita
Liberté » : une publicité ouvertement sexiste (et pompée sur une autre) pour un obscur club de gym en région (« Vous êtes grosses, vous
êtes moches : payez 19,90€ et soyez seulement moches »). Là, encore,
la ficelle était trop grosse : il s’agissait évidemment de surfer sur le bad buzz pour se
faire connaître.
Et ça marche, à constater les nombreuses
retombées presse obtenues, fièrement affichées sur la page Facebook de Vita
Liberté comme l’explique Nicolas Vanderbiest sur son blog.
Ca marche car les rédactions web sont
friandes de ce genre de polémiques attrape-clics et peu coûteuses à
fournir : quelques copies d’écrans de tweets offusqués, 1 ou 2 screenshots
de tweets trouvant la campagne plutôt drôle, un titre façon « le web
s’enflamme » et voilà mon coco, tu as ton article et tu es premier dans
Google actualités.
Pour l’analyse et l’intérêt journalistique
on repassera mais ça n’est pas grave, ça fait des pages vues. Et tant pis si ces
sites sont les pantins des marques, un nouveau buzz chassera l’autre.
Ces marques peu scrupuleuses l’ont compris : dans ce
qu’on appelle « l’économie de l’attention », notre « temps de
cerveau disponible » est devenu une denrée rare. Tablettes,
notifications, portables, Facebook, Twitter : nous sommes constamment
sollicités de toutes parts, dans un flot d’informations en continu. Sans
compter l’exposition quotidienne à environ 1 200 à 2 200 publicités, des
publicités dont nous n’avons souvent parfois pas même le souvenir.
Pour pouvoir
émerger, certaines marques ont donc choisi le « bad buzz », quitte à
tomber dans un sexisme outrageant pour faire parler d’elles.
Pas question pour autant, en ce qui me
concerne, d’arrêter de dénoncer les campagnes sexistes. J’essaye juste
désormais de prendre le temps afin de distinguer la préméditation du sexisme
involontaire. Et je me demande systématiquement : à qui profite le crime?
Pour vous y aider, je vous conseille la
lecture de l’article de Nicolas Vanderbiest qui y délivre de judicieux conseils pour
reconnaître les fausses campagnes.
Afin de ne plus jamais servir de
femmes-sandwich aux marques peu scrupuleuses.
Merci d'avoir pointé ça. J'essaierai aussi de distinguer sexisme involontaire et recherche de buzz avant ma prochaine indignation.
RépondreSupprimerLa pub Vita Liberté est sexiste, certes, mais aussi grossophobe, ce serait sympa de le noter de temps en temps.
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