Lors de ma veille sur les sujets de communication, je tombe
très régulièrement sur des articles délivrant des conseils pour savoir comment
se comporter en tant qu’individu sur les réseaux sociaux.
Et je suis toujours étonnée du nombre d’entre eux
recommandant la neutralité voire la tiédeur.
Dernier en date, celui posté sur l’excellent blog collaboratif « Les éclaireurs de la com »
fondé par le non moins excellent Cyrille Frank.
Dans ce billet intitulé « Médias sociaux : cinq règles de vie pour animer la conversation », l’auteure
nous conseille ainsi de « donner son point de vue sans tomber dans la polémique. On sait bien que
lorsqu’on invite des amis à dîner, il est dangereux de s’aventurer sur le
terrain de la politique ou des convictions religieuses. Chacun son opinion. »
Puis, plus loin « Ne parlez pas
beaucoup de vous. C’est tout ce que vous partagerez qui parlera de vous, de vos
centres d’intérêt, de votre métier, de vos convictions, de votre tissu
relationnel. Soyez inspirants dans vos partages et vous attirerez de nouveaux adeptes. »
« Sur les réseaux sociaux comme dans
la vraie vie, la polémique n’est guère payante. Vous aurez toujours ceux qui
seront « pour » et ceux qui seront « contre ».
Ce discours appelant à la mesure, à l’absence
de prise de position sur les réseaux sociaux est loin d’être minoritaire. Le
journaliste Guy Birenbaum a d’ailleurs récemment publié un livre « Petit
manuel pour dresser son smartphone » dans lequel il conseille aux
lecteur.rice.s en forme de contrepied à Stéphane Hessel : « Ne vous
indignez pas ! ».
Si le « personal branding » c’est
de faire de soi un produit comment peut-on alors conseiller à des individus d’aller
à rebours d’une des grandes tendances de communication des marques, à savoir la
transparence, l’authenticité et la prise de risque ?
Dans son article « Les 5 grandes tendances de la communication en 2018 », le site Wearecom.fr
place en première position le « parler vrai » : « Oser
reconnaître ses erreurs, comme la SNCF, qui dans un magazine interne, décrypte
les incidents graves des 2 derniers mois pour qu’ils ne se reproduisent plus
(agence Babel). Oser parler des sujets qui fâchent, comme la RATP au sujet
des longues semaines d’arrêt du RER A pour travaux (agence Datagif). ».
Le site « Les Echos » va dans le même sens en conseillant de parler des sujets qui fâchent : « Les clients et les collaborateurs sont toujours plus avides de
transparence. Les entreprises répondent désormais à cette demande en
communiquant sur des sujets qui, auparavant, les gênaient ».
Certaines marques sont encore allées plus loin dans la
transparence et la prise de risque en devenant de véritables activistes, à l’image
de Ben and Jerry’s. Cet article du « Petit Web » énumère ainsi les nombreuses prises de
position de la marque à travers les décennies passées : « pour le mariage gay, contre l'abstention
lors des élections américaines, pour les réfugiés en Europe, contre le
changement climatique... Le procédé est toujours le même : la marque s'associe
à un mouvement déjà existant, pour l'amplifier. "Ce n'est pas à nous de
définir une stratégie pour promouvoir le droit de vote : on va voir les
activistes, on leur demande comment on peut les aider, et ensuite on construit
notre campagne, avec nos propres indicateurs de performance. C'est comme cela
que l'on créé le changement." ». Alors que l’on enjoint les individus à la
neutralité, Ben and Jerry’s nous enseigne que la prise de position est payante : « La campagne pour appuyer la signature des
accords de Paris sur le climat a généré un retour de 10 dollars pour 1 dollar
investi. Celle contre l'abstention, de 7. L'engagement pour le mariage pour
tous s'est traduit par 5 millions de dollars de ventes incrémentales ».
A titre personnel, je n’ai jamais choisi la neutralité ou la
tiédeur sur les réseaux sociaux et jusqu’ici ça ne m’a pas desservie. Je reçois
très régulièrement des messages d’internautes me recommandant « de ne pas
dire ça car je vais me griller professionnellement »
(notamment lorsque j’ai récemment épinglé sur Linkedin un recruteur pour ses mauvaises
pratiques). J’ai toujours porté des convictions fortes, aussi bien sur les
réseaux sociaux que sur le blog, je me suis indignée, j’ai débattu, toujours en
mon nom et jamais sous un pseudonyme.
Pour moi, être mesuré
est une ambition de verre doseur, pour reprendre le célèbre « Etre
dans le vent c’est une ambition de feuille morte ».
Sur Twitter, suivre des gens qui se contentent de ne pas
faire de vague et d’être lisses ne m’intéresse pas. Je pense qu’il en est de
même pour un éventuel recruteur, qui préfèrera une vraie personnalité à un
clone. Et si mon engagement lui est rédhibitoire, je me rassure en me disant
que finalement nous n’étions pas faits pour travailler ensemble !
Ce sont justement mes positions face à l’antisémitisme qui m’ont
offert une tribune dans le Monde. C’est également mon engagement féministe qui m’a
permis d’être recrutée par Laurence Rossignol au sein du Ministère des familles, de l’enfance
et des droits des femmes.
A 44 ans, j’ai désormais décidé de mettre la congruence au cœur
de toutes mes actions : à savoir, mettre en parfait accord ce que je suis
avec ce que je fais. Je ne porte plus de masques, ni dans ma vie
professionnelle ni dans ma vie personnelle, je ne cloisonne plus et je suis la
même partout, IRL comme sur les réseaux sociaux.
Bien sûr il ne s’agit
pas de parler de soi à longueur de tweets (les fils interminables du type « un
j’aime = une chose sur moi ») ont le don de m’exaspérer) ou de s’indigner
pour tout et n’importe quoi, de la frangipane dans la galette des rois au
fromage dans le gratin dauphinois.
Mais l’indignation
est souvent salutaire et parfois vitale. Elle a notamment permis une libération massive
de la parole, du harcèlement de rue en passant par le harcèlement sexuel ou les
violences faites aux femmes. Elle est vectrice de changement, même pour ceux
qui la raillent.
Soyez donc
vous-même, et si possible les mêmes sur les réseaux sociaux et IRL (In Real
Life).
Sauf bien sûr, si
vous tenez des propos homophobes, sexistes ou insultants.
Dans ce cas-là, je ne peux plus rien pour vous.