Je l’ai souvent écrit ici, le féminisme devient bankable et même si c’est globalement une bonne
nouvelle, on peut néanmoins pointer la récupération marketing émanant de
marques souvent loin d’être exemplaires sur le sujet. Et qui profitent de l’aubaine
pour vendre tout et n’importe quoi à partir du moment où c’est estampillé
féministe par leurs soins.
C’est ce qu’on appelle le feminism-washing, à l’image du
green-washing (procédé marketing utilisé par les entreprises ou les
organisations dans le but de se donner une image écologique
responsable).
Petit tour d’horizon de ces marques soudainement touchées
par la grâce féministe et de leurs pires initiatives.
Monoprix et son
t-shirt « Macho »
Crédit photo : Maud Ritz
« A l'occasion de la Journée des Droits de la Femme,
les hommes, les femmes, les enfants pourront porter des tee-shirts à messages
tels que "masculin féminin", "égalité" ou
"fraternité". Monoprix reversera 20% du chiffre d'affaires de cette
collection à l'Institut Curie pour la recherche contre le cancer du sein »
nous explique ce communiqué de presse. Bon, on aurait préféré « liberté, égalité,
sororité » ou parler des Droits DES femmes mais ne chipotons pas. Là où le bât blesse, c’est que pour Monoprix, l’équivalent
masculin de « féministe », décliné en version tote-bag, c’est macho…Ahem…
Faut-il rappeler à l’enseigne que le machisme tue tous les jours alors que le
féminisme n’a jamais tué personne ? Et que l’équivalent masculin de
féministe…et bien c’est féministe tout simplement !
Poupée Barbie Frida
Kahlo
With 86% of US moms worried about the type of role models their daughters are exposed to, we are committed to shining a light on empowering female role models in an effort to inspire more girls.— Barbie (@Barbie) 6 mars 2018
Join us by sharing your role models using #MoreRoleModels. #IWD2018 pic.twitter.com/FnEuBsDh23
La poupée Barbie a souvent été pointée du doigt pour ses mensurations irréalistes (dans la vraie vie, son cou trop fin l’empêcherait de tenir sa tête et ses pieds trop étroits de marcher). J’avais d’ailleurs écrit un article à ce sujet pour Rue89 il y a 5 ans. En mars dernier, Mattel a dévoilé « Inspiring Women » (Femmes inspirantes), une nouvelle collection de poupées Barbie à l'effigie de personnalités féminines ayant marqué l'histoire. Parmi elles, la pilote Amelia Earhart, la scientifique Katherine Johnson, la cheffe Hélène Darroze mais aussi Frida Kahlo.
Le hic, c’est que
même en chaussant des lunettes à triple foyer, on a du mal à reconnaitre la
peintre mexicaine, ultra mince, maquillée, sans son monosourcil et son corset.
On comprend que la famille de l'artiste ait contesté à la société
californienne le droit de commercialiser cette poupée. « "J'aurais
voulu que la poupée ait davantage les traits de Frida, pas cette poupée
aux yeux clairs. La poupée devrait représenter tout ce qu'incarnait ma tante :
sa force", explique-t-elle.
Collection de
lingerie Princesse tam-tam Frida Kahlo
Frida Kahlo serait-elle devenue le nouveau Che en terme de
produits dérivés ? Tequila, parfum, sacs : tout est bon pour la
récupération marketing de l’artiste mexicaine. Il manquait à cette pléthore de
produits fantaisistes, la petite culotte ! C’était sans compter sur la
marque Princesse Tam-tam et sa marque de lingerie « Frida Kahlo ». « Entendez-vous le son du Mariachi, apercevez-vous au loin les
sombreros, qui, perchés sur le haut des têtes, dansent ? Eh oui, cette
saison on met le cap sur le Mexique et on puise notre inspiration dans son
énergie, ses couleurs, son folklore, son soleil ! ». Youpi tralala !
Quand on connait la noirceur de la vie de Frida Kahlo, la dureté que reflétait
ses œuvres, on a du mal à trouver le lien avec cette enfilade de clichés. Et le
rapport avec une petite culotte.
Celle qui a appelé un de ses tableaux « Le marxisme donnera
la santé aux malades » doit faire des saltos arrière dans sa tombe en
découvrant tout cela…
Cosmétiques « Empower »
L’empowerment féminin (en gros, donner des moyens et du
pouvoir aux femmes), c’est LE nouveau gimmick pour vendre tout et n’importe
quoi. Et même des produits de beauté, à l’image de cette marque de cosmétiques
canadienne. « Grâce à une culture du fun, de la croissance personnelle et
de la prospérité, Empower a pour objectif d'aider les gens à prendre le
contrôle de leur existence, en leur donnant l'occasion de vivre la vie de leurs
rêves! ». Après L’Oréal qui déclare la guerre aux pointes sèches, Empower
déclare la guerre aux inégalités entre les femmes et les hommes !
V.i.Poo, le
désodorisant pour toilettes
Quand j’ai vu passer cette publicité à la télévision, j’ai
vraiment cru à un fake ! J’attendais impatiemment le reveal produit sauf
qu’il n’y en a jamais eu !
Non seulement ce
produit existe vraiment mais il est commercialisé par Air Wick ! « Il
n’y a pas que les princesses qui doivent repeindre la faïence » « V.I.Poo
capture les relents toxiques de vos quenelles maléfiques ! ».
Là où c’est le plus drôle, c’est que la marque nous vend ce
parfum pour cuvettes comme une source de pouvoir et de confiance pour les femmes !
« V.I.Poo transforme chaque passage aux toilettes en une expérience
parfumée agréable et booste votre confiance en vous. ».
Wonder Woman n’a
qu’à bien se tenir !
Mc Donald’s
Pour la journée internationale des droits des femmes, Mc
Donald’s a décidé de renverser son iconique « M » en le transformant
en « W » (pour « women ») sur les réseaux sociaux. Un restaurant
en Californie renversa même physiquement son arche pour qu'elle devienne un W.
«Pour la première fois de l'histoire de notre marque, nous avons
renversé nos arches iconiques pour la journée internationale des femmes, en
l'honneur des extraordinaires accomplissements des femmes partout dans le
monde, et particulièrement dans nos restaurants » explique la responsable diversité
de la marque.
Sauf qu’entre la bonne conscience et la réalité, il y a un gouffre que
n’ont pas manqué de dénoncer les internautes.
Un employé de l’enseigne a même dénoncé la récupération à la chaîne CBS News : « McDonald's devrait payer à sa main-d'œuvre
majoritairement féminine un salaire décent. C'est pourquoi nous nous battons
non seulement pour 15 $ de l'heure, mais pour le droit à un syndicat afin que
les femmes puissent réclamer des protections et du respect de la part de
McDonald's - pas seulement un coup de pub à bas prix. Ils devraient offrir des
congés payés afin que les mères qui travaillent puissent prendre soin des
enfants malades. Ils devraient fournir des services de garde d'enfants, couvrir
le coût des mammographies ou offrir même des soins de santé de base afin que
nous puissions élever nos familles. ».
Votre féminisme,
vous le voulez sur place ou à emporter ?
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