Ce matin, avant de faire ma prise de sang, j’ai été abordée dans la salle d’attente par une petite mamie très intriguée par mon Iphone « ah ben ça c’est drôle, y a pas de clavier ? » « Et comment vous faites pour téléphoner ? ». En temps normal, je me serais replongée dans mon bouquin ou j’aurais coupé court à la conversation mais pas cette fois-ci. Je me suis même lancée dans un mini-cours d’Iphone sous les regards mi- consternés mi- étonnés des autres patients! Désormais je ne peste plus contre les petits vieux qui attendent les heures de pointe pour faire leurs courses, je ne fuis plus ma concierge et ses histoires à rallonge et je donne même mon numéro de portable à ma voisine presque centenaire. Je suis en tel manque de lien social que j’en serais presque à ouvrir ma porte à un témoin de Jéhovah !
Il faut dire que la transition est brutale : passer de 15 ans de vie professionnelle ponctués d’open space, de cafés entre collègues, de coups de fils incessants, au quotidien quasi monacal du free-lance devant son PC n’est pas une mince affaire.
Pourtant, je ne me considère pas comme la sociabilité incarnée, loin de là : les discussions entre collègues au sujet de la dernière maladie du petit ou de la nouvelle voiture du mari m’ont toujours ennuyée profondément. J’ai détesté travailler en open-space non seulement à cause du volume sonore empêchant toute concentration au-delà de 5 minutes mais surtout à cause de la proximité forcée et intrusive qu’elle induisait. Vers la fin, je ne supportais plus le partage inter-collègues des humeurs et des miasmes, le manque d’intimité et surtout l’injustice criarde des jolis bureaux bien fermés qui ont fini par entourer notre enclos à bétail.
L’une des choses que j’ai profondément appréciée en quittant mon ancien job, c’était le calme. Poursuivre une tâche sans être interrompue par un appel, une discussion, un mail c’était inestimable. Puis progressivement, le silence s’est fait assourdissant. Ce que je percevais comme un luxe inimaginable s’est rapidement transformé en chape de plomb. Il y a même eu des journées où j’attendais avec impatience les cris et le désordre des enfants pour insuffler un peu de vie à ce quotidien trop calme.
Et puis, difficile de savoir ce que l’on vaut quand on est seule face à soi-même, compliqué de trouver la motivation quand on n’a personne au-dessus de soi pour exiger, planifier, valider.
Heureusement, la vie virtuelle est aussi là pour compenser ce manque d’échange : Il y a toujours quelqu’un sur Twitter ou sur Facebook pour m’encourager, m’aider à rebondir quand la motivation s’essouffle ou me réconforter quand la confiance en moi vacille.
Tous ces visages de proches ou d ‘inconnus forment une mosaïque bienveillante, une fenêtre sur le monde que je n’hésite pas à ouvrir d’un clic, un main tendue à laquelle je me raccroche en cas de doute. Ma toile, qui n’a de virtuel que le nom, je l’imagine tissée de ces milliers d’yeux et de doigts qui tapotent, chaleureuse et proche, enveloppante et réconfortante.