Au hasard de mes pérégrinations sur le net, je suis tombée
hier sur ce dossier de Madame Figaro « Les
amazones de la Silicon Valley », 7 portraits de femmes qui ont réussi
à s’imposer dans le milieu très masculin de l’high-tech.
On y apprend que le chemin est long vers la parité :
l’industrie des semi-conducteurs ne compte ainsi que 2,7% de femmes parmi ses
dirigeants les mieux rémunérés, suivie de près par l’industrie du software qui
n’en recense que 4,4%.
Même quand les femmes arrivent dans le cercle très fermé des
PDG, elles n’oeuvrent pas forcément de fait pour la cause féminine : la
proportion de femmes aux postes clés chez Ebay a même décliné sous la présidence
de Meg Whitman, passant de 36 à 30%.
Pourtant, même si la parité en terme de représentativité est
loin d’être acquise, les écarts de salaires entre les sexes semblent singulièrement
se différencier de ce que l’on observe habituellement. Selon le cabinet de
ressources humaines Dice, le salaire moyen des femmes qui travaillent dans
l’industrie high tech est de 78 147 dollars (63 000 euros) contre 81 943
dollars (66 000 euros) pour les hommes, mais à poste égal il n’existe aucun
écart de salaire.
L’initiative de la mise en avant de 7 femmes est louable au
sein d’un magazine grand public car il procède d’une volonté de faire changer
de mentalités. On se souvient du « top
100 du numérique » initié par l’Usine Nouvelle, au sein duquel ne
figuraient que 7 femmes, reléguées à la fin du classement ! Les titres
choisis étaient éloquents : « l’assistante sociale » « la
chienne de garde ». Aux accusations de sexisme, le rédacteur en chef avait
répondu qu’il n’en était rien puisque la journaliste était une femme !
Pourtant, dans l’article du Figaro, je trouve que l'on retrouve
les mêmes travers de langage (même si encore une fois la journaliste est une
femme) :
Dans l’introduction aux portraits des dirigeantes, la
journaliste mentionne leur « physique de stars ». Aurait-on parlé de
la même façon d’un dirigeant ? Dans les portraits, reviennent par 2 fois
les termes « cette brune » « cette blonde » : jamais on
ne décrirait un chef d’entreprise par sa
couleur de cheveux ! Cette façon de résumer les femmes est très souvent
utilisée pour les femmes politiques dans la presse (« la guerre des blondes » par
exemple), comme si la couleur de cheveux était le seul attribut permettant de les
différencier. D’autres éléments plus personnels, qui n’auraient sans doute été
mentionnés dans le cas d’un homme, enrichissent les descriptions « mère de
3 enfants » « ex girlfriend de Bill Gates » « avoue une
passion pour Oscar de la Renta et les cupcakes ». Comme s’il y avait
besoin d’adoucir les portraits de ces femmes qui ne sauraient être définies par
leurs seules responsabilités.
Certains titres reprennent à leur compte des clichés
sexistes « la pom pom girl geek » (car la vice-présidente de Google
est blonde) ou « le pouvoir et l’argent » pour Safra Catz. Le pouvoir
et l’argent, cela paraît plutôt aller de soi pour un dirigeant, pourquoi le
mettre en exergue lorsqu’il s’agit d’une femme ? Pour un homme, ce titre
n’aurait pas eu de raison d’être puisque ces 2 éléments sont le corollaire de
tout poste à responsabilité.
Je ne remets absolument pas en doute la volonté de bien
faire de la journaliste, qui ne doit sans doute pas se rendre compte des
clichés qu’elle reproduit malgré elle. Parler des femmes est une excellente
chose. Le choix des mots pour le faire est également prépondérant. Ne résumons
pas celles qui réussissent à des « amazones », des « pom pom
girls » ou « des blondes » « à physique de stars ». Tournons
7 fois notre plume ou notre clavier et demandons-nous avant d’écrire :
aurais-je écrit la même chose pour un homme ? La route vers l’égalité
passe aussi par nos mots.
Au delà de ceux relatifs au sexisme, je suis desespérée des clichés faciles véhiculés par les media. Les victoires sont toujours héroïques, les perdants terrassés, la verte campagne, la grisaille de villes, bref je rêve d'articles et de sujets intelligents, documentés et variés du point de vue vocabulaire, mais cela se fait rare ...
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord, cet ouvrage "dictionnaires des clichés littéraires" en parle très bien d'ailleurs! http://www.amazon.fr/Dictionnaire-clichés-littéraires-Hervé-Laroche/dp/2869596049
SupprimerJe suis d'accord avec ton article, mais je ne crois pas que les choses peuvent changer tant que les femmes ne veulent pas "se changer" de cette image. Beaucoup de femmes aiment ces clichés et en jouent, elles aiment faire une blonde avec un petit pois dans la tête ou autre chose, elles aiment étaler leur passion pour la cuisine, la couture etc... D'autres femmes ne voient pas l'intérêt de s'affirmer et ne peuvent pas vivre sans un homme qui leur porte leurs paquets, fait leur bricolage. Je trouve que si cette image nous colle autant c'est à cause des femmes. J'ai rencontré une femme un jour qui me disait "jamais je porte ma valise dans le métro, il y a toujours un homme pour me la porter" et " je n'achêterai jamais un appartement seule, il faut être avec un homme pour ça". Et en essayant d'en discuter elle était butée, elle disait c'est comme ça!
RépondreSupprimerCe qui est dommage c'est cette façon d'attribuer une chose qu'on voit pour une femme à toutes les femmes. On est toutes différentes, avec des goûts différents, aimant faire des choses que des hommes peuvent aimer faire aussi. Ce que je regrette c'est ne pas être reconnu comme un individu mais nous coller une appartenance à un groupe "les femmes" avec tout ces clichés.
Céline
On peut être une femme à haute responsabilité et aimer cusiner sans que se soit un cliché puisque homme disant celà serait qualifié d'"épicurien" ou de "moderne"... Pour ne pas vehiculer de cliché il faudrait ne pas aimer cuisiner, ne pas s'occuper de nos enfants, ne pas faire les boutiques etc
Supprimerça c'est pour la première partie du commentaire après je suis d'accord avec vous : pas toutes les femmes ne veulent être libres... et comme disait Benoite Groult les femmes sont le pire ennemie des femmes!
"pas toutes les femmes ne veulent être libres..." C'est quoi la définition de la liberté, au fait ?
Supprimer"tant que les femmes ne veulent pas "se changer" de cette image"
SupprimerCertes, Les femmes jouent avec l'étiquette qu'on leur colle sur le nez. Elles s'identifient, se cherchent. Certaine trouvent une réponse positive, d'autres non. C'est le lot de tous les êtres humains. Hommes, femmes, enfants. C'est de l'identification au groupe. Ce qui serait vraiment différent, ce serait que chaque femme, chaque homme, puisse faire selon sa personne. Qu'il ait accès au développement de ses gouts et de sa personnalité et qu'il ait le choix de s'affranchir de l'identification sexuelle. (rose pour les filles, bleu pour les garçon) ou pas. Que l'on cesse de trouver des responsables chez les autres, ce qui justifie pleinement l'immobilisme.
Très bon billet, vraiment intéressant!
RépondreSupprimerQd j'y pense, et si je veux être honnête, je suis la première à me tirer régulièrement des balles dans le pied : "blonde kinder", princesse au pois, etc...
Je me rappelle d'un article lu il y a un moment déjà ds lequel était décrite la relation aux petites filles et comment, souvent, on les complimente sur leur aspect physique (jolie comme un coeur, princesse, gracieuse, etc...) mais qu'on ne les complimente pas sur leur intelligence ou qu'on ne leur demande pas quel est le dernier livre qu'elle ait lu...cela commence dès le plus jeune âge l'ancrage des schémas de représentation...
Merci pour ton commentaire! Moi également, je suis parfois la première a répéter les stéréotypes sans m'en rendre compte. Je réalise parfois, à mon corps défendant, que je ne parle pas de la meme manière à mon fils qu'à ma fille, même si j'essaye de faire attention! L'article dont tu parles est excellent, je le remets ici si ça peut intéresser des lecteurs : http://www.huffingtonpost.com/lisa-bloom/how-to-talk-to-little-gir_b_882510.html
RépondreSupprimerLes femmes sont souvent les plus mauvaises avocates des autres femmes... dans le travail, c'est incroyable! Mon ancienne DG a vu deux de ses trois principales responsables partir en congés mat. Lors d'une réunion, elle a dit que encore heureux qu'elle avait un homme dans son équipe, à cause des deux congés maternité (même pas parental et les nanas bossaient de chez elles tous les jours), car ça avait été dur. Et elle a eu l'audace de dire ça devant une assemblée de 25 fidèles et proches collaboratrices + 1 seul homme (le fameux sauveur). Alors mettre en avant les femmes qui réussissent... à quel prix et en tenant quel discours sont elles arrivées jusque là? Celles que j'ai connues dans la finance se comportaient comme des hommes pour pouvoir grimper!
RépondreSupprimerEn effet, les femmes intériorisent parfois les stéréotypes à tel point qu'elles peuvent devenir à leur tour misogynes! (ainsi, 88% des femmes préfèrent travailler avec des hommes). J'en parlais justement dans cet article http://toutalego.blogspot.fr/2012/05/la-misogynie-feminine-au-travail-entre.html
RépondreSupprimerTu as complètement raison! parler des femmes c'est bien "bien" en parler c'est mieux! j'aimerais que les journalistes aient tous cette mentalité.... Bonne soirée! :)
RépondreSupprimerMerci! :-) Bonne soirée à toi aussi!
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