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vendredi 15 juin 2012

Sa main dans la mienne



Tous les matins, le même rituel en arrivant dans la classe de ma fille. Elle enlève son manteau, elle accroche son étiquette sur « mange à la cantine mais ne reste pas au goûter » puis elle décide d’une activité à faire ensemble.

Au choix : jeu de construction, livre, dessin ou puzzle. Ces moments sont aussi précieux pour elle que pour moi, sorte de sas de compression, de parenthèse enchantée avant la journée qui commence. Pour quelques instants, je laisse dehors les questionnements, les doutes, la maison vide qui m’attend au retour et je ne pense qu’à elle, à nous, à cette activité que nous allons partager. J’ai beaucoup de mal à vivre l’instant présent en général : je suis soit dans l’après (« qu’est ce que je vais faire à manger, qu’est ce que je vais écrire, qu’est ce que je vais devenir ») ou dans l’avant (la nostalgie des instants passés, forcément idéalisés). Ma psy de l’époque m’avait donné cet exercice extrêmement difficile à faire au quotidien: essayer de me recentrer dans l’"ici et maintenant" dès que je sentais mon esprit divaguer. Me raccrocher aux odeurs, au toucher pour m’ancrer dans le réel, ne faire qu’une chose à la fois mais la faire intensément. J’y arrive rarement, mon esprit et mes mauvais démons reprenant souvent le dessus. 

Sauf lors de ces quelques instants volés avec ma fille, lorsque j’ai sa petite main dans la mienne. Ils sont d’autant plus précieux que j’en connais la valeur. Dans ma vie d’avant, je n’avais jamais le temps. Je déposais mon fils en courant, un baiser sur la joue et j’étais partie. Ma tête et mon cœur étaient déjà ailleurs, pris par les contingences du quotidien.

Aujourd’hui, consciente de ma chance, j’ai le cœur serré en croisant tous les matins les mêmes enfants, arrivés les premiers dans la classe et déposés en coup de vent par des mères travaillant tôt. 3 petits qui jouent tout seuls, faute de parents qui ont la chance d’avoir autant de temps que moi. 

Il y a la petite Sacha, avec un sourire grand comme ça et des nattes pleines de perles de toutes les couleurs qui m’accueille tous les matins en me gratifiant d’une énorme baiser sur la joue. Puis le petit Owen, plus timide mais que l’on devine en recherche d’affection. L’autre jour, il a grimpé sur mes genoux sans rien dire et s’est blotti dans mes bras. Un petit moment de grâce que je n’ai pas osé troubler.

J’ai toujours eu une relation particulière avec les enfants, quasi-magnétique. Comme si ils reconnaissaient en moi leur pair et voyaient derrière le masque de l’adulte l’enfant toujours vivace. Je ne compte plus le nombre de fois où ils sont venus spontanément me tenir la main, me chercher ou me solliciter alors que je ne les connaissais pas. J’avais d’ailleurs pensé un temps à devenir professeure des écoles. Je garde des souvenirs émus de mes stages et des lettres touchantes que m’avaient écrites les élèves. Je ne me sentais d’ailleurs pas à ma place sur l’estrade, beaucoup plus à jouer dans la cour avec les enfants (ce qui m’avait valu une réflexion de la directrice qui estimait que je ne laissais pas assez de distance affective entre eux et moi).

Je crois que j’aurais assez de place dans mon cœur pour aimer tous les enfants de la terre. 

A quelques jours de mon 39eme anniversaire, la question enfouie du 3ème enfant a d’ailleurs refait subrepticement surface dans mon esprit.
Je ne suis pas du tout sûre que le projet dépassera le stade de l’idée mais j’aime la possibilité de me dire que c’est faisable, que j’ai encore le luxe de me poser cette question.

Depuis, je pèse et soupèse mon idée comme une pièce d’or que l’on tiendrait entre les mains. Rêver de ce qu’on pourrait en faire est bien plus fort que le simple fait de la dépenser.

La possibilité d’un enfant suffit à mon bonheur je crois.

11 commentaires:

  1. Extrêmement émouvant, aux larmes... et c'est magnifique de garder l'enfant que nous avons dû parfois enfouir en nous-mêmes; les enfants savent très bien identifier chez l'adulte que nous leur montrons ce trésor de l'enfance qui nous reste et qu'ils savent découvrir instinctivement.Ce n'est pas un hasard...Félicitations et merci pour cette confession de tendresse!

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  2. Très émouvant. Je ne sais pas si j'ai déjà commenté mais je te lis très souvent.

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  3. Merci à tous les 2 pour vos commentaires! ravie de voir que ce texte a fait écho chez vous!

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  4. Pas encore maman en ce qui me concerne, mais la question de devoir les déposer en courant pour continuer à faire "carrière" est une de celles qui me taraude le plus. Moi aussi très émue par ton texte

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    1. J'ai un peu noirci le tableau hein, ce qui compte c'est la qualité du temps passé, pas la quantité!

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  5. Il y a toujours le temps pour la carrière, moins pour l'enfance qui file. On est toujours dans la culpabilité, est ce que ça changera un jour ?
    Ma mamy adorée disait que rien ne la bouleversait plus que le geste de l'enfant mettant sa main dans la sienne, témoin de la confiance absolue et infinie...

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    1. En effet, je crois qu'on est toujours dans la culpabilité en tant que femmes...ta mamie avait bien raison!

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  6. <3 <3 <3
    (la possibilité du 3ème, je la caresse TRES souvent)

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  7. Puis arrive le temps où on aimerait y "retourner" pour en profiter encore plus, le temps où ils s'échappent, nous échappent ...il faut profiter d'eux, à chaque instant... Une maman d'une fille de 25, une de 22 et un fils de 18 ans

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  8. Et voilà j'en ai les larmes aux yeux :)

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