Dans un précédent
billet, j’évoquais une étude qui démontrait que l’intention d’achat augmentait de 200% quand une
consommatrice regardait une publicité présentant un mannequin de la même taille qu’elle ou d’une taille
supérieure. A l’inverse, l’intention
d’achat chutait de 60% quand le mannequin était plus mince que la consommatrice.
Les femmes ont raconté lors des focus groups qu’elles
pouvaient mieux se représenter le vêtement avec un mannequin qui leur
ressemblait. Autre fait intéressant : elles affirmaient se sentir belles
et sûres d’elles en voyant un mannequin qui leur correspondait, ce qui leur
donnait envie d’acheter la robe.
A l’inverse, les modèles idéalisés renforçaient leur
sentiment d’insécurité sans pour autant qu’elles ressentent le besoin de
transformer cette frustration en acte d’achat. Bien au contraire, se sentant
exclues, les femmes se détourneraient de la marque.
Les marques ont-elles eu vent de cette étude, les mentalités
sont-elles réellement en train de changer ou bien est-on en train d’assister à
l’éclosion d’un « fatwashing » ?
(à l’image du greenwashing). Quoi qu’il en soit, 2 informations
concomitantes peuvent laisser penser que les marques semblent enfin
s’intéresser aux rondes.
La première, c’est la naissance au Royaume-Uni de
« Slink », un magazine entièrement dédié au « plus sizes ».
Ici, pas d’articles sur le dernier régime à la mode mais essentiellement des
mannequins, rondes, présentant des marques de luxe à la manière d’un Vogue. Le
rédacteur en chef, Rivkie Baum, explique ici
qu’après avoir travaillé dans une boutique grandes tailles, il réalisa qu’il y avait bien un marché
existant pour ces femmes mais qu’aucun média ne s’adressait à elles en dépit de
leur potentiel financier.
De plus, les magazines traditionnels ne les intéressaient
pas et ne contenaient rien de « luxueux et d’inspirationnel » pouvant
retranscrire l’air du temps.
Même si le magazine est financé par la publicité, Rivkie
Baum regrette la frilosité de certains annonceurs, notamment les grands noms de
la beauté, qui semblent encore réticents à se voir associés aux rondes :
« On n’est jamais trop ronde pour du maquillage, du shampooing ou des
accessoires » déplore-t-il.
Mon avis est partagé au sujet de ce magazine : il n’y a
rien de philanthropique dans cette initiative, les rondes étant clairement
envisagées comme une niche et une potentielle manne financière. Par ailleurs,
un magazine 100% rondes, sans aucune diversité de taille, ne risque-t-il pas
d’être contre-productif et de ghettoïser les grandes tailles ?
« Big
Beauty », le célèbre blog, tient justement son succès au fait qu’il
s’adresse à toutes les femmes, pas seulement aux rondes.
Au-delà de ces réticences, on peut néanmoins se féliciter
d’une chose : si ce magazine rencontre le succès escompté, nul doute que
les grands noms de la presse, attirés par l’appât du gain, seront amenés à
revoir leur politique en matière de mensurations.
Une révolution qui est
peut-être déjà en train en train d’être amorcée comme l’explique cet
article du Monde : de plus en plus de magazines américains auraient
ainsi recours à la « retouche inversée ». Le principe :
réinjecter des formes aux mannequins trop maigrichonnes "Des femmes pulpeuses comme Beyoncé, J-Lo ou
Kim Kardashian sont la nouvelle norme, de nos jours, Hollywood est plus
prescripteur de l'image du corps de la femme que les mannequins. On n'est plus
dans une logique de "rend-moi plus mince", mais au contraire
"donne moi l'air sexy et avec des formes", explique le
styliste Phillip Bloch. La retouche se
fait sur toutes les parties du corps. Il faut des bras toniques et des visages
plus ronds." Comble du cynisme et de l'absurde, si les mannequins pulpeuses sont la
norme, pourquoi donc s’obstiner à faire appel systématiquement aux
minces ?
Mince, rondes,
grandes tailles : il faut dire que cette notion est toute relative pour
les publicitaires et les magazines. Dernier exemple en date, Dim, qui a lancé
le collant « Generous » spécial « grandes
tailles » et qui commence…taille
40 !
Un argument de
poids pour brouiller les pistes, faire naitre la culpabilité et engendrer l’acte
d’achat.
Demain, toutes
rondes ?