Suite à mon dernier billet, j’ai a peu près lu tout et
n’importe quoi à mon sujet.
On m’a affublée du très valorisant qualificatif de
« lumpenentrepreneur », on m’a traitée de « larbin qui se prend
pour Steve Jobs » de « manipulée », de « libertarée ».
En gros, j’étais soit une idiote à la botte des libéraux,
soit une prolétaire en haillons.
Remettons juste les choses en perspective :
Ni vous ni moi ne savons réellement ce qu’il va advenir des
auto-entrepreneurs. Il est certain que le régime ne sera pas supprimé, pour
autant que veut dire cet « alignement des cotisations des
auto-entrepreneurs sur celles des autres travailleurs indépendants » prévu
dans le projet de loi de finances ? Le gouvernement, qui a
vraisemblablement fait une erreur de comm’, a précisé depuis qu’il n’y aurait
pas de charges forfaitaires : 0 chiffre d’affaire voudrait toujours dire 0
charges. Pour autant, nous ne savons toujours pas, à l’heure qu’il est à quelle
sauce nous serons mangés demain.
Au-delà de cette problématique dont nous ne connaissons pas
le dénouement, j’ai été soufflée par la violence disproportionnée de certains
commentaires, basés pour la plupart sur une méconnaissance totale du régime.
On me dit que ce statut est le mal. Je n’ai jamais affirmé
que l’auto-entreprenariat était la solution idéale pour tous. Il correspond en
revanche parfaitement à mes besoins : il me permet de tester la viabilité
d’un projet qui me tenait à cœur depuis longtemps tout en conservant mon
allocation de retour à l’emploi. A la fin de mon indemnisation, si je réalise
que mon activité n’est pas viable financièrement, je fermerai alors mon
auto-entreprise et reprendrai une activité salariée, sans aucune charge
financière. En revanche, si je dépasse
le plafond fixé (ce que je me souhaite), je basculerai alors vers un autre type
de société. Ce régime n’est rien d’autre qu’une rampe de lancement pour moi. Ca
ne fait de moi ni une affreuse libertarée ni une idiote manipulée par le
système. Ca peut paraître fou à certains mais j’y trouve mon compte et il
s’agit d’un choix raisonné et éclairé.
On me dit qu’avec ce statut « je n’ai rien ».
C’est faux. En étant au chômage, je cotise pour ma retraite. En cas de chiffre
d’affaire nul, je toucherai mes allocations plein pot. Et je bénéficie d’une
couverture sociale et d’une mutuelle au tarif avantageux (grâce à mon ancien
employeur).
On me dit que certains employeurs abusent du système :
c’est vrai, ça s’appelle du salariat déguisé. Pour autant, pourquoi jeter le
bébé avec l’eau du bain ? Et pourquoi faire payer aux auto-entrepreneurs
le prix de cette fraude ? Certains employeurs abusent du travail au noir
car embaucher un salarié coûte cher, pour autant faudrait-il supprimer le
CDD ?
On me dit que je suis une précaire. Je le suis, comme tout
créateur d’entreprise, qui n’a pas encore beaucoup de visibilité sur son
activité mais cela n’a rien à voir avec le statut d’auto-entrepreneur. Lorsque
j’étais demandeuse d’emploi, à la merci d’un conseiller qui ne comprenait même
pas quel était mon métier et m’avouait n’avoir aucune offre à me proposer, je
l’étais bien plus. J’ai en revanche la
tranquillité de n’avoir plus à répondre à aucune offre d’emploi tout en
touchant mes allocations.
On me dit que les auto-entrepreneurs sont tous des
précaires. Il est vrai que le salaire médian annuel peut, à lui seul,
décourager quelqu’un qui voudrait se lancer. Mais combien d’auto-entrepreneurs
ont une activité salariée en parallèle ? Combien d’entre eux touchent le
chômage ? Combien d’entre eux testent « pour le plaisir » une
idée folle, un projet qui n’aurait jamais vu le jour autrement? Nous ne
saurons jamais combien de désillusions se cachent derrière ces chiffres, ni
combien de rêves accomplis, de renaissances ou de projets fous. Les
statistiques ne disent pas tout cela.
Je connais le salariat pour l’avoir expérimenté pendant 15
ans. J’ai vécu la pression, le manque d’évolution, de reconnaissance. J’ai vécu
la souffrance au travail, à titre personnel et en tant que déléguée du
personnel. Je ne veux plus de cette vie pour l’instant. Etre free lance n’est
pas simple, ce n’est pas la panacée mais cette expérience me permet de
travailler autrement, en conciliant davantage vie personnelle et
professionnelle. Je crois que ça n’a pas remisé à la poubelle mon humanisme
pour autant. Ca ne fait pas non plus de moi une affreuse libérale dénuée de
morale, un exploiteur sans vergogne ou autre qualificatif peu gratifiant dont
on m’a affublée.
Désolée de décevoir les utopistes mais il n’existe pas le
monde rose des bisounours du salariat et celui perverti des entrepreneurs. Les
exploiteurs et les exploités se retrouvent des 2 côtés de la barrière.
Plutôt que diviser pour régner, il serait plutôt temps de
resserrer les rangs, vous ne trouvez pas ?