Enfant, puis adolescente, j’ai été gentille par facilité.
Pour ne pas faire de vagues, pour me faire aimer inconditionnellement. J’étais
toujours d’accord car je pensais qu’exprimer une opinion contraire me rangerait
immédiatement dans le camp des fâcheux.
Je disais oui mais pensais non. J’étais sage comme une image.
Mais j’étais aussi d’une gentillesse désintéressée,
inculquée par ma mère qui m’a toujours appris « ne fais pas à autrui ce
que tu ne voudrais pas qu’on te fit ». Dès l’école primaire, j’ai détesté et craint les effets de meute,
l’acharnement collectif contre le moins beau, le moins populaire, les boucs
émissaires. J’ai toujours été du côté des plus faibles, des moqués, ce qui m’a
souvent valu l’étiquette d’assistante sociale.
J’ai donné, beaucoup, à la manière belle et pure de ma mère,
sans rien attendre en échange. J’ai offert mon cœur sur un plateau d’argent à
des gens qui ne le méritaient pas, mes jours, mes nuits, mon cerveau et mes
tripes. Mais ça ne m’a pas empêchée de continuer.
On m’a souvent dit, que, de par ma grande taille, on me
prenait pour une fille distante : j’ai dû donc mettre les bouchées doubles
pour prouver le contraire, faire preuve de 2 fois plus de gentillesse pour
faire oublier mon physique encombrant.
Professionnellement, on m’a régulièrement reproché d’être
trop gentille. Un N+1 m’avait dit « tu es humble, c’est une grande
qualité. Mais pas au travail». Une directrice marketing était allée encore plus
loin lors d’un entretien de fin d’année « Tu es la petite fourmi
besogneuse, qui fait son boulot consciencieusement mais ça ne se voit pas
assez. Tu es transparente, pas charismatique. Il faut faire des notes, aller
taper la discussion dans les couloirs, se montrer ». Et surtout montrer
les dents.
A l’aube de la quarantaine, mon rapport à la bonté a changé.
Et moi aussi. Je crois que je reste fondamentalement une gentille, au sens
noble du terme. Je peux me mettre en 4 pour ceux que j’aime, je suis toujours
prête à défendre le faible, le raillé, je ne refuse que très rarement de rendre
service. Je crois fondamentalement au pouvoir de la gentillesse, à son cercle
vertueux, je reste persuadée que le mal se paye toujours.
Mais je ne me musèle pas pour autant. J’ai des opinions et
j’ose les communiquer sans peur d’être immédiatement désavouée. Quand je dis
oui, je ne pense plus jamais non. Et je me rends compte avec plaisir qu’on ne
m’en aime pas moins pour autant.
Ce qui a changé, c’est que je ne sème plus ma gentillesse
aux 4 vents. J’arrive à repérer assez vite ceux qui en profiteront à mauvais
escient, ceux qui viennent se servir sans jamais rendre la pareille. Ceux pour
qui « bonne » s’écrit avec un grand « C ». Ou les toxiques,
les manipulateurs, les empoisonneurs du quotidien.
Ma capacité d’empathie n’a pas changé : j’arrive
toujours à décoder ceux qui m’entourent, à ressentir leurs peines, leurs joies
mais aussi leurs sentiments les moins nobles. Et j’arrive très vite à faire le
tri entre le bon grain et l’ivraie. Je préfère réserver ma bonté aux belles
âmes qui la méritent.
J’ai désormais la gentillesse sélective.
Le cœur sur la main, mais une main de fer dans un gant de velours, c'est bien ça ?
RépondreSupprimerL'association des deux - être empathique et gentil, tout en restant vigilant et ferme - apporte je pense un peu de repos à une âme sensible : ça fait tellement mal, lorsqu'on se fait exploiter par des indélicats qui profitent de votre gentillesse pour arriver à leurs fins, ou vous empêchent d'avancer et vous passent par dessus.
Je vois un seul petit inconvénient : on y perd une partie de soi, celle de la fraîche innocence qui fait voir le monde et les gens à travers un prisme de beauté. Celle qui éclaire notre chemin.
C'est presque dommage !