Depuis que mes enfants ont vu le jour, il y a 2 personnes
différentes qui parlent dans ma tête.
La mère juive, angoissée, mère poule, possessive.
La mère indigne, légère, égoïste, indépendante.
Selon les jours, c’est la première ou la seconde qui s’exprime.
Parfois, c’est plus compliqué et elles se livrent à des joutes oratoires
mouvementées au sein de mon crâne.
Enceinte, la mère juive en moi me soufflait à l’oreille que
c’était magique de porter la vie. La
mère indigne, quant à elle, soufflait et ne supportait pas d’être traitée comme
une malade. Elle avait hâte de retrouver sa liberté et sa silhouette.
A la naissance de mon fils, j’ai découvert que l’instinct
maternel était loin d’être une évidence. La mère juive en moi me demandait
d’allaiter mon fils, la mère indigne m’exhortait à arrêter cet esclavage qui de
toutes façons était un échec total.
La mère juive ne pouvait pas s’empêcher de culpabiliser
devant ce bébé qui pleurait non-stop, imaginant les pires maladies et se ruant
chez le pédiatre à la moindre occasion. La mère indigne tenait le coup à la
maison en se disant qu’elle allait bientôt reprendre le boulot, parler à des
adultes et retrouver une vie sociale.
De retour au travail, la mère juive appelait la nounou tous
les midis. Effondrée par les pleurs en fond sonore, elle raccrochait au bord
des larmes. Puis la mère indigne reprenait vite le dessus et repartait en
réunion en se disant que sa place était plus enviable que celle de sa nounou.
Quand la mère juive en moi parle à mes enfants, elle leur
dit qu’elle les aime et que même s’ils ne se marient pas (mes enfants sont
opposés au mariage), ils pourront rester chez elle toute leur vie. Elle leur
dit qu’elle profite de leurs câlins et bisous à profusion car un jour ils la
repousseront.
La mère indigne leur dit qu’elle est ravie de pouvoir
reprendre les cours, de les confier à une baby-sitter pour faire des choses
sans eux. Elle leur montre l’immeuble où elle vivait en tant que célibataire
pour leur montrer qu’elle avait une vie avant eux.
Et leur apprend qu’il ne faut pas semer ses « je
t’aime » à tous les vents, que l’on n’a pas besoin de le répéter toutes
les 5 minutes pour prouver à quelqu’un ses véritables sentiments.
A 16h30, la mère juive se trouve tous les soirs devant
l’école, avec son pain au lait et sa tablette de chocolat, guettant avec
impatience la frimousse de ses 2 rejetons.
La mère indigne regarde sa montre en se disant qu’elle n’a
pas fini ce projet important et qu’elle devra continuer cette nuit.
Grâce à sa force de persuasion, elle a réussi à faire
comprendre à la mère juive que mettre ses enfants à la cantine n’était pas un
crime. Elle a même casé son fils à l’étude le jeudi soir. Comme il est ravi d’y
aller, la mère juive n’a pas eu son mot à dire.
Aujourd’hui mes enfants sont malades. La mère juive a vu
leurs visages blafards, a entendu leur toux caverneuse et a décidé de les
garder avec elle. La mère indigne a pourtant pointé du doigt le fait qu’ils
n’avaient pas de fièvre et qu’elle se les était déjà coltinés toute la journée
la veille. Pourtant, elle n’a pas gagné cette fois.
Elle se venge en ce moment, en tapant ces lignes alors
qu’elle a mis les enfants devant la télé. Tout en essayant d’envoyer balader la
mère juive qui crie de loin que c’est l’heure du déjeuner. Ca sera Mc Do pour
la peine !
Vaste aventure que la maternité ! Voilà qui m'angoisse un chouia à l'idée d'essayer (et pourtant l'envie y est!) Enfin, tant que les deux mères se laissent cohabiter, je pense que tout devrait bien se passer ;) L'équilibre, toujours l'équilibre !
RépondreSupprimerMince, j'espère ne pas t'avoir fait peur avec ce texte! ;-)
RépondreSupprimerComment on peut être opposé au mariage à leur âge?
RépondreSupprimerEn fait, c'est surtout ma fille qui répète sans cesse qu'elle ne veut pas se marier, j'ai l'impression qu'elle a été traumatisée par les contes de fées! Mon fils pense qu'il ne trouvera personne!
RépondreSupprimerOh Sophie, je te jure que j'ai hurlé de rire en lisant ce post. Mais alors, je l'ai même lu à mon mari... je suis aussi schizophrène que toi je te l'ai dit. Mais j'adore ce double jeu. Merci merci merci pour ce doux moment de folie passagère... très cool. Y’en a plus des comme ca?
RépondreSupprimerCe billet me fait penser au roman "Le lait noir" de la romancière Elif Shafak qui raconte à merveille les difficultés de concilier le métier d'écrivain avec la maternité, et toutes les petites femmes qui cohabitent dans sa tête : Miss Cynique Intello, miss Ego Ambition, miss Intelligence pratique, Dame Derviche, Maman Gâteau et Miss Satin Volupté...
RépondreSupprimerAh je ne connaissais pas ce roman mais ta description m'a donné envie de le lire!
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