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jeudi 27 décembre 2012

Les Femen et moi



Chère Inna, leader du mouvement Femen en France,

Vous vous demandez au sein des pages des Inrockuptibles « Où sont les féministes françaises ? ».

Je ne vais pas tenter de répondre à cette question, n’ayant pas la prétention de représenter « les féministes françaises » d’autant que ce mouvement n’est pas monolithique et que je ne me reconnais dans aucune association officielle.

Je vais plutôt tenter d’expliquer pourquoi je ne me reconnais pas dans votre conception du féminisme sans tomber dans le slut-shaming ou dans l’excès qui consisterait à délivrer des brevets de féminisme selon des critères subjectifs.

En mars dernier, j’avais reçu, à ma grande surprise, une invitation pour venir aux côtés de vos militantes participer à un happening. Il s’agissait de se rassembler au Trocadéro vêtues de burqas puis de les ôter et de finir topless afin de dénoncer l’intégrisme religieux. Je me suis dit sur le coup que vous deviez  vraiment manquer de participantes pour me contacter. En effet, à bientôt 40 ans et 2 enfants, je ne rentre plus dans du 36 et mes seins ne sont pas aussi hauts et fermes que toutes les militantes qui illustrent vos actions dans les magazines. Question diversité ethnique, vous semblez avoir fait un effort pour sortir de l’image d’Epinal de la jolie ukrainienne blonde, question diversité physique, ce n’est pas encore ça. Il doit bien avoir des grosses et des moches dans vos rangs mais on ne les expose pas. N’oublions pas que nous sommes dans la comm’ pure et dure  et que l’on n’attire pas les journalistes avec du vinaigre.

Soyons clair : je n’ai pas de problème particulier avec la nudité quand il s’agit de la réappropriation de son corps. Dans votre cas, je trouve qu’on est plutôt dans la désappropriation du corps, jeté en pâture au media et conforme aux diktats de la société patriarcale : mince, ferme, épilé et sexy. Par ailleurs, autant la nudité peut être subversive et nécessaire pour se faire entendre en Ukraine, autant elle l’est beaucoup moins en France.


En septembre dernier, quelques mois après le happening des burqas, vous avez défilé dans le quartier de la Goutte d’Or en scandant « Françaises, déshabillez-vous » ! Il est évident que vous avez fait de la lutte contre le voile votre cheval de bataille, à défaut d’idées plus consistantes. Pour autant, ne trouvez-vous pas contradictoire de remplacer l’injonction de se couvrir par l’injonction de se déshabiller ? Pour moi le féminisme, c’est le libre choix des femmes, quel qu’il soit, ce n’est pas remplacer un diktat par un autre.

Et puis, scander que la religion c’est le mal (en l’occurrence la religion musulmane d’après vous) c’est pour moi aussi simpliste et peu productif que de manifester devant un Mc Donald pour lutter contre la faim dans le monde. Oui LES religions monothéistes (sans en stigmatiser aucune en particulier) sont sexistes pour autant, je ne suis pas persuadée que vos actions y changeront quelque chose.

Vous vous demandez dans les Inrockuptibles où sont les féministes françaises, que vos nouvelles militantes décrivent dans cette autre interview comme « des intellectuelles qui ressemblent à des hommes, qui nient la sexualité, le fait qu’une femme puisse être féminine ». Jolie accumulation de clichés dignes du pire misogyne pour un mouvement qui estime incarner le nouveau féminisme. Heureusement qu’il y a eu avant vous des « têtes pensantes » qui vous permettent aujourd’hui de voter, d’avorter ou de manifester seins nus. Oui, CERTAINES féministes sont des intellectuelles, d’autres pas, pour autant la réflexion, le débat, la confrontation ne sont pas des gros mots. Votre mouvement semble justement cruellement en manquer. Votre (vaste et flou) programme se limite, d’après ce que j’en ai lu au « sextremisme », mot d’ordre de l’association et à la lutte contre l’industrie du sexe, la religion et à la dictature.

Les images, extrêmement fortes, semblent prendre le pas dans votre stratégie sur les idées. Pour reprendre un slogan célèbre, le choc des photos est bien là, indubitablement. Le poids des mots, quant à lui, fait terriblement défaut.

Quel est véritablement votre programme, votre plan d’action ? Se résume-t-il simplement à l’image illustrant votre site, une jolie brune topless tenant une faucille d’une main, une paire de testicules de l’autre ? Vous propagez encore ici une idée erronée au sujet des féministes : non, leur but n’est pas d’émasculer les hommes, de leur voler le pouvoir mais simplement se battre pour l’égalité entre les sexes.

Chère Inna, les féministes françaises sont là, dans toute leur diversité et leurs convictions et ne vous ont pas attendue pour savoir ce qu’elles avaient à faire. Contrairement à vous, elles n’oublient pas le passé, ne confisquent pas la parole des femmes et ne cherchent pas à créer la division. Elles réfléchissent (ou pas), sont féminines (ou pas), ont une sexualité (ou pas). Et je n’ai vu aucune d’entre elles se balader avec une paire de couilles à la main.

Féministe de cœur, encartée nulle part, je me réjouis néanmoins d’entendre qu’un mouvement féministe prenne de l’ampleur, quel qu’il soit. Que des femmes s’y reconnaissent et prennent l’envie de militer est en soi une bonne nouvelle. Je trouve simplement dommage que l’on retrouve au sein des Femen tant de clichés au sujet des féministes « historiques », hâtivement jugées ringardes et invisibles. Vouloir lutter contre la dictature  est une noble ambition, à condition de ne pas oublier celle de la pensée.



mardi 25 décembre 2012

Couverture de l'Officiel Hommes : jusqu'où iront-ils pour faire le buzz?



En septembre dernier, la couverture du magazine Vogue Homme avait fait scandale : la pose équivoque de Stéphanie Seymour, la main de Marlon Teixeira autour de sa gorge avaient été perçus par beaucoup comme une glorification des violences faites aux femmes.



Afin d’illustrer cette réelle tendance de fond, j’avais recensé à cette occasion dans ce billet les nombreuses publicités esthétisant les violences faites aux femmes : simulacre de viol collectif pour un calendrier Pirelli, femme battue pour illustrer une publicité pour un salon de coiffure, séance photo avec des mannequins criblées de balles ou image de bondage pour une marque de chaussures.

Cette tendance semble bel et bien se confirmer, à en juger par cette couverture de l’Officiel Hommes de décembre et qui fait déjà l’objet de controverses sur le net : on peut y voir Benicio Del Toro, en smocking, sur fond rose, portant dans ses bras une femme nue et inconsciente (ou morte, on ne sait pas vraiment). « Est-ce la pire couverture ayant jamais existé ? » s’interroge le blog « The Vagenda ». Le site « Styleite » plutôt orienté mode que féminisme la trouve, quant à lui, dérangeante : « Qu’est ce qui est censé s’être passé juste avant que la photo ait été prise ? Est-ce une demoiselle en détresse tout juste sauvée par Benicio Del Toro ? (ce qui aurait une connotation sexiste) ou est-ce quelque chose de plus sinistre ? Nous n’en sommes pas tout à fait sûrs mais tout cela nous rend quelque peu mal à l’aise ».

Le cliché peut également faire penser à une pietà revisitée. L’intention n’a rien de nouveau ou de subversif, la ficelle du détournement de l’art sacrée ayant été usée jusqu’à la corde. Quelques exemples de publicité y ayant eu recours :

Dans cette cène revisitée pour une publicité pour Marithé et François Girbaud : 


Dans cette cène vantant les mérites de la Golf : 


Dans cette piéta moderne version Kookaï : 



Dur de se réinventer et de se distinguer dans ces conditions…

A la nudité féminine, il est désormais nécessaire d’adjoindre la mort ou la maltraitance pour marquer les esprits et faire le buzz.

Jusqu’où ira cette escalade de la violence ? Quel sera le prochain verrou à faire sauter ?

mardi 18 décembre 2012

Il a la voiture, il aura la femme version 2012 : merci Volkswagen!


Vous vous souvenez sans doute de cette publicité Audi datant de 1993: "Il a la voiture, il aura la femme".

Datée, sexiste, dégradante ? Le genre de pub qui ne pourrait pas passer aujourd’hui ?
Visiblement, c’est toujours dans les vieux stéréotypes qu’on fait les meilleures publicités pour nos créatifs en panne d’inspiration.


Ainsi, la marque Volkswagen reprend-elle aujourd’hui le principe de l’homme puissant qui fait tomber toutes les femmes grâce à sa grosse voiture. On peut voir dans cette campagne un homme, dans sa Golf grise rutilante, adresser un sourire à 2 femmes (une blonde et une brune). Celles-ci y répondent, avec en supplément une œillade enjôleuse et séductrice (on se sait pas si le sourire s’adresse à la voiture ou au conducteur). « Parce que vous aimez attirer l’attention ». « Avec son nouveau design et ses lignes racées, la nouvelle Golf attire les regards ».

Au-delà du cliché de la femme vénale, uniquement intéressée par le potentiel financier incarné par le véhicule ou de la femme objet, qu’on achète avec la voiture, cette publicité n’est guère flatteuse envers sa cible : les hommes. « Nous avons pensé à vous pour concevoir la Golf » : leur faire croire qu’ils pourront avoir dans leur lit toutes les femmes qu’ils convoitent grâce à une Golf, n’est-ce pas un peu les prendre pour des cons ?