L’année dernière, la marque DPAM faisait le (bad) buzz sur
internet à cause d’une initiative pour le moins maladroite, le « papa
code ». Le principe : une étiquette avec un pictogramme façon
playstation (triangle, losange, rond, étoile) afin d’aider les pères à choisir
les vêtements de leurs enfants sans faute de goût, erreur de taille ou de
sexe.
Ben oui, autant les femmes sont génétiquement programmées
pour savoir naturellement ce qui est beau ou pas, autant les hommes, ces
idiots, ont besoin qu’on les aide, voilà en substance le message de DPAM. Et
puisque leur cerveau est occupé à des choses bien plus stratégiques que la
gestion des enfants, autant faire archi-simple en leur proposant des
pictogrammes façon Playstation. On n’est finalement pas si étonné que ça
d’apprendre que la carte de fidélité de l’enseigne se nomme « club des
mamans » histoire de filer la métaphore du sexisme jusqu’au bout.
Le blogueur Til the cat
avait, à l’époque,
rebondi sur l’initiative avec humour en proposant de décliner les
pictogrammes aux rayons des supermarchés.
Cette campagne, qui est loin d’être isolée, s’inscrit dans
ce que l’on appelle le "conservatisme contrarié" : alors que
la publicité a bien pris en compte les changements de société (fini le schéma
« femme au foyer/homme qui travaille »), elle peine à les appliquer.
Pire, elle ne cesse de mettre en scène et de légitimer les résistances
masculines à ces évolutions.
Une passionnante
étude
menée par l’ORSE met d’ailleurs en lumière l’ensemble des stéréotypes masculins
proposés par les médias et la publicité.
Ce qu’il ressort en filigrane de cette analyse c’est que les
publicitaires sous-entendent une prédisposition et une disponibilité naturelles
des femmes pour les tâches ménagères. Les produits sont donc là pour les aider
à les accomplir au cours de leur double journée.
A l’inverse, les hommes mis en scène dans l’exercice de ces
tâches dans les publicités sont présentés, de fait, comme incompétents. De
plus, ces rôles menacent leur masculinité : les produits sont alors
présentés comme une façon d’échapper à ces contraintes ou de regagner leur
virilité perdue.
L’analyse des publicités menée par l’ORSE a permis de
distinguer 3 grands schémas de la paterniité vue par la publicité
1°) L’évitement, qui
se manifeste par une mise en scène d’un égocentrisme et d’une incompétence
paternels
Dans cette publicité Renault, la future maman s’intéresse
naturellement à la maternité, alors que pour l’homme, l’arrivée du bébé est
prétexte à l’achat d’un nouveau véhicule.
2°) Le néo-traditionalisme
qui donne à voir des hommes entre eux, préservant leur monde de la féminisation
Cette publicité pour « Chrome » de la
marque Azzaro met en scène 3 hommes (le père, le grand-père et le fils), soudés
par une activité virile, en extérieur : le rugby. La mère est mise à
l’écart, marchant derrière eux puis s’asseyant plus loin, en spectatrice
passive.
3°) La réassurance
viriliste avec un engagement tout relatif des pères et une incompétence notable
malgré leur bonne volonté.
Dans cette publicité pour Huggies, un homme en
costume-cravate change les couches de son bébé. Pour que le spectateur
comprenne bien que la situation est exceptionnelle, le lieu semble être une
fête et non pas la chambre de l’enfant. De plus, le père semble étonné par la
scène, preuve qu’il n’effectue pas cette tâche fréquemment. La puissance du jet
d’urine et les effets spéciaux dignes d’un film d’action sont là pour rassurer
l’homme sur sa virilité et mettre à distance le côté féminin de la tâche. Ouf
la virilité est sauve !
Dans le cadre d’un sondage commandité par l’ORSE auprès de
BVA en octobre 2008, 70% des Français (67% d’hommes et 73% de femmes)
manifestaient le souhait de voir davantage d’hommes mis en scène dans des
activités ménagères et familiales dans des spots publicitaires. Un vœux pieux
pas vraiment entendu par les publicitaires…
Les Etats-Unis, décidément très avance en terme de marketing
genré, s’intéressent désormais aux pères à travers le
« dadvertising » (contraction de « Dad » et
« advertising »). Et encore une fois, les stéréotypes ne sont jamais
loin. Le jeu de construction Barbie lancé à Noël par Mega Bloks est ainsi une
façon détournée d’attirer les pères dans leur filet.
« Le père est un plus
grand prescripteur en terme d’achat de jouets. Parce qu’il a grandi avec
les jeux de construction, il a tissé envers eux des sentiments forts et des
émotions. L’avantage de ce produit, c’est qu’il plait aussi bien aux pères
qu’aux mères » explique Vic Bertrand de chez Mega Bloks.
« Une fois à la maison, les pères pourront participer à
ce jeu alors qu’autrement, ils risqueraient de ne pas se sentir sur leur
territoire » explique Maureen
O’Brien, une psychologue qui a été consultée pour le lancement du jeu de
construction Barbie.
Pères, vous pouvez être rassurés : vous ne perdrez pas
votre virilité en jouant avec votre fille grâce à Mega Bloks !
Décidément, les publicitaires n’ont pas fini de prendre les
pères pour des cons…