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vendredi 29 mars 2013

Labo de l'écriture des nouveaux talents - Episode 4



Dernier jour. Ce matin, je laisse les habitants de la maisonnée en pyjama, devant leur petit déjeuner. Je file à travers les rues désertes mais j’essaye de retenir mes pas pour profiter de ces derniers moments. Dans quelques heures, je serai dans l’après, en route vers l’hôpital pour voir mon père. Hors de ma bulle comme un poisson sorti de son bocal.

En poussant la porte du Figaro, je traine malgré moi une sourde culpabilité, comme une vieille valise trop lourde. Bruno nous a demandé hier de retravailler chez nous notre dernier texte mais je ne l’ai pas fait. Pas envie et puis comme les 3 autres soirs, je me suis écroulée à 21h comme si j’avais couru un marathon ou gravi une montagne. Après un thé vite expédié et quelques mots échangés avec mes collègues, j’en profite donc pour le faire avant le début de l’atelier. Une nouvelle chute m’est venue à l’esprit en me réveillant ce matin, preuve que nos textes travaillent encore pendant la nuit, aussi je m’empresse de la coucher sur mon clavier. Pourtant, autant j’étais satisfaite de mon texte hier, autant je doute ce matin, preuve qu’il faut laisser reposer ses écrits.

Bruno nous demande de lire nos productions. Tout le monde se réfugie, la tête dans son écran ou dans ses papiers puis Nathalie se lance. Un texte bouleversant, merveilleusement écrit, un coup de poing dans le ventre. Une situation triviale (un couple achète un lit deux places) élevée au rang d’œuvre d’art. L’émotion est palpable. J’avale un verre d’eau pour tenter de la dissiper, je respire par le ventre. Impossible d’enchainer après ça. Pourtant, je me lance. Pour me donner du courage j’annonce « je veux bien lire mon texte car je n’en suis pas satisfaite ». Bruno m’interrompt après le premier paragraphe « pouvez-vous mettre votre 3ème phrase au début de votre texte ? ». Un peu troublée, je m’exécute et le petit miracle opère. Mon texte prend une autre dimension. Je le lis aux regards emplis d’émotion des autres participants, aux remarques de Bruno, que je sens pour la première fois convaincu par ce que j’ai écrit. « Ca y est, vous avez passé le cercle de feu. Maintenant, il ne faut plus se demander « est ce que j’écris ou pas, est ce que j’en suis capable ? Il faut y aller, le sortir ce roman. Et participer au prix Nouveaux Talents » ».

Les autres participants prennent le relais et lisent, tout à tour, leurs textes. La progression de chacun est incroyablement palpable, leurs univers, si personnels et iconoclastes se dessinent. Si on nous soumettait leurs textes à l’aveugle, je suis certaine que nous identifierions leurs auteurs sans faillir. Nous restons quelques instants les yeux dans la vide, la tête emplie des mots des autres. Résonne encore à mon esprit la phrase de Bruno prononcée quelques minutes auparavant et qui prend désormais tout son sens : « Dans un livre, le texte représente la moitié de la page. L’autre moitié est occupée par les marges. Les marges  c'est la part laissée au lecteur, ce que le texte fait résonner en lui, les questions qu'il se pose. ».

Pour détendre l’atmosphère, Bruno nous propose un petit jeu « comme un footing après avoir couru un marathon », écrire un texte avec les prescriptions suivantes : un personnage, un lieu et un objet parmi une liste donnée. La pression retombe, nous nous amusons beaucoup. En dépit des contraintes qui auraient pu corseter nos plumes, on reconnaît encore une fois, à la lecture des écrits des uns et des autres, les univers de chacun. Je crois qu’on aurait pu passer la journée à trouver de nouveaux jeux d’écriture et à y répondre mais l’arrivée des plateaux repas sonne la fin de l’atelier. Le baba au rhum, qui est pourtant un de mes dessers préférés, a du mal à passer. Boule dans la gorge.

Nous nous alignons en silence pour la photo de groupe finale. Les sourires sont figés, les corps raidis. C’est dans la boîte. Nous sommes désormais la deuxième promotion du Labo de l’écriture.

Un énorme merci à Dorothée, GO admirable, nounou attentionnée et organisatrice hors pair. A Bruno pour sa flamme, qu’il a su si bien nous transmettre, sa bienveillance et sa pédagogie. A mes 11 compagnons de plume, dont j’espère lire les romans très vite : Stéphane, Sandra, Catherine, Nathalie, Marine, Juliette, Séverine, Amaya, Sébastien, Johann, Marion. Et à la fondation Bouygues Télécom sans qui tout cela n’aurait été possible.

Pour ceux qui souhaitent poursuivre l’aventure, je vous invite à consulter le site « Les nouveaux talents » ou à les suivre sur Twitter. Et je vous invite à postuler l’année prochaine pour la 3ème édition du Labo de l’écriture.

jeudi 28 mars 2013

Labo de l'écriture des nouveaux talents - Episode 3



Rappel : la semaine dernière, j’ai eu la chance de participer pendant 4 jours à la deuxième édition du Labo de l’écriture de la fondation Bouygues Télécom. Je retrace ici mes souvenirs de l'expérience en 4 épisodes. 

3ème jour. J’y ai pensé sans cesse jusqu’à ce matin. Je suis sûre que Bruno va nous demander de retravailler notre personnage d’hier et de continuer son histoire. Sauf que je ne veux plus. Mon héroïne me sort par les trous de nez, je la trouve trop encombrante, et à moins de lui coller une balle dans la tempe je ne vois pas d’autre dénouement. J’ai enfanté un monstre, un Frankenstein qui me dépasse, mi-moi, mi-autre. Je m’en ouvre auprès de quelques camarades d’écriture et pour la première fois, leur présence me réchauffe autant que le thé vert que j’engloutis debout, adossée à une colonne. 

Je le sens, c’est palpable, nous formons désormais un groupe. J’avais déjà eu cette sensation il y a quelques années en participant à un trek dans le désert du Maroc. On n’aurait pas pu faire pire casting tant nous étions différents les uns des autres et à part notre goût commun pour la randonnée, rien ne semblait rassembler ces 10 individus si disparates. Pourtant, les difficultés, les peurs, les repas frustres et les splendides paysages ont été le ciment d’une amitié commune unique. Un truc incroyable qui ne s’oublie pas de sitôt. Je me souviens avoir erré plusieurs jours dans mon studio comme une âme en peine après cette expérience. Je me sentais à l’étroit et ma petite vie me semblait bien insipide à côté de ces moments communs partagés auprès de mes compagnons de route. Si intenses et uniques. Pour la première fois, je me dis qu’il pourrait bien en être de même après cet atelier. 

Bruno me tire alors de mes pensées en nous proposant de débuter. Il ouvre la séance en nous demandant quelles sont les difficultés rencontrées lorsque nous écrivons. Quel soulagement et quel bonheur de découvrir que je n’étais pas seule face à ces freins et à ces peurs ! Mes compagnons ont, comme moi, des difficultés à se fixer des délais, peinent à retravailler laborieusement un premier jet d’écriture, se demandent constamment si ce qu’ils écrivent intéresse quelqu’un d’autre qu’eux. Bruno, patiemment, nous donne des pistes. Ne pas hésiter à laisser reposer un texte avant de le retravailler. Prendre exemple sur les peintres qui retournent leurs toiles pour s’en détacher et mieux y revenir ensuite. Moi qui ai l’habitude de travailler dans l’instantanéité, que ce soit sur le blog ou pour mes clients, en raison de délais toujours serrés, je me promets d’essayer. Il nous conseille également de repérer quelles contraintes nous aident à écrire et nous invite à cultiver nos rituels d’écriture. Nathalie Sarraute, par exemple, a écrit tous ces romans dans le bistro en bas de chez elle. Elle avait besoin d'entendre la rumeur du monde.

Bruno enchaine ensuite avec le prochain exercice : écrire une scène clé de son roman, un moment décisif et prendre un risque. Choisir une difficulté. Il précise que nous ne sommes pas obligés de continuer avec le personnage crée hier. Soulagement. Cette liberté soudaine souffle comme un vent de créativité sur mes neurones engourdis. Quasi instantanément, je visualise la scène et mes doigts filent sur le clavier. Je choisis une écriture quotidienne, dépouillée, véritable défi par rapport à mon style habituel. Bruno nous demande de lire chacun notre tour la phrase de notre texte que nous préférons. Pour la première fois, ma voix est assurée, sereine. Il s’est passé quelque chose aujourd’hui, c’est palpable. Un déclic, une étincelle.

Le soir, sur le chemin du retour, mon ordinateur et mes pas semblent moins lourds. 

mercredi 27 mars 2013

Labo de l'écriture des nouveaux talents - Episode 2


Rappel : la semaine dernière, j’ai eu la chance de participer pendant 4 jours à la deuxième édition du Labo de l’écriture de la fondation Bouygues Télécom. Je retrace ici mes souvenirs de l'expérience en 4 épisodes. Vous pouvez également lire la version de Catherine, une autre participante, ici.

 2ème jour. J’arrive dans notre salle vitrée du Figaro la tête un peu embrumée. Le café avalé cul sec et les chouquettes englouties n’y changent rien. Les autres participants avouent eux aussi être vidés, lessivés, je suis donc rassurée, mon grand âge n’a rien à voir là-dedans ! Sentiment étrange d’avoir dormi avec nos 12 textes. J’ai pensé à eux sous ma douche, en éminçant mes oignons, en coiffant ma fille. Mes camarades d’écriture sont devenus, sans que je m’en rende compte, d’intimes étrangers. Je devine les failles qui pointent à travers leurs mots, leurs bribes de vie, j’entends leurs voix qui tremblent mais ne connais finalement pas grand-chose d’eux, tout juste leur prénom.

Pour ma part, je suis partagée entre la satisfaction d’avoir tenu une journée, d’avoir réussi à accoucher d’un texte et l’anxiété à l’idée de devoir tenir la distance. Je repense à ce que nous a dit Bruno hier « tant que vous trouverez les textes des autres meilleurs que les vôtres, vous serez dans le vrai ». J’y suis donc et sacrément.

J’essaye de ne pas trop y penser alors que Bruno lance la 2ème prescription : repartir du texte autobiographique écrit hier et y injecter de la fiction. Faire de soi-même un personnage en l’incluant au sein d’une scène-clé d’un roman. Mon point faible me rattrape soudainement : l’imagination. Alors que je sais décrire les sentiments, les lieux, je bute immanquablement sur l’histoire, la trame narrative. Une idée me vient pourtant mais elle me paraît si mince que je m’escrime à vouloir broder autour. J’accumule les adjectifs et mon style devient un peu trop ampoulé, précieux, histoire de faire diversion. Je ne suis pas satisfaite de ce que j’ai écrit mais au moins j’ai produit quelque chose et j’ai même eu le courage de le lire, comme hier. Je découvre avec un étonnement sans cesse renouvelé les textes des autres, leurs univers si personnels, ce fil narratif qu’ils parviennent à tisser d’un jour sur l’autre. Bruno, toujours bienveillant, nous nourrit de ses conseils : ce qui est important dans un roman ce sont les noirs (le texte) mais aussi les blancs (la place laissée au lecteur). Surtout, il soulève un point crucial et qui, pour ma part, m’a toujours empêchée d’aller plus loin dans l’écriture : il n’est pas nécessaire d’avoir le synopsis intégral de son roman en tête pour se lancer. On peut également partir d’une scène centrale qui ensuite « irradiera » le reste du livre, en constituera le cœur. Ou prendre comme point de départ les personnages plutôt que l’histoire. Faire connaissance avec eux, en savoir plus sur eux que ce dont on a besoin.

Il est déjà 14 heures et je n’ai pas vu le temps s’écouler. J’en ai même oublié les caméras.

J’engloutis mon plateau repas, sors à contre cœur de notre bulle et file retrouver mes obligations et mon quotidien en me demandant ce que demain me réservera.

mardi 26 mars 2013

Labo de l'écriture des nouveaux talents - Episode 1



La semaine dernière, j’ai eu la chance de participer pendant 4 jours à la deuxième édition du Labo de l’écriture de la fondation Bouygues Télécom.

Jeudi dernier, nous étions 12 aspirants écrivains à nous retrouver dans les locaux du Figaro, sans rien connaître de nous, le cœur léger et perplexe à la fois.


Après que quelques courageux aient pris le temps de parler du livre qu’on nous avait demandé d’apporter, nous débutons le premier exercice, sans plus d’échauffement. « Se présenter en choisissant une forme de texte qui corresponde à l’expression de nous-mêmes ». Certains se lancent, très inspirés, je reste le nez au vent plusieurs minutes, le temps de chasser mes mauvais démons et l’angoisse de la page blanche. Les caméras qui gravitent autour de nous ne nous facilitent pas la tâche : au désir de bien faire s’ajoute celui de paraître présentable, ce qui n’est pas une mince affaire en ce qui me concerne. Pour beaucoup, celui qui écrit est gracieusement lové dans un sofa, une tasse de thé à la main, un chat angora sur les genoux. Pour ma part, à des années lumière de cette image d’Epinal, je ressemble davantage à une possédée bourrée de tics : je me gratte la tête, mâchonne une mèche de cheveux, tient ma tête entre mes mains, souffle et peste. Je n’ose imaginer ce que cela rendra à l’écran. L’écriture est chez moi rarement une partie de plaisir, souvent un accouchement difficile, avec épisiotomie et forceps, pas étonnant que cela transparaisse dans mes mimiques.

A la lecture des textes des autres, je suis soufflée par la qualité et la diversité des écrits. Les participants ne sont pas là par hasard, ça se confirme. Moi qui aime me rassurer en me disant qu’à l’école, on lisait toujours mes rédactions à la classe entière, je me rends compte que tous ceux qui sont là ont dû vivre la même expérience. Nous jouons dans la cour des grands, sacrée leçon d’humilité. Pour autant, nulle forfanterie ou complexe de supériorité : mes camarades semblent unanimement manquer de confiance en eux. Personne n’ose se lancer pour lire son texte à voix haute et quand quelqu’un se jette enfin à l’eau, il a la voix qui chevrote, la main qui tremble et le débit qui s’accélère, sans doute pour se débarrasser de cette tâche inconfortable. Pourtant, certains écrits sont de véritables coups de poing à l’estomac, des lectures dont on ne sort pas indemnes. Des concentrés de talents à l’état pur. Bruno Tessarech, l’écrivain qui nous encadre, nous nourrit de ses conseils, de ses références littéraires, toujours avec bienveillance et pédagogie. Nous sommes tous pendus à ses lèvres et tapons frénétiquement sur nos claviers les moindres de ses paroles. J’apprends une chose fondamentale : la première phrase d’un écrit est souvent à effacer car elle pose quelque chose qui est répété par la suite. Il faut toujours commencer par la phrase qu’on préfère, celle qu’on trouve la plus forte. Une histoire commence toujours par un moment d’intensité.

Le soir, bien que vidée, je dors mal. Je sens que je « digère » l’émotion, la tension, les conseils et les textes des autres. Leurs histoires et la mienne continuent leur vie, de façon autonome, dans ma tête. Au matin, je me précipite sur Amazon, prise d’une frénésie de lecture : Hemingway, Sagan, Balzac. Les conseils passionnés de Bruno m’ont mise en appétit, il faut que je me nourrisse, de façon compulsive. 


jeudi 21 mars 2013

Punk



Je n'aurai que peu de temps pour écrire jusqu'à dimanche car j'ai la chance d'avoir été sélectionnée pour participer au Labo d'écriture "Nouveaux talents" de la fondation Bouygues Télécom.

En attendant, voici un texte que j'ai eu l'occasion de rédiger lors de mes ateliers d'écriture en ligne. 

"Il est 10h du matin. Je n’ai pas de montre mais je le devine au grincement du rideau de fer du magasin derrière moi, au bruissement des passants dans mon dos. De ces silhouettes, je n’aperçois que les pieds, je n’entends que la danse cadencée des talons sur les pavés. Au début, je comptais sur la culpabilité sourde de ces gens, pensant que leurs bras remplis de sacs aux couleurs de ce temple de la consommation les encourageraient à me donner plus facilement une petite pièce. J’ai depuis perdu mes illusions. Pour eux, je n’existe pas, je ne suis qu’une tache encombrante, le petit comédon qui gâche un peu leur plaisir mercantile mais ne les incite pas pour autant à la générosité.

Malgré tout, je n’ai pas changé de place. J’ai fini par avoir mes habitudes et la bouche d’aération derrière moi est bien utile en cas d’hiver rigoureux.

Assise sur cette parcelle de bitume, je regarde passer les jours comme on verrait un paysage défiler derrière les vitres d’un train. Sans trop d’émotions, la vision brouillée par la vitesse du monde alentour dont je ne distingue que des silhouettes fantomatiques.

La vitrine derrière moi me raccroche au temps, aux saisons. Je pressens que le printemps arrive aux manches courtes, aux tonalités corail et turquoise, aux pâquerettes en plastique et à l’herbe en PVC qui décorent la devanture.

Dans l’attente d’une maigre obole, je tends mollement la main et je souris, les yeux dans le vague. J’espère, tout en sachant que je ne fais pas ce qu’il faut : je devrais avoir l’air désespéré, des vêtements plus convenables, un chien attendrissant. Mes ongles manucurés doivent leur faire penser que si j’ai les moyens de me payer ça, je n’ai pas besoin d’argent. Mes collants troués, mes cheveux rouges me rangent sans doute irrémédiablement dans la catégorie des punks camés jusqu’à l’os. « Je vais pas lui donner un euro pour qu’elle se drogue » doivent-ils penser. Puis ils repartent ainsi le cœur léger, débarrassés de toute once de culpabilité, vers de nouvelles emplettes.

Parfois, la faim, le froid et la solitude me tordent le ventre et le cœur. Ma main vacille, mon sourire mécanique se fige. Les rues se vident, les magasins ferment leurs portes et les lumières habitent les appartements cossus dont s’échappent des clameurs et de rires.

Alors je ferme les yeux. J’écoute ma respiration et le sang qui afflue vers mes tempes puis je l’aperçois enfin, ce petit escalier de pierre qui mène vers la maison de mes parents. J’entends les coucous au loin, j’hume à pleins poumons l’odeur ambrée de la mousse et le parfum délicat des fleurs sauvages. Les cailloux crissent sous mes pas et je frissonne un peu à cause de l’ombre inattendue des platanes. De loin, j’aperçois déjà la silhouette rassurante de ma mère derrière la fenêtre penchée sur ses fourneaux. 

Je sais qu’elle m’attend."