Les rues seront-elles bientôt envahies de femmes hagardes en
quête de sexe, débordant de libido, la bave aux lèvres, renversant ainsi
l’ordre social?
Cette vision digne du mauvaise série B ou d’une BD coquine,
semble résumer les craintes de certains scientifiques travaillant à une version
féminine du Viagra, le Lybrido.
Bizarrement, alors que cette question de la libido
débordante et incontrôlable des hommes ne s’était pas posée à l’époque, celle
des femmes semble être un frein à l’élaboration du médicament, comme nous le
rapporte Slate :
« Plusieurs consultants dans le domaine m’ont confié que les
laboratoires pharmaceutiques s’inquiétaient de leurs résultats, qui seraient
trop bons. Et surtout, que la Food and Drug Administration (FDA)
risquait de le rejeter, craignant que les femmes débordent de libido et
deviennent des infidèles frénétiques, bouleversant l’ordre de la société.» explique le journaliste spécialiste du désir
féminin Daniel Bergner . Il n’hésite pas à comparer cette avancée avec
celle de la pilule contraceptive dans les années 60 « «Ça n’a pas
seulement influencé la vie sexuelle des femmes, mais tout le reste. De
leur statut social à leur pouvoir d’achat. Qu’est-ce que ça signifie si les
femmes peuvent désormais contrôler, avec un simple ordonnance, le besoin le
plus primitif?»
Dans le passé, les
femmes qui souffraient d’absence de désir étaient taxées de frigides, désormais
on craint la nymphomanie : ces 2 extrêmes montrent bien la volonté masculine
de contrôler la sexualité féminine. Et
de la normaliser.
Si ce type de
question ne s’était pas posé au moment du lancement du Viagra, c’est aussi car
il existe une tolérance à géométrie variable en la matière, le langage le
révèle bien.
Ainsi, qui sait que
l’équivalent masculin de la nymphomane se nomme le satyriasis? Une expression
complètement méconnue remplacée abusivement par "tombeur".
On retrouvait déjà
cette différence de traitement entre hommes et femmes au sujet de la pilule
pour homme dont l’élaboration posait question au motif qu’elle risquait de
diminuer la libido des hommes. Qu’elle trouble celle des femmes n’a visiblement
pas empêchée sa mise sur le marché ni sa prescription à grande échelle.
Mais mieux vaut
pour « l’ordre de la société » des femmes sans désir que des femmes « débordant
de libido ».