On a tous une histoire à raconter au sujet des débuts
d’internet. Je me souviens encore du bruit strident du modem, petite madeleine
de Proust acoustique, de mon premier blog bricolé en 2002 et hébergé sur
Multimania, des tchats sur Caramail, de l’arrivée du mail dans le cadre
professionnel, de mon ordinateur acheté à crédit sur 3 ans.
On a tous une histoire à raconter au sujet des débuts
d’internet, c’est pourquoi je me suis précipitée avec enthousiasme sur le
teaser du documentaire diffusé sur Arte « La contre-histoire des internets » :
« Internet a été créé par des hippies tout en étant financé par des
militaires ! Cet improbable choc des cultures a donné naissance à un espace de
libertés impossible à censurer ou à contrôler. C’est pourtant ce que cherchent
à faire, depuis des années, un certain nombre de responsables politiques,
poussant hackers et défenseurs des libertés à entrer dans l’arène politique. ». Le documentaire laissera la parole à Richard
Stallman, l'inventeur des logiciels libres, Rick Falvinge, créateur du Parti
pirate suédois, et Julian Assange, fondateur de WikiLeaks nous apprend le site
d’Arte.
Poussée par la curiosité, je clique donc sur le bouton
« Play » de la bande
annonce du documentaire.
Et ce que je retiens de ces 4 minutes 05 c’est que,
vraisemblablement, Internet s’est crée sans les femmes. Pas qu’elles étaient
minoritaires, non, mais totalement absentes. En 4 minutes et 5 secondes, 14 hommes
à l’image, pas une femme. PAS UNE SEULE.
On va me rétorquer que c’est représentatif de l’histoire
du réseau, dont les femmes ont été cruellement absentes. Certes, mais d’après
la bande annonce, le documentaire laisse la parole à des contemporains, comme
Julien Assange par exemple et ne s’intéresse pas qu’aux pionniers. Aujourd’hui,
un
internaute sur 2 est une femme, il est démontré qu’elles sont plus actives
et plus présentes sur les réseaux sociaux que les hommes et représentent
désormais 60%
des joueurs sur plateforme mobile. C’est aussi ça la réalité d’internet.
Même si la communauté hacker reste à 90%
masculine, n’oublions pas que Jude Milhon, hackeuse depuis 1967, voyait
dans internet un outil de libération et clamait dans cet interview: « Les filles ont besoin de modem ».
Quant à Ada Lovelace, qui aurait eu 198 ans cette année, elle est considérée
comme l’une des pionnières de l’informatique puisqu’elle est la première
programmeuse au monde.
Bien sûr, je ne demande pas la parité, difficilement
réalisable du fait de la sous-représentation des femmes dans les domaines
purement techniques. Mais avouez qu’avec 3 femmes seulement dans un
documentaire d’1h30, on en est loin. Surtout quand l’une d’elle, Marie-Françoise
Marais, est considérée comme "la Mère Fouettard du Net" d’après l’expression reprise dans
cet
article du Monde.
On va me rétorquer que les femmes rechignent à prendre la
parole sur ce genre de sujets, qu’il est difficile d’en trouver pour témoigner.
Ce sont les motifs que m’avait évoqués le rédacteur en chef de l’Usine Nouvelle
quand je m’étais émue de ne trouver que 7
femmes dans son Top 100 du numérique. Pour autant, cette excuse n’est pas
suffisante. Un journaliste (ou un réalisateur) dont le but est de retranscrire
la réalité de la manière la plus fidèle possible doit mener un vrai travail
d’investigation et ne pas s’arrêter à l'impression d’invisibilité des femmes sur ces sujets.
Les expertes existent, il suffit de les chercher. Pour ma
part, les 2 associations auxquelles j’appartiens, « Girlz
In Web » et « Girl Power
3.0 », recèlent de talents féminins prêtes à s’exprimer sur des
thématiques high-tech/digitales. Il ne faut donc pas hésiter à faire appel à
elles.
Un réflexe à avoir pour ne plus jamais mettre au ban de
l’histoire numérique la moitié des internautes.
ça doit être parce que les femmes prenaient moins de LSD et fumaient moins dans les 60's :P
RépondreSupprimerau dela les femmes du web et en particuliers celles que tu cites sont dans des fonctions Marketing Vente RP ou gestion le territoire tech pur étant réservé aux mecs c'est certes un problème mais il est davantage en amont école, lycée, école d'ingénieur toussa toussa
C'est un peu le serpent qui se mord la queue cette histoire. S'il y a peu de jeunes filles qui s'orientent vers les fonctions techniques à l'école c'est qu'il y a peu d'exemples féminins à suivre. D'où l'importance des média dans cette mise en avant des talents féminins. Je crois vraiment à la valeur d'exemple dans ce domaine et ce genre de documentaire à un rôle à jouer aussi.
RépondreSupprimerc'est un documentaire il ne peut que restituer une réalité même si elle n'est pas satisfaisante, c'est davantage le rôle de la miss Najat et celui du ministère de l'éduc nat (ou des journalistes et blogueurs) que de valoriser les filières techniques et/ou de dénoncer la misogynie d'un secteur d'activité
RépondreSupprimerLe problème c'est que ce n'est pas la réalité (cf chiffres que j'avance). C'était la réalité des débuts d'internet mais le documentaire donne la parole aux contemporains, les femmes auraient donc eu toutes leur place (même si ce n'est que pour questionner cette absence des femmes dans l'histoire).
RépondreSupprimerTu n'as vu que le teaser ? Pas le doc en entier ?
RépondreSupprimerCeci dit ça n'aurait rien changé. Après avoir vu cet excellent doc, je me suis fait la même réflexion : je n'ai vu (quasiment) aucune femme !
Il y a 3 femmes dans le documentaire : Marie-Françoise Marais, Khadija Ismayilova et Marietje Schaake
RépondreSupprimerLe documentaire est vraiment très intéressant, mais c'est vrai que les femmes en sont quasiment absentes et qu'elles n'y ont vraiment pas le beau rôle : celle que l'on voit le plus est Marie-Françoise Marais, présentée comme quelqu'un qui n'a rien compris à Internet.
RépondreSupprimerJe ne comprends pas comment il n'a pas été question (au cas où elle n'eut pas souhaité s'exprimer) quelqu'une comme Radia Perlman, ne serait-ce que sur le FTP, ou Shafrira Goldwasser quant au chiffrage des données.
RépondreSupprimerSans doute font elle trop partie de l'Histoire d'internet pour être intégrée à une contre-histoire...
Je trouve assez fou que quelqu'un comme M@r_L@rd n'est pas été approchée non plus. Ce qu'elle dit sur les communautés de jeux vidéo peut aisément s'appliquer à l'ensemble de la "culture geek".
RépondreSupprimerJ'ai pensé la même chose que Clumsybaby, en me disant que les femmes sont présentées comme le dernier rempart cotntre la liberté en plus de ne rien comprendre à rien en voyant ce documentaire. C'est fort dommage, car en soi, il était extrêmement intéressant
Absolument. J'ai moi aussi pensé à Mar_Lard mais peut-être qu'au moment où le documentaire a été tourné, elle n'avait pas encore publié son étude.
RépondreSupprimerJ'y étais moi, aux débuts du web ! à jouer des coudes avec les gars, pas toujours très accueillants ni très ouverts d'esprit, avec ma première page web de l'an 2000 ! Faudrait que je raconte ça, tiens ! Oui, je n'y voyais pas de femmes, c'est même pour ça que j'ai ouvert mon premier site…
RépondreSupprimerEt puisque c'était si rare d'avoir des femmes à l'origine de l'Internet... pourquoi "cacher" leur arrivée en masse sur le réseau ?
RépondreSupprimerNon parce que finalement, oui, je trouve que tu as raison; Sophie, c'est un phénomène peut être plus contemporain, mais réel.
Mais voyons, les seules vrai femmes du net ce sont les blogeuse modébotédéco :p
RépondreSupprimerjaymes, http://yourglobeismyblog.blogspot.com
Je suis conscient du problème, mais n'ait pas réussi à trouver comment faire, ni qui interviewer, pour éviter ce côté barbu wasp omniprésent...
RépondreSupprimerNous n'avons pas voulu faire une "histoire" de l'Internet, mais une "contre-histoire", donnant la parole à ceux qui se sont retrouvés à y mener un combat politique pour la défense des libertés.
Ce pour quoi le documentaire ne donne pas la parole aux pionnières de l'Internet, ni à ces femmes qui oeuvrent pour promouvoir la place des femmes sur les réseaux.
On avait interviewé Jac sm Kee, et c'était passionnant, mais on n'a pas pu la garder au montage : http://lesinternets.arte.tv/search/?q=%23jac%20sm%20kee
Amelia Andersdotter était crevée quand on l'a interviewée, elle aussi a donc été coupée au montage, et on a raté Meryem Marzouki, que j'avais sollicité...
J'ai été interpellé de nombreuses fois sur cette absence de femmes; j'ai demandé qui j'aurais pu interviewer, qui j'avais "oublié", mais je n'ai pas eu de noms...
Merci pour cette réponse. Dommage que Jac sm Kee ait été coupée au montage en effet...dommage également de n'avoir fait figurer aucune femme dans le teaser ce qui rend le côté "wasp barbu omniprésent" encore plus flagrant. Pour obtenir des noms, il ne faut pas hésiter à se tourner vers des associations type Girlz in Web ou GirlPower 3.0, elles sont très efficaces.
SupprimerSi vous avez des noms de femmes qui se sont fait un nom dans la défense des libertés sur le Net, je suis effectivement preneur... ça ne changera pas la face de ce docu-là, mais ça aiderait à ne pas faire la promo que de barbus ;~)
SupprimerJe passe un appel sur Twitter de ce pas! :-)
SupprimerAnnie Machon ? Je n’ai pas creusé mais le nom est apparu sur mon écran quelques minutes après avoir lu cette discussion : http://anniemachon.ch/annie_machon/2013/05/journalists-need-to-tool-up.html.
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