> août 2013

lundi 26 août 2013

J'ai (enfin!) lu Bridget, le nouveau magazine féministe



Quand j’ai entendu parler sur Twitter d’un nouveau magazine féministe, j’étais à priori plutôt enthousiaste. Vive la pluralité de ton et de traitement même si son titre, « Bridget », me laissait dubitative. Bridget comme Bridget Jones ? Ou Bridget qui rime avec Causette, histoire de créer la confusion ?

J’ai ensuite appris que le directeur de publication n’était autre que Frédéric Truskolaski, patron de presse sans scrupule dont les titres bidonnés avaient fait l’objet d’une enquête dans un numéro de Causette.



Est-ce pour se venger de ce papier que Frédéric Truskolaski a décidé de lancer un magazine concurrent ? Ou parce qu’il a senti que le féminisme était devenu une niche rentable ? Quoi qu’il en soit, pour Grégory Lassus-Debat, directeur de la publication de Causette, interviewé par Rue89 il s’agit d’un plagiat flagrant de son magazine : «  La maquette et la direction artistique ont été repompées à 100%. Et Bridget a le même positionnement éditorial, le même format, le même prix (4,90 €). Même le papier est proche du nôtre, si ce n’est identique. Certaines rubriques ont été clonées, seul le nom étant changé : “ On nous prend pour des quiches ” devient ainsi “ Au secours ”. ». (Au fait, ça ne choque personne que les 2 patrons de magazines féministes soient des hommes?)



En lisant l’article de Rue89, je réalise que je suis sur Twitter une des rédactrices de Bridget (la seule à ne pas écrire sous pseudo). Je décide donc d’en savoir plus sur ce magazine en échangeant avec elle. Je lui fais part de mon étonnement au sujet de la légitimité de l’équipe de rédaction : Un patron de presse people, 3 rédactrices sous pseudo et elle-même, pigiste pour la presse people. Ma question passe pour du mépris alors que ça n’a rien à voir avec cela : j’estime que quand on lance une revue spécialisée autour d’une thématique, on se doit d’avoir dans l’équipe des spécialistes de la question. Et une équipe plus étoffée que 4 rédactrices.

Je précise qu’il ne s’agit absolument pas de condescendance envers la presse people : si un magazine de cuisine était un jour lancé avec 4 journalistes politiques, je me serais posée la même question.

Elle m’apprend que les 3 autres rédactrices écrivent pour des journaux très respectables mais qu’elles préfèrent garder l’anonymat pour « éviter les trolls ». Drôle de conception du journalisme pour un magazine qui se veut engagé. Il doit surement y avoir de sacrées révélations au sein du journal pour envisager la nécessité d’avancer masqué. Soit.

Quand on lui parle de Frédéric Truskolaski, la rédactrice répond « Je bosse avec ce mec depuis plusieurs années, jamais eu de soucis. Il m'a proposé de faire un mag féministe, j'ai dit oui. Après, il nous a laissé carte blanche. ».

Cette méthode de la « carte blanche » m’a immédiatement fait penser à l’épisode du rachat du magazine « 20 ans » par Frédéric Truskolaski (encore lui).  Cette fois-ci il avait réussi à lancer un journal avec une vingtaine de rédactrices entre 18 et 20 ans, recrutées sur internet. Des piges non déclarées, avec des articles payés entre 5 et 20€ et des conférences de rédaction sur MSN. Du journalisme low-cost en quelque sorte, comme l’explique très bien cet article du journal « Métro ».



Piquée par la curiosité, je me décide enfin à acheter le magazine « Bridget ». Après avoir parcouru quelques pages, le plagiat me saute aux yeux tant au niveau de la forme (la maquette, le papier, la titraille, l’iconographie vintage) que du fond (le ton « bonne copine », les rubriques).

Non il ne s’agit pas d’un nouveau magazine féministe, comme il existe actuellement une multitude de magazines féminins, il ne s’agit ici que d’une pâle copie de Causette.

Très vite, le manque de moyens de l’équipe éditoriale se fait très cruellement sentir à la lecture de « Bridget » : aucune enquête, aucune interview, aucun dossier thématique. Le dossier sur le sexisme dans le jeu vidéo n’est qu’une synthèse de l’excellent article de Mar_Lard (heureusement citée à la fin). Les 4 pages sur le féminisme 2.0, dossier qui aurait gagné à être creusé, est bâclé : il se limite à une liste de blogs  et d’associations féministes, sans aucune explication ou critique. On se demande même si la rédactrice a lu les blogs en question.  Quant à Twitter, au lieu de proposer une liste de comptes, elle invite les lecteurs à taper « féministes » dans le moteur de recherche ! L’article sur les cerveaux des hommes et des femmes, qui aurait pu être passionnant, se limite, quant à lui,  à une fiche de lecture très scolaire des livres de Catherine Vidal.
Le reste n’est qu’une synthèse de ce qui peut se lire sur les blogs féministes ou sur Twitter avec 6 mois de décalage.

Malgré tous ces bémols, le ton est assez efficace et pédagogique et les sujets constituent une entrée en matière assez variée pour quelqu’un qui ne connaît rien au féminisme (et qui n’a pas internet).

Si Bridget avait été un webmagazine, j’aurais sans doute été plus enthousiaste. Mais 4,90€ pour du journalisme low-cost et du « sous Causette », ça reste vraiment trop cher.

Et vous, l’avez-vous acheté ? Qu’en avez-vous pensé ?

samedi 24 août 2013

A la recherche du Saint Graal : le protège cahier rose à rabats



                                                                                Un classeur à message 


La rentrée scolaire a toujours été la période la plus faste de l’année pour mes parents papetiers-libraires.

Certains parents nous confiaient leurs listes : nous étions alors chargés de collecter pour eux l’ensemble des fournitures. D’autres arrivaient avec, à bout de bras, d’énormes sacs Carrefour ou Auchan bourrés jusqu’à la gueule. Ils ne leur manquaient alors que le protège cahier rose petit format à rabats introuvable qu’ils étaient certains de dénicher chez nous.

Le remplissage de la liste de fourniture ressemblait souvent pour ces parents échevelés à un jeu de piste épuisant.

Je pensais, avant d’avoir des enfants,  que ces lubies iconoclastes des profs en matière de fournitures scolaires étaient bel et bien révolues. Erreur de nullipare.

Je me souviens encore de la prof de CP de mon fils qui avait exigé que chaque élément présent dans le cartable soit étiqueté. Chaque feutre de la pochette, chaque crayon de couleur. J’ai épuisé une imprimante Dymo rien que cette année-là. Et les étiquettes ont tenu 2 jours.

Cette année, prévoyante, j’ai demandé en juin à la nouvelle directrice la liste, histoire de passer pour une mère organisée. Nous déménageons  la semaine prochaine et les enfants changent d’école, autant faire bonne impression.

La liste en main, alors que défilaient sous mes yeux les cahiers, classeurs et crayons d’un classicisme étonnant, je tiquais sur la boîte de mouchoir en papier puis tombais en arrêt sur le dernier élément de la liste : une ramette de papier. Soit 500 feuilles. Soit 2kgs500.
Soit 32 000 feuilles si l’on multiplie par le nombre d’élèves.

Mouchoirs en papier, ramettes : à ce compte-là je me demande si l’on nous demandera de fournir aussi le papier toilette l’année prochaine.

En en parlant autour de moi, j’ai découvert que beaucoup de parents avaient eu à expérimenter d’étranges exigences :

-       En maternelle : 3 boîtes de mouchoirs,  1 classeur de 10 cms, 3 pochettes bleues, 1 verte, 2 blanches (la mère excédée a fini par écrire « BLEU » sur une pochette blanche qu’il lui restait !)
-       En petite section de maternelle : 1 bloc de feuilles de couleur et 2 tubes de colles Pattex (la colle de bricolage)
-       En petite section : des assiettes jetables, 4 paquets de lingettes, 4 paquets de mouchoirs
-       En CP : un chèque de 18€ à la coopérative scolaire (alors que la participation est théoriquement facultative)
-       En CP : un sous-main…rentrant dans une trousse (les sous-mains pliables ça existe ?), les fournitures dans une boite de glace (une trousse c’est trop classique)
-       En CM1 : des chaussons d’intérieur pour être cosy en hiver (en maternelle ça se comprend mais en CM1 ?)

Et d’autres que j’ai sans doute oubliées…

En évoquant cette anecdote sur Twitter, 2 profs me sont immédiatement tombées dessus pour me dire que je tirais à boulets rouges sur le corps enseignant, qui n’avait vraiment pas besoin de ça.

Que l’on soit clair : j’ai suivi une année d’IUFM au cours de laquelle j’ai effectué 2 stages (un en petite section de maternelle, l’autre en CM1/CM2). A cette occasion, j’ai pu expérimenter la difficulté du métier d’enseignant. Désormais, à chaque sortie scolaire à laquelle je participe, je bénis le ciel d’avoir raté le concours !

Je précise également que j’ai deux oncles et une tante qui appartiennent au corps enseignant : ce qu’ils me racontent de leur métier est loin de me faire rêver (cette précision a un petit côté « je ne suis pas raciste, j’ai un ami noir », j’en suis consciente !).

Par curiosité, j’ai pesé le cartable de mon fils (qui a 8 ans et pèse 29 kgs je précise), garni de l’ensemble de ses fournitures. Verdict : 6 kgs.

Je sais bien que la ramette sera ensuite entreposée dans la classe et n’aura pas vocation à rester dans le cartable mais quand même…

Malgré cela, mon fils ne veut rien entendre : il veut absolument partir à l’école sa ramette sur le dos par peur de passer pour un mauvais élève !

Et vous, quelles sont vos anecdotes de fournitures scolaires farfelues ?

Edit : j'ai été submergée de demandes au sujet du classeur qui illustre ce billet! Sachez qu'il est en vente sur ce site!

mercredi 21 août 2013

PUA : quand un site de drague incite au viol



HB, CZ, BL, DLV, ces abréviations ne vous disent peut-être rien.
Sauf si vous êtes un PUA (Pick-up artist), un « artiste de la drague».



Jusqu’à hier, je n’avais absolument pas connaissance de cette communauté de « séducteurs professionnels » qui échangent sur le net conseils et tactiques pour mettre à coup sûr une fille dans leur lit. Ces coachs en vie sexuelle promettent de transformer n’importe quel boutonneux asocial en serial tombeur à grand coups d’abréviations à la sauce ricaine. Un business juteux décliné en multiples produits dérivés : livres, coaching, formations.

La recette miracle ? Une pincée de PNL, beaucoup de manipulation et des préjugés à la louche. Dans ce monde merveilleux de la séduction inratable, une femme est une « target » (une cible), un pantin jetable qu’il suffit de manipuler en jouant sur la confiance en soi et la déstabilisation pour arriver à ses fins. Même si la méthode est contestable, il n’y aurait jusque-là, pas lieu de s’émouvoir outre-mesure : après tout si des naïfs sont capables de croire à de telles sornettes, tant pis pour eux.

Là où la méthode dépasse le stade de l’élucubration rigolote c’est lorsqu’elle incite ses adeptes au viol afin d’arriver à leurs fins comme l’a brillamment relevé la blogueuse Dike dans ce billet.

Ainsi, la page intitulée "Comment bien baiser : les 3 secrets du hard SEXE" postée sur le site Seduction By Kamal constitue une incitation sans ambiguïté au viol et à la violence envers les femmes.

Extraits choisis (je vous renvoie vers le billet de Diké pour lire la totalité des citations):

"Montrez-lui qu’elle n’a pas vraiment le choix"

"Vous décidez [...] tout est entre vos mains (ou vos cuisses devrais-je dire)"

"Ne lui demandez pas si vous pouvez la pénétrer comme un animal sauvage, faites-le !"

"Imposez votre puissance".

Au fil des lignes, le consentement n’est plus qu’un lointain souvenir : si la femme dit non ce n’est pas car elle n’a pas envie, c’est qu’elle n’a pas été persuadée correctement.

Une véritable « méthode pour violer une femme » comme l’a énoncé Antisexisme  et qui s’adresse implicitement à la cible adolescente.

Le texte est en ligne depuis mai 2012 et a été légèrement remanié il y a quelques jours suite au billet de Diké. L’auteur de l’article, Jean-Baptiste Marsille alias JB, et le patron Kamal Kay ont refusé de le retirer, persistant dans l’apologie du viol.

Diké a donc écrit une lettre satirique à Alexandre Chombeau de l’Agence CSV, qui s'est chargé du référencement pour le site Seduction By Kamal. Le but : le questionner au sujet de ses critères éthiques et de sa déontologie en matière d’apologie de la violence sur Internet.

En guise de réponse, Alexandre Chombeau s’est alors fendu d’un billet sur son blog, magnifique condensé de poncifs sexistes.

Aucun mea-culpa ou tentative d’éclaircissements mais au contraire une volonté d’enfoncer le clou et d’expliquer à Diké, la « féministe enragée » pourquoi elle serait  dans l’erreur. La réponse est limpide : elle serait frustrée sexuellement et ferait mieux de traiter de sujets plus importants comme les femmes irakiennes.

On comprend, au regard de la teneur du billet, pourquoi Alexandre Chombeau l’a effacé quelques minutes après sa mise en ligne. Tout comme il a consciencieusement fait disparaître ses tweets trop encombrants. Etrange pour un spécialiste auto-proclamé de l’e-reputation d’ignorer le dévastateur « effet Streisand » : en quelques minutes, le billet, retrouvé dans le cache Google, a immédiatement fait le tour de Twitter. Et aujourd’hui le hashtag satirique « ‪#ToiAussiSéduisCommeKamal » a inondé le réseau social.

Malgré la grogne grandissante, Alexandre Chombeau persiste et signe en menaçant quiconque a écrit ou osera écrire sur le sujet.




Ironie du sort, la bannière de l’agence CSV continue à défiler en lettre multicolores sur la homepage du site : « Mauvaise réputation : nous redorons votre blason »…



Les cordonniers sont parfois les plus mal chaussés…