La rentrée est décidément une somme infinie de
réjouissances.
Après les achats de fournitures iconoclastes, les livres à
couvrir, les 10000 formulaires à remplir dans tous les sens il y a aussi les
réunions de parents d’élèves.
Je me souviens encore de la première à laquelle j’ai
assistée, de mon émotion en rentrant dans la classe, de mes larmes contenues en
réalisant que mon fils était désormais un élève, de mon attendrissement devant
les chaises minuscules.
Mais ça c’était avant. Maintenant, alors que je totalise 9
réunions de parents d’élèves, je suis comme qui dirait devenue une routarde de
l’entretien parents-professeur.
Je n’ai plus la larme à l’œil en observant les petites chaises
mais me demande si je vais arriver à caser mes 2 fesses à l’intérieur.
Je ne suis plus émue à l’idée que ma fille soit une élève
mais me demande si l’instit de cette année va nous demander encore une fois de nous prendre en photo avec une poupée en nous vendant ça comme un projet
pédagogique.
Je n’essaye plus désespérément de deviner où s’assoit mon
enfant pour me mettre au même endroit mais choisis surtout une place
stratégique près de la porte pour partir plus tôt si besoin.
A me lire, on a le sentiment que je me suis endurcie. Pas
tant que cela finalement.
Je dois avouer que quand l’instit de ma fille qui est en
grande section nous a annoncé, sourire aux lèvres que la classe allait partir 3
jours en classe de poney, mon cœur de mère juive s’est brisé en 1000 morceaux
sur le lino. J’ai furtivement jeté un coup d’œil aux autres parents hilares
puis ai esquissé un sourire forcé. Ma première question a été « C’est loin
de Paris ? » « Oh non 160 kms ». Allez savoir pourquoi, mon
inconscient de mère juive a doublé cette distance et à chaque fois qu’on m’a
posé la question par la suite j ‘ai répondu 300 kms. Ce n’est qu’en me
replongeant dans les papiers distribués par l’instit que j’ai réalisé que
c’était bien plus proche que je ne le pensais.
« Et comment sont les dortoirs ? ». Je
m’imaginais déjà des dortoirs façon pension, ma fille en pleurs le soir, son
doudou à la main, m’appelant dans le noir. « Ce sont des chambres de 4,
c’est très sympa ». Je me suis retenue de demander si c’était des lits
superposés histoire de ne pas passer pour une psychopathe mais j’avoue que la
question m’a brûlé les lèvres.
« Oh faut pas s’inquiéter, mon ainée est partie l’année
dernière, elle était ravie » a lancé un père d’un air goguenard. « Ah
super » ai-je répondu alors qu’en mon for intérieur résonnaient ces mots
« ma fille, la chair de ma chair, le sang de mon sang, ma fille-ma
bataille va partir 3 jours loin de moi ».
Alors que je tentais d’entamer une séance de respiration par
le ventre, je réalisais que nous étions déjà passé au sujet suivant : les
notes ou plutôt l’absence de notes ce que je considère comme une très bonne
nouvelle (ça compense la classe de poney). Cette année l’instit (ou plutôt les
instits, elles sont 2 à mi-temps) ne vont pas distribuer notes, corrections en
rouge ou en vert, tête qui sourit ou fait la tronche. Elle vont simplement signaler
à l’enfant si quelque chose ne va pas et le laisser corriger seul. Silence des
parents dans la classe.
J’ai encore le souvenir du livret de mon fils en petite
section (oui, vous avez bien lu « livret d’évaluation » à 3 ans) dans
lequel il était noté que la descente d’escalier n’était pas acquise. Mon fils
en avait fait une fixette « j’ai eu un bon livret SAUF EN DESCENTE
D’ESCALIER » à tel point que j’en étais arrivée à lui dire « c’est pas
grave, tu feras comme moi, tu prendras l’ascenseur ». Quand je le vois
désormais sauter les marches et descendre les escaliers à toute vitesse, je ne
peux m’empêcher de sourire.
19h10, tous les sujets ont été abordés, de la coopérative à
la gestion de toilettes, quand soudain une voix s’élève. « Pourrions-nous avoir
un feedback de votre part sur le niveau de la classe ? Ils sont bons ou
pas ? ».
Alors que l’instit avait expliqué quelques minutes avant
qu’il n’y aurait pas de notes. Mais visiblement c’est encore trop dur à
entendre pour certains parents qui ont besoin de « feedbacks » et
autres « retroplanning asap ».
Moi qui attendais une excuse pour partir, je me suis alors
levée comme un ressort en entendant le mot « feedback », souvenir
amer de la novlangue franglaise de mon ancienne vie professionnelle.
En arrivant à la maison, j’ai pris une grande respiration
puis ai annoncé à ma fille « Tu sais quoi ? Tu vas partir 3 jours en
classe de poney avec ta classe, c’est génial ! » « Youpi, je
suis trop contente ».
Quelqu’un a une paire de ciseaux pour couper le cordon ?
Je suis partagée entre le rire (moqueuse!) et les grincements de dents: un carnet d'évaluation à 3 ans..... Et je suis prof!... C'est à désespérer....
RépondreSupprimerLe pire c'est que les parents attendent ça, il suffit de voir la question posée à la fin, le "feedback" sur le niveau de la classe, ça les rassure. Mais c'est franchement anxiogène pour les enfants à cet âge.
RépondreSupprimer"ils sont bons ou pas?" parce qu'y a 2 sortes d'enfants: les bons et les mauvais.
RépondreSupprimerOui, tout dans la nuance et la demi-mesure.Et ils ne sont qu'en maternelle ces pauvres enfants...
SupprimerIl attendait quoi? "ce sont les meilleurs de toute ma carrière (et j'ai 23 ans)!"
RépondreSupprimerRaaaah. J'ai séché cette année. Ca m'est venu comme ça, quand je me suis rappelée cette maman de MS qui a demandé l'an dernier "ils font combien de pièces vos puzzles? Parce que ma fille...". A ce moment, j'ai ressenti un grand élan de compassion pour l'instit.
Je t'avoue que j'ai pensé à sècher...mais comme on vient de déménager et de changer d'école, je me suis dit que ça serait bien que je sois là quand même :-)
SupprimerAh ah, c'est typiquement le genre de question que je n'oserai jamais poser à la maîtresse de peur qu'elle cherche un moyen diplomatique de me dire que ma fille est dans les mauvais, lol.
RépondreSupprimerJ'ai toujours laissé ma fille partir tant qu'elle en avait envie et ça a commencé tôt vers 3/4 ans, aujourd'hui elle a 8 ans et elle part deux ou trois semaines l'été sans moi... on s'y fait parce que les souvenirs qu'elle raconte sans arrêt en revenant c'est priceless et puis ça passe hyper vite finalement même si le manque est là... et en plus c'est mon enfant unique ;) mais sinon si elle ne veut je n'irais jamais la forcer à me quitter :)
RépondreSupprimerpar contre j'ai jamais entendu parler d'une école parisienne qui fait partie les enfants en maternelle, c'est une première ! et c'est le public en plus non ? encore plus incroyable !
non mais lol pour le feedback !
Oui, c'est dans le public. Ma belle-mère m'a appris que ma nièce qui a aujourd'hui 20 ans était partie une semaine en classe de mer en maternelle, donc apparemment ça se fait! J'avoue qu'une semaine ET en classe de mer, j'aurais un peu plus hésité quand même :-)
RépondreSupprimerL’année dernière, en petit section, une mère d’élève a demandé a la maîtresse pourquoi sa fille n'avait pas eu que des A a l’évaluation, non parce que vous comprenez son grand frère au même age n'avait que des A! Heureusement que je ne suis pas prof, je serais capable de répondre que c'est pas de ma faute si sa fille est bête.
RépondreSupprimerSinon j'ai 30 ans et je suis aussi allée en classe de mer en maternelle, j'en garde encore quelques bribes de très bons souvenirs. (et je laisse mes enfants 2 semaines a leurs grands-parents chaque été)
Quand je lis des réflexions pareilles, je plains les pauvres gosses qui ont hérité de tels parents!
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ces billets "tranche de vie", à priori le sujet ne me touche pas, mais depuis que mes amis commencent à devenir parents, je vois tout ça d'un autre oeil... C'est très bien écrit comme à ton habitude et c'est vraiment touchant la façon dont tu parles de tes enfants. Ça fait du bien à lire. :)
RépondreSupprimerToujours effrayants les réactions de certains parents, je plains aussi les gosses...
Merci pour ce commentaire! J'avoue que j'hésite toujours à écrire ces billets tranches de vie, je me dis que ça va gonfler ceux qui n'ont pas d'enfants, peur de passer pour la ménagère de moins de 50 ans centrée sur ces gosses. Donc ça me touche que tu dises les apprécier, merci beaucoup!
RépondreSupprimerCe billet est joli, mais y a un truc qui me fait bondir, enfin tiquer... Parce que ça fait 2 fois que je le lis , une fois ici et une fois sur twitter : "Mon coeur de mère juive". Peut-être que je ne peux pas comprendre, mais je ne comprends pas pourquoi l'adjectif "juive" vient apporter qqch... On peut aussi être sensible et craindre de laisser son enfant en étant juste maman, sans forcément être juive.
RépondreSupprimerBon, désolée si pour un premier commentaire sur ton blog, cela peut te sembler un peu "agressif", mais fallait que je le dise...
Sinon, à lire les 6 (environs) derniers articles qui m'ont bien plu, je me dis que j'ai de la lecture à rattraper :-) !
C'est juste de l'humour hein...je fais allusion à la figure de la mère juive un peu caricaturale que l'on peut voir dans les films d'Yves Robert et à laquelle je m'identifie parfois. Mais je te rassure, OUI une mère non juive peut aussi s'inquiéter pour ses enfants :-)
RépondreSupprimerAh et j'oubliais : c'est un peu "chiant" le contrôle des commentaire par contrôle de mot. Mais j'imagine que tu ne pouvais faire autrement.
SupprimerJe dis ça parce que ça fait partie des bonnes actions que j'essaie de faire : commenter un peu les articles de blog que je lis régulièrement...
Ah non malheureusement, je ne peux pas faire autrement!
SupprimerNotez que du point de vue de la facilité à lacher ses mômes, les mères juives, espagnoles, pieds-noir, arabes et italiennes se valent parfaitement...
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