Quand on se déclare féministe, il faut s’attendre à être
très régulièrement remise en question au sujet de ses choix ou ses goûts.
« Quoi, t’es féministe et t’aimes Houellebecq ? » « Quoi,
t’es féministe et t’as adoré le premier album de Doc Gynéco ? »
« Quoi, t’es féministe et t’acceptes d’acheter des Barbie ? » « Quoi t’es féministe et ta fille a
des livres de Martine dans sa bibliothèque ? ».
Oui, je plaide coupable, jetez-moi des pierres, déchirez mon
beau certificat de féminisme, j’assume tout. Même les livres de Martine.
Il faut savoir qu’à part les appareils électroménagers type
aspirateur ou fer à repasser miniatures, je n’interdis rien à mes enfants. Cela
s’applique également aux lectures.
Je pars du principe que la diabolisation d’un objet ne fait
qu’attiser la convoitise. Et que tant que le dialogue et les contre-exemples
sont là, rien n’est perdu.
La maîtresse de mon fils avait ainsi choisi l’année dernière
une méthode de lecture datant des années 50 : papa y fumait la pipe et
allait travailler à l’usine tandis que maman reprisait ou faisait les courses.
Ce côté rétro avait fait rire mon fils : cela a été l’occasion de lui
rappeler à quel point certaines choses avaient changé depuis. Que les femmes
n’avaient pas toujours eu le droit de travailler, de voter ou d’avoir un compte
en banque.
Autre exemple : un de nos amis avait été choqué de voir que mes enfants possédaient des pistolets en jouets alors que lui les avaient interdits aux siens. Il nous a alors raconté qu’enfant, ayant subi la même interdiction, il avait volé de l’argent à ses parents pour pouvoir en acheter un à son tour. Preuve que la méthode a ses limites.
Pour en revenir à Martine, c’est même moi qui ai acheté le
premier album à ma fille. Il s’agissait de "Martine petit rat de
l’Opéra", un livre qui m’avait marquée enfant et qui a largement
contribué à mon envie de suivre des cours de danse classique. J’ai depuis très
vite réalisé que le monde merveilleux de Martine n’avait pas grand-chose à voir
avec la réalité. Notamment en tombant sur un professeur de danse qui m’a
traumatisée à tout jamais à coup de règles sur les pieds.
Les lampions, les chapeaux en papier, la
mini fête foraine : je me souviens de mes yeux qui brillaient d’envie à la
lecture de ces pages tout en sachant que tout ceci n’existait pas vraiment. A
mon époque, les anniversaires se résumaient à une part de gâteau Savane et un
verre de Pcshitt (oui, je suis née dans les années 70), ma mère travaillait et
nous réchauffait des plats cuisinés plutôt que des mets mijotés pendant des
heures. C’est pour toutes ces raisons que le monde de Martine me fascinait et
me rassurait en même temps.
Et c’est cette magie que j’ai eu envie de transmettre à ma
fille. Bien sûr, il y a bien des choses qui m’agacent aujourd’hui, comme cette
obsession de l’illustrateur pour les petites culottes. Ou cette manie de vouloir
astreindre Martine aux courses ou au ménage. Mais j’aime aussi constater que le
petit frère de Martine est systématiquement à ces côtés pour toutes ces tâches,
ce qui n’est pas toujours le cas dans nos livres d’aujourd’hui. Et que dire de
ces illustrations magnifiques, de ces détails de l’enfance si finement
capturés ?
De plus, Martine a évolué depuis les années 40 : elle
voyage en montgolfière et est même devenue une geek !
Voilà pourquoi je ne brûlerai pas les albums de Martine en
dépit de mes convictions féministes! Mais cela ne m’empêche pas de proposer à
mes enfants d’autres alternatives, que j’ai récapitulées ici et ici.
PS : Si vous
êtes fans de Martine, je vous déconseille l’exposition qui se tient
actuellement au musée en herbe. Bâclée, expédiée en 20 minutes, elle ne vaut
pas le coup.
Que celui qui jette la pierre à Martine arrête tout de suite les Disney hein (l' "entretien d'embauche" de Blanche-Neige chez les nains, un grand moment de féminisme). Ou les comédies romantiques. Ou même les Schtroumps (la création de la Schtroumpfette, tellement énorme que ça ne peut qu'être ironique à mon sens).
RépondreSupprimer(Mon fils était toujours fourré dans la buanderie étant petit, c'est lui qui a réclamé - et reçu son fer à repasser miniature, snobé par ses soeurs ;-))
Oh l'image de l'anniversaire de Martine, particulièrement celle des enfants autour du gâteau, ça me rappelle plein de souvenirs d'enfance. En plus, j'ai appris à lire avec Martine et Petzi, alors même si je suis féministe je ne vais pas enterrer Martine
RépondreSupprimerbonjour,
RépondreSupprimersi je peux me permettre, ca m'intrigue cette interdiction du mini fer a repasser, aspirateur et Cie ...
une raison a cela ?