Ca fait plusieurs semaines que je souhaitais traiter ici de
la problématique des femmes au foyer et du féminisme. A cause des réactions suscitées par mon
changement de situation professionnelle tout d’abord. Puis après être tombée
sur cet article. Je précise que je ne partage pas toutes les opinions des 2
auteures, notamment en ce qui concerne le partage des tâches. Je ne valide pas
non plus l’analyse psychologique de comptoir qui voudrait que les féministes
aient toutes « une haine de la mère ».
Mais l’article a le mérite de mettre le doigt sur la place
des femmes au foyer au sein du féminisme.
Quand j’ai vu qu’il a été relayé par un de mes contacts
Facebook, engagé dans la cause des femmes, accompagné du commentaire
« Texte pétainiste qui veut renvoyer les femmes à la cuisine », mon
sang n’a fait qu’un tour.
Est-ce qu’on peut arrêter 5 minutes de décider à la place
des femmes ce qui est bon pour elles ?
Est ce que le but du féminisme
n’est pas justement de laisser le choix à celles-ci plutôt que de constamment
juger leurs décisions?
Bien sûr, certaines femmes subissent le fait d’être une
mère au foyer mais pour certaines, il s’agit une décision éclairée et pas
forcément une conséquence de l’endoctrinement de leur mari machiste. Leur
refuser ce libre-arbitre est aussi condescendant à mon sens que d’estimer que
toutes les femmes voilées le sont contre leur gré. Ou qu’elles subissent une
oppression dont elles n’ont pas conscience.
Quelle prétention de croire que c’est à nous, féministes, de
les libérer malgré elles. Ou de décider de les exclure du mouvement comme le
déclarait Gisèle Halimi «Être une
femme au foyer reste un choix, et il est respectable, mais c'est un choix qui
n'est pas compatible avec la démarche de libération des femmes».
Non, le travail n’est pas forcément un épanouissement, une
libération. Allez dire ça à la femme de ménage qui récure des toilettes ou à
l’ouvrière qui travaille à la chaîne. La lutte pour le travail des femmes et
pour la parité des salaires est une longue bataille, nécessaire. Mais elle ne
doit pas pour autant nous empêcher de respecter celles qui ont décidé de faire
une pause ou d’arrêter leur carrière professionnelle.
Pourquoi dans ce cas-là, s’agit-il alors majoritairement de
femmes m’objectera-t-on ? Pourquoi peu d’hommes décident de devenir homme
au foyer si c’est si valorisant ?
Parce qu’en général les hommes sont mieux payés que les
femmes (oui c’est scandaleux et oui il faut lutter contre cela) : renoncer
à leur salaire mettrait en péril les finances du ménage. Et puis, dans notre
société patriarcale, il n’est pas bien vu pour un homme de partir tôt le soir
pour un rdv chez le pédiatre, pas plus qu’il n’est facilement admis qu’un homme
s’arrête de travailler pour s’occuper de ses enfants. Même s’il s’agit d’un
père particulièrement progressiste ou impliqué. Le conditionnement est
parfois tellement puissant qu’il ne s’autorisera lui-même pas même l’idée.
Ce qui m’attriste c’est que j’ai le sentiment que les pires
jugements viennent des femmes elles-mêmes. Le clan des working-girls toise de
haut celui des mères au foyer. Les mères qui travaillent n’ont de cesse de
démontrer qu’elles arrivent à tout faire, qu’elles ne sont pas des mères
indignes pour autant. Les mères au foyer n’ont de cesse de revendiquer le fait
qu’elles aussi ont une utilité et demandent à être payées. Et chacun des clans
juge l’autre partie pour se persuader qu’il est dans le vrai. Qu’il a fait le
bon choix.
Quand j’ai annoncé ma décision récente de mettre fin à mon
CDI, les réactions les moins empathiques sont venues de femmes. Entre celles
qui m’ont dit ne pas vouloir me voir tant que je n’aurais pas fait un point sur
ma vie professionnelle, celles qui m’ont dit « C’est drôle pour une
féministe », celle qui étaient ravies de déjeuner avec moi tant que
j’avais un boulot puis s’évaporent ensuite, la liste est longue. Ma copine
Sophie a d’ailleurs écrit un billet très drôle au sujet des réactions suscitées par sa décision.
Ces jugements perpétuels me font penser aux nombreuses
polémiques autour de l’allaitement, à la guerre entre celles qui donnent le
sein et celles qui préfèrent le biberon. Aux justifications perpétuelles de
toutes pour prouver finalement qu’elles sont des bonnes mères, indépendamment
de leur choix.
«L’allaitement est-il compatible avec le féminisme ? »
titrait encore cet article récemment.
Et si, ce qui était féministe finalement, c’était tout
simplement d’avoir le choix ?