Mon amie Célina m’a fait passer cet article : « Bad Buzz & Sexisme : Beaucoup de bruit pour rien ? » dans le but de me
faire réagir.
Mission accomplie, je rédige maintenant ce billet pour
répondre à ce post mais aussi aux nombreuses réactions négatives que j’affronte
dès lors que je décide de m’attaquer à une publicité sexiste.
Voici donc ma position sur le sujet, résumée en 4 points.
1°) « Les marques cherchent le buzz à travers ces campagnes et à faire parler d’elles à tout prix ».
Pour avoir travaillé une dizaine d’années dans un grand
groupe, je peux assurer que les marques qui possèdent une forte notoriété (BN,
Stabilo ou Bic par exemple) craignent davantage le buzz qu’elles ne le
cherchent. Leur discours est très cadré, maîtrisé, les mots et actions sont en théorie choisis avec soin pour ne pas
sortir des rails en terme de racisme ou de sexisme. Ces grandes marques n’ont
d’ailleurs pas besoin de la clameur des internautes sur les réseaux sociaux
pour se faire connaître. Pourtant, malgré ces précautions, il arrive que
celles-ci véhiculent des messages sexistes sans réellement s’en rendre compte.
Quand j’ai appelé Bic, Sanogyl ou encore la Société Générale dans le cadre d’un
de mes articles pour leur demander des explications au sujet du stylo pour
femmes, de la brosse à dents pour femme ou de la carte bleue « Journée de
la femme » j’ai bien compris qu’il n’y avait rien de prémédité là-dedans,
aucune intention de faire le buzz mais plutôt une volonté d’étouffer l’affaire. J’ai ressenti
de l’incompréhension, de l’incrédulité face aux clichés dénoncés : ces
gens du marketing avaient tellement la tête dans leurs produits, pensés en
terme de micro-niches ultra segmentées, qu’ils n’avaient même pas remarqué les
stéréotypes qu’ils pouvaient véhiculer. Preuve que ceux-ci sont profondément
ancrés. Il faut bien garder en tête qu’une marque à forte notoriété a beaucoup
à perdre en risquant de s’aliéner une partie de sa cible. Tout comme en laissant entendre qu’elle
véhicule des valeurs contraires à son image.
2°) « Les féministes leur font donc de la pub
indirectement et feraient mieux de les ignorer ».
Si une publicité m’a choquée, je revendique le droit de le
clamer haut et fort et de dénoncer la marque qui véhicule ces stéréotypes. Je
ne laisserai pas un homme qui ne subit pas le sexisme de la même manière que
moi, me silencier en me disant quoi faire. Tout comme je n’irai jamais dire à
un noir qu’il a tort de se sentir discriminé par une publicité qu’il juge
raciste.
Tant qu’on ne vit pas le sexisme au quotidien dans ce qu’il
implique d’inégalités, d’oppressions et d’injustice, on n’a pas le droit de
donner son avis sur la conduite à tenir.
3°)" Les féministes feraient mieux de…"
… parler des femmes violées/des femmes afghanes (ici
l’auteur nous demande de garder « notre énergie d’indignation pour
d’authentiques causes comme les violences faites aux femmes ou l’encore trop
lointaine parité homme-femme dans les entreprises et en matière de salaire »).
Encore un grand classique des critiques faites aux féministes exclusivement
formulées par des personnes qui ne militent pas par ailleurs. Ce type de
réaction sous-entend que les luttes s’annulent au lieu de s’additionner : pourtant,
pendant que des féministes dénoncent des publicités sexistes d’autres se
battent pour la parité des salaires, d’autres
encore soutiennent les femmes victimes de violence (parfois ce sont les
mêmes qui mènent ces 3 combats à la fois). Il n’y a pas de petites luttes et
pas de hiérarchisation à établir, surtout quand celle-ci est déterminée par un
homme qui ne subit pas ces inégalités. Affirmer « Les féministes ne
devraient pas s’attaquer aux publicités sexistes car cela ne résoudra pas les
inégalités de salaire » est aussi stupide que d’affirmer « Je ne
donne pas 1€ au SDF en bas de l’immeuble car ça ne résoudra pas la faim dans le
monde ». Et puis, il est tellement facile et confortable de se dire que le
vilain sexiste c’est l’autre, l’afghan, le syrien…
4°) « Tout ça ce n’est que de la publicité, y a pas
mort d’homme »
Nous sommes exposés chaque jour à environ 1 200 à 2 200
publicités, des publicités dont nous n’avons souvent parfois pas même le
souvenir. Pourtant, comme nous l’explique cet article, la majorité
de ces stimuli publicitaires auxquels nous prêtons si peu d’attention et dont nous
sommes le plus souvent incapables de nous rappeler consciemment, vont laisser
des traces mémorielles « implicites », non conscientes, dans notre
cerveau. « Différentes expériences scientifiques ont démontré que nos
choix et préférences sont influencés inconsciemment. Le simple fait de voir une
marque à plusieurs reprises nous fait préférer cette marque d’autant plus que l’exposition
est inconsciente (effet de simple exposition), la répétition étant, vous l’avez
compris, un des secrets publicitaires ! De même, une marque associée à un
stimulus plaisant (une jolie fille, un beau paysage…) peut être jugée comme
plus positive que vous soyez ou non conscient de cette association et surtout
de son effet (conditionnement affectif et évaluatif).
Ce phénomène de mémorisation sans conscience d’avoir
mémorisé est proche de celui médiatiquement plus connu des « messages
subliminaux » diffusés en dessous du seuil de la conscience (flash très
rapide de l’ordre de 30 à 100 millisecondes). Un nombre élevé d’indices laisse
penser qu’ils ont un effet réel. »
Dans l’ouvrage « contre les
publicités sexistes », les auteures expliquent : « L’anthropologue
des images W.J.T Mitchell affirme qu’il faut considérer les images non comme
des objets mais comme des agents qui vont avoir un effet sur notre conscience.
Et l’un des effets des images publicitaires est de nous « faire
croire » ».
Femmes futiles, bavardes, idiotes ou naturellement douées
pour le ménage : les stéréotypes féminins égrenés au fil des spots sont
donc loin d’être anodins…Et la publicité agit ici comme une véritable
propagande.
Pas étonnant dans ce contexte que 91% des femmes se disent incomprises par les publicitaires...
D'où l'intérêt de réagir, encore et toujours aux publicités sexistes, pour peu à peu faire bouger les lignes.
Beaucoup de bruit pour quelque chose!
Je suis de plus en plus agacée d'entendre dire qu'il y a des combats plus importants à mener. Lutter contre les préjugés sexistes dans la publicité, c'est un combat très important!
RépondreSupprimerça me rappelle une discussion avec une jeune maman l'autre jour : cette maman a des jumeaux, une fille et un garçon, et elle me disait que sa fille allait naturellement vers les jeux dits de filles (poupées, ménage, dînette...) et son fils préférait les jeux dits de garçons (ballon, voiture...) alors que chez eux, les taches ménagères étaient équitablement répartis.... Alors, ces préférences sont peut-être bien innées ?
RépondreSupprimerLà, je lui ai demandé si les enfants regardaient la télé, allaient souvent chez leurs grand parents, ou chez des gens qui partageaient les taches ménagères moins facilement....
Et oui, finalement, on a beau être des parents modèles sur ce sujet, il y a tellement de facteurs extérieurs que même en rejetant tous les clichés sexistes à la maison, ils reviennent par la fenêtre.... tant que ces préjugés seront distillés à heure de grande écoutes, nos enfants y seront soumis et les intégreront !
Les personnes qui s'en énervent sont celles qui n'y sont pas confrontées directement....
Vu ce genre de choses ici aussi :
RépondreSupprimerhttp://www.gameblog.fr/news/38820-quand-le-huffington-post-accuse-le-jeu-video-de-renforcer-la
Et l'article (dont la rédaction du site de JV n'a meme pas pris soin de réagir) :
http://www.madmoizelle.com/gameblog-culture-du-viol-206880
bonjour
RépondreSupprimerj'ai un peu de mal avec le point 1 : j'ai du mal à croire que tout au long du processus de création, qui prend des semaines (des mois ?) et dont les projets passent dans beaucoup de mains, que personne, à aucun moment ne dise "euh, ça serait pas sexiste ce projet là ?"
Je n'ai au contraire aucun mal à croire que ce soit possible. Je ne compte plus le nombre de fois où j'échoue à démontrer à quelqu'un que tel ou tel autre chose est sexiste. C'est tellement incrusté qu'on y devient aveugle à moins d'avoir une réelle démarche intellectuelle (y réfléchir, quoi).
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