Aujourd'hui, je suis ravie de recevoir Sarah Sauquet dans la rubrique "Elles osent! Entreprendre au féminin".
Sarah est la créatrice d'"Un texte, Un jour", une application qui m'enthousiasme à double titre car à la croisée de la littérature et des nouvelles technologies.
Je vous laisse la découvrir!
Bonjour Sarah,
peux-tu nous présenter ton application « Un texte Un jour » ?
Comment est né ce projet ?
L’application
« Un texte Un jour » est née il y
a un an ½ maintenant (l’application est sortie pour la première fois sur IOS le
26 octobre 2012 et est également disponible sur Android
, et elle résulte d’une collaboration entre une mère ingénieur-développeur, et
sa fille, professeur de lettres.
L’application
fonctionne selon un principe simple : proposer, chaque jour, un texte de
la littérature française classique d’une quinzaine de lignes. Ce texte est
commenté, introduit, accompagné d’une biographie de l’auteur, et de jeux
littéraires pour pouvoir tester ses connaissances. Le but ? Proposer un
accès à la fois ludique, moderne et exigeant à la littérature classique, un peu
trop délaissée à mon goût…
Ce
projet est né d’une volonté de travailler avec ma mère (nous sommes très
complémentaires et souhaitions unir nos compétences autour d’un projet commun)
et suite à un constat. En tant que professeur de lettres en lycée, je perçois
chaque jour combien il est de plus en plus difficile de faire lire les élèves,
et combien il leur est facile de lire sur un support numérique. C’est en en
parlant avec ma mère que nous avons eu l’idée de proposer un outil proposant
non pas des œuvres dans leur intégralité, mais de courts textes expliqués.
Nous
avons depuis sorti deux autres applications, « Un Poème Un Jour »
(toujours sur IOS et Android) consacrée à la poésie, et « A
text A day », également sur IOS et Android, une application entièrement en anglais,
consacrée à la littérature anglo-saxonne, à laquelle un professeur d’anglais a
contribué.
Quelle est la
typologie des utilisateurs de cette application (âge, sexe) ? Quels sont,
à ce jour, les résultats obtenus ?
Si
l’application a d’abord été pensée et conçue comme un outil pédagogique (tous
les textes et commentaires sont en parfaite conformité avec les programmes
scolaires officiels), les utilisateurs
sont à 80% des adultes lettrés, hommes et femmes confondues. Je dirais que la
moyenne d’âge est autour de quarante ans mais l’application est également
utilisée par des étudiants qui s’en servent
pour réviser leurs partiels et consolider leur culture générale.
Au
niveau des résultats, l’application a donc un an ½ d’existence aujourd’hui et
nous rencontrons un beau succès d’estime. Nous sommes n°1 sur l’Appstore
français sur le mot-clé littérature depuis janvier, après avoir été n°2 pendant
dix mois et l’application est utilisée entre 1200 et 1500 fois par jour
aujourd’hui. Sachant que nous ne sommes que deux sur ce projet (ma mère
s’occupe de toute la partie technique, moi du contenu et de la communication),
nous sommes assez fières !
Nous
n’avons en revanche pas encore trouvé notre modèle économique, et sommes en
pleine réflexion à ce sujet. Nous cherchons d’ailleurs des investisseurs.
Étant
professeur, je rencontre des adolescents déjà conditionnés par toute une
éducation, une culture, une scolarité et il m’est difficile de répondre à cette
question. Ce qui est sûr, et que je constate chaque jour, c’est qu’il est plus
difficile pour un adolescent que pour une adolescente de lire, de rentrer dans
un texte littéraire, parce que les garçons arrivent plus facilement avec des
préjugés. Est-ce lié à la façon dont on leur présente les œuvres, est-ce à
cause des raccourcis que nous devons faire ?... Parce que pour moi, il est
indéniable, quitte à en faire hurler beaucoup, que la littérature classique (et
je ne parle absolument pas de la littérature contemporaine, qui fait vraiment
bouger les choses), par ses thèmes, par une certaine lenteur, par un aspect
désuet ou suranné, parle davantage aux femmes, relève davantage du féminin que du
masculin.
Après,
je pense vraiment, encore une fois, que nous devons faire très attention aux
œuvres que nous faisons étudier et à la façon dont nous en parlons. Prenons Madame Bovary par exemple. De façon
raccourcie, Madame Bovary peut être
vu comme l’histoire d’une fille naïve qui tombe amoureuse, se marie, a un
enfant, devient malheureuse et s’ennuie. Des problématiques a priori plutôt
féminines ! Mais Madame Bovary, c’est
également une satire féroce de la bourgeoisie, des rapports amoureux, de la
lâcheté masculine, ainsi qu’une réflexion sur le choix et sur l’argent et un
véritable manuel sur la façon de quitter une femme ! C’est énorme Madame Bovary, et je suis sûre qu’en le
présentant de la bonne façon, en trouvant les mots justes, les garçons se
mettront davantage à lire.
En
tout cas quand je choisis des œuvres à leur faire lire, j’essaie vraiment de
choisir des œuvres assez universelles pour parler à tous, sexe confondus. J’ai
ainsi eu des garçons fascinés par Le
Portrait de Dorian Gray ou par Rebecca,
parce que ces livres avaient touché leur sensibilité.
Tu as récemment fait
une présentation remarquée au TedXce Women : qu’est ce que cet événement a
changé pour toi ?
Cet
événement a changé énormément de choses et sera à marquer d’une pierre
blanche ! Tout d’abord, c’était une formidable expérience : j’ai
rencontré des personnes hors du commun (au sein de l’équipe d’organisateurs
comme parmi les intervenantes), j’ai été coachée, préparée, accompagnée, avant
et après l’événement comme jamais. J’étais enchantée de pouvoir faire mon talk et les retombées
ont été très importantes, puisque le TEDxce Women a apporté à mon projet la
visibilité médiatique qui lui manquait.
Ce fut
pour moi une expérience extrêmement positive, et l’aventure continue
aujourd’hui puisque j’ai le grand privilège de faire partie de l’équipe
organisatrice de la session 2014.
Penses-tu que ce
genre d’événement dédié aux femmes soit nécessaire ?
Je pense que tous les événements mettant en lumière les
femmes sont les bienvenus. Ce qui me
semble nécessaire et important, c’est que ces événements mettant en scène des
femmes ne soient pas centrés sur des sujets dits « féminins ». Je
trouve par exemple très bien que des
événements soient consacrés aux femmes dans le digital, parce que je sais que
les femmes ingénieures, développeuses, rencontrent des freins dans leur parcours.
En tant que femme,
quels ont été les freins et les aides rencontrés au moment du lancement de ton
application ? As-tu été bien accueillie par le milieu du numérique ?
Etant
essentiellement chargée du contenu, et de la communication de l’application, je
n’ai rencontré aucun frein en tant que femme, la littérature et la communication
étant des domaines que l’on considère
plutôt comme l’apanage des femmes. De
plus, je crois pouvoir dire que le fait d’avoir créé une application
« entre femmes » et en famille s’est révélé un réel atout au moment
du lancement. Le public était à la fois séduit par le contenu de l’application
(une application dédiée à la littérature n’est pas si fréquente…) et par l’histoire du projet.
Je
me sens extrêmement bien accueillie par le milieu du numérique, peut-être grâce
à l’originalité de nos produits.
Quels conseils
donnerais-tu aux femmes qui souhaiteraient se lancer ?
Ayant
grandi dans un milieu relativement privilégié, je trouve difficile de
conseiller aux femmes de croire en leur rêve ou de se donner les moyens de
rêver, puisque de nombreuses conditions étaient chez moi réunies pour me
lancer. En revanche, de manière plus précise, j’aimerais leur dire que si elles
ont un projet bien précis, qu’elles tentent de le réaliser avec constance,
cœur, générosité et bonté, car ces valeurs finissent selon moi toujours par
être récompensées, d’une façon ou d’une autre.
« Un texte, un jour » est aussi une histoire familiale puisque ta sœur et ta mère font partie de l’aventure. Ca change quoi de travailler en famille ?
Une
de mes deux sœurs, Justine, nous a effectivement rejointes et travaille
désormais à plein temps avec ma mère, au sein de la société Dynseo. Pour ma part, je trouve cela
extrêmement amusant et stimulant. Nous avons la chance d’être vraiment très
complémentaires et c’est un atout. Nous
avons également une grande liberté de parole, nous allons très vite et en cas
de coup durs nous savons mieux que quiconque nous soutenir. Ce trio constitue une grande fierté, une
originalité certaine à mettre en avant. J’ignore si cette association sera
pérenne sur le long terme (aurons-nous des velléités d’indépendance, de passer
à autre chose ?), mais l’aventure est en tout cas pleinement positive.
Quelles sont les femmes, célèbres ou non, qui ont pu t’inspirer ou ont eu valeur d’exemple ?
Etant
très cinéphile, je suis extrêmement touchée par quelques grandes actrices qui
m’émeuvent, m’inspirent, dont le parcours, que je connais par cœur, me
touche ; je pense notamment à Françoise Dorléac et Romy Schneider.
Sur
un plan plus professionnel, je suis très admirative de la journaliste
Alessandra Sublet, qui semble conjuguer humanité, bonté et professionnalisme
avec un succès certain.
J’ai enfin eu la chance d’assister à une rapide intervention
d’Isabelle Zammit , présidente de Harley Davidson France, lors de la Journée de la Femme digitale
du 7 mars 2014. Son intelligence et son discours sur la façon dont le digital
l’avait aidé à changer l’image d’Harley Davidson auprès des femmes m’ont
passionnée.
Quelles seront les
évolutions d’ « Un texte, un jour » dans le futur ?
Tout
d’abord, nous avons deux autres applications en préparation, toujours dans
l’idée d’offrir des applications liées à l’art et à la culture.
Concernant
« Un texte Un jour », nous prévoyons l’ajout de textes (nous tournons
pour l’instant sur une base de données d’un an), de commentaires sur ces
textes. Nous souhaiterions enfin développer l’interaction avec les
utilisateurs.
Bonjour,
RépondreSupprimerC'est avec bonheur que je lis cette interview. Je fais partie des amoureux de la Littérature et ce billet me donne le sourire. Quelle belle idée, quelle belle aventure...
Bien évidemment, je viens d'aller regarder la vidéo où Sarah Sauquet présente ce beau travail : un moment enthousiasmant ! Évidemment, je vais aller rapidement regarder cette application sur tablette.
Bonne route à Sarah, à sa Maman et à sa sœur,
Excellente journée,
Nathalie