La semaine dernière, je suis tombée dans le métro sur cette
campagne d’affichage pour le site « Vide-dressing.com » : on
pouvait y voir 2 femmes se toisant d’un regard envieux, une debout, l’autre
assise.
« Ne soyez plus jalouse des affaires des autres. Achetez-les » ordonnait l’accroche.
Tiens donc, l’éternel cliché de la jalousie féminine, c’est
fou ce que les publicitaires sont créatifs.
Un petit retour en arrière nous confirme rapidement cette
sensation de déjà-vu : c’est établi, les publicités regorgent de femmes
jalouses, rivales et médisantes.
Démonstration en quelques exemples :
Publicité de 1996 pour le jeu Keno mettant en scène 2 collègues
critiquant le physique d’une troisième à la machine à café.
Publicité de 2000 pour WWF entertainment au cours de
laquelle un concours de beauté tourne au combat de catch.
Affiche de 2006 annonçant un tournoi de Scrabble.
Le dessin représente une blonde et une brune à terre, en train de se battre, des ciseaux à la main. D’après le score, la blonde a gagné la partie d’où l’accroche « Au Scrabble, tout est possible ».
Le dessin représente une blonde et une brune à terre, en train de se battre, des ciseaux à la main. D’après le score, la blonde a gagné la partie d’où l’accroche « Au Scrabble, tout est possible ».
Publicité de 2007 pour Quiznos. Une femme sur un banc
déguste un sandwich. Une autre, assise à côté d’elle lui lance un regard plein
d’envie et de haine avant de lui asséner : « Je te déteste ».
Publicité de 2009 pour Orangina. Pour la marque, les femmes
sont des hyènes entre elles, de vraies garces, qui ricanent de leurs pairs sans
aucune culpabilité.
Publicité de 2012 pour la marque de tampons Libra. Le spot met
en scène une pseudo-rivalité entre une « vraie » femme qui a la
chance de porter un tampon et une transsexuelle.
Publicité de 2013 pour la marque de produits solaires Hawaiian Tropic. Ici, l’ennemi ce n’est pas le soleil mais la jalousie des autres femmes. Et pour matérialiser ce bon vieux cliché, « boudin » « pouffe » « silicone » et autres gentillesses s’inscrivent ainsi sous forme de lettres de fumées au passage de la jeune fille mise en scène dans le spot.
Mais d’où vient cette croyance tenace que la femme est
forcément une ennemie pour la femme ?
« On tient pour acquis, à tort, que les femmes sont
rivales » explique
Lori Saint-Martin, professeure en études littéraires à l’UQAM et attachée
de l’Institut de recherche et d’études féministes (IREF). « C’est un
stéréotype culturel très ancré. À cause de la domination masculine, il y avait
une volonté de diviser les femmes pour les empêcher de former un groupe et de
revendiquer des droits. Il y a aussi le fait qu’historiquement, quand la seule
façon d’avoir une bonne situation était de trouver un bon mari, les femmes
étaient rivales, car elles voulaient toutes avoir le mari le plus riche, le
plus beau et le plus apte à leur offrir une bonne vie. Oui, de ce point de vue,
elles étaient rivales »,
Elle déplore le fait qu’on ne se pose que rarement la
question au sujet des hommes. « C’est très significatif. On a voulu
cantonner les femmes dans la discorde. Pourquoi le mot ‟compétition” pour les
hommes et ‟rivalité” pour les femmes ? On veut faire mal paraître les
rapports des femmes entre elles », estime Lori Saint-Martin.
Pourquoi donc la publicité continue-t-elle à perpétuer ces
clichés d’un autre âge ? Pour les auteures de l’ouvrage « Contre les
publicités sexistes » « les publicitaires cherchent à être efficaces
pour mieux marquer nos esprits. Pour cela, leurs concepteurs s’appuient sur des
codes préexistants qui vont toucher immédiatement le public. Ils recyclent donc
les stéréotypes, mais, ce faisant, ils donnent une ampleur et une portée
inédites aux idées qu’ils contiennent : « les femmes et les hommes
sont inégaux par nature » par exemple ou « il n’existe qu’un horizon
sentimental et sexuel : l’hétérosexualité ». En exploitant ces
stéréotypes, la publicité les propage et les renforce ».
Dans ce contexte, pas étonnant que 91% des
femmes se disent incomprises par les publicitaires…
Joli, la pub du Scrabble...
RépondreSupprimerJe me souviens aussi d'une publicité de voiture d'il y a quelques années. On y voyait deux femmes porter la même robe, ciel quelle horreur ! suivies de deux hommes sortant chacun de leur voiture (même modèle) et se complimentant l'un l'autre sur leur bon goût. Mais je dois avouer ne pas me rappeler s'il y avait d'autres exemples de jalousie avec d'autres personnages...
Ah oui ça me dit quelque chose cette pub, faudrait que je la retrouve!
SupprimerBon, malgré un tour sur Culture pub, je n'arrive pas à la retrouver... en même temps, j'ai vu il y a quelques jours une pub de voiture qui m'a fait dire "aah, enfin une pub qui ne fait pas de différence homme/femme" et j'ai déjà oublié la marque...
SupprimerEn revanche avec une recherche Jalousie/Voiture, j'ai trouvé celle-ci, encore et toujours la rivalité physique (point bonus minces vs rondes en plus). Ils enlevaient la dernière image avec les armes et on avait au moins une (petite) réflexion sur les codes ultrarigides du mannequinat, mais non...
http://www.culturepub.fr/videos/renault-twingo-elite-les-mannequins-1-2
Moi j'en ai, j'en veux pour preuve la pub hilarante (mais un peu sanglante) produite pour une marque de jeans, sur le modèle d'American Psycho, où on voit des hipster jouer aux coqs entre eux:
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=IpHU6TkqWjs
Moi je trouve que la jalousie est effectivement un ressort comique dans une pub qui fonctionne très bien,et que c'est dommage de ne l'utiliser que pour les femmes. Mais on ne peut pas non plus nier que ça existe chez les deux sexes et que ça crée souvent des situations rigolotes.
Ok, être une femme ne veut pas forcément dire être jalouse, mais ça ne veut pas dire en être exempte non plus. On a bien le droit d'avoir des défauts aussi! Parce qu'on voit souvent des pubs avec des hommes qui font des blagues pourries par exemple, comme si les femmes avaient toutes un sens de l'humour subtil (moi, par pur exemple)! Partageons nos défauts à l'écran comme nous le faisons vraiment dans la vie!
Merci pour ce très pertinent article, je partage :-)
RépondreSupprimerben wouai
RépondreSupprimerle gros problème c'est ce qui est indiqué par cette citation "Ils recyclent donc les stéréotypes, mais, ce faisant, ils donnent une ampleur et une portée inédites aux idées qu’ils contiennent"
ils ont un pouvoir NOCIF fantastique. les stéréotypies existent partout. mais dans une société où les relations se font de proche en proche, au niveau des individus et des groupes, il n'y a pas d'autres véhicules que ceux des relations directes, qui se pondèrent mutuellement de part l'impact du principe de réalité induisant aussi la nécessité de négocier dans les gestes d'échanges réels avec la personne présente.
quand survient un véhicule omni-présent et surajouté comme référence sémantique, donc ayant un pouvoir symbolique supérieur aux relations inter-individuelles et inter-groupes, ces relations réelles sont écrasées par le pouvoir de référence virtuelle : les relations ne sont plus pondérées, nuancées, par les négociations pratiques réelles. il n'y a plus d'économie du désir, économie au sens de régulations pondérées entre les instances psychiques pulsionnelles et réalistes. l'individu retourne au ça, à son pouvoir. il redevient pulsionnel. il se désindividualise.
ce qui est d'autant plus grave, c'est que cette désindividuation, se fait sous la domination du modèle masculin qui retourne lui-même à ses fondations pulsionnelles et fantasmagorique : les modèles masculins et féminins véhiculés et inducteurs sur les références psychologiques des individus, par ces publicités, sont des stéréotypies, non plus sociales, mais fantasmagoriques d'un certain modèle masculin, lui-même radicalement réducteur de la masculinité et donc tout autant voir plus encore irréalistement réducteur de toute féminité.
ces modèles développe de la folie, au sens ancien, c'est à dire de perte de sens commun, de sens réaliste, de reconnaissance de la réalité de l'autre.
Ils véhiculent une image de la société et avec des pseudo généralités et autre banalité, et contribue a renforcé de vieux stéréotype .
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