Depuis quelques mois, j’ai senti un changement de mentalité s’opérer progressivement : loin d’être un gros mot, le féminisme semble être devenu bankable pour les marques.
On a d’abord pu constater la multiplication de magazines
féministes : après Causette, sont venus Bridget, Babette, Louise et
autres, preuve que le créneau était porteur.
Puis, on a vu apparaître plus récemment, l’utilisation par
les marques des thématiques féministes : il y a eu les portraits de Dove puis l’efficace campagne de Pantène sur les doubles standards de genre.
Aujourd’hui c’est Always qui lance une vidéo très forte et
extrêmement pertinente intitulée #likeagirl
Ce film de 3 minutes met en scène des jeunes adultes et des enfants à qui l’on demande de « courir comme une fille » « lancer comme une fille » ou « se battre comme une fille ». Dans le cas des adultes ou des adolescents, ces 3 actions sont immédiatement caricaturées : faire quelque chose « comme une fille » c’est forcément le faire mal, à grand renfort de mimiques et de moulinets de bras ridicules. Pour les petites filles en revanche, courir comme une fille c’est courir le plus vite possible, lancer le plus loin et se battre avec le plus de conviction possible. A quel moment « faire quelque chose comme une fille » est devenu négatif interroge à juste titre la vidéo ?
Le film, extrêmement bien ficelé, pose une question cruciale
et marque les esprits bien plus qu’un long discours. Il démontre habilement la
force implacable des préjugés et la façon dont ils s’installent progressivement
avec le temps. Il met à la fois les larmes aux yeux et la rage au ventre.
J’entends déjà certaines voix ricaner « Ah ah, ils vont
bien eues les publicitaires mesdames les féministes hein ». Ne nous
voilons pas la face : l’objectif de ce spot est de nous vendre un produit,
aucune intention philanthropique là-dessous. Néanmoins, il est la preuve d’un
changement notoire de mentalité : n’oublions pas qu’il y a quelques mois
encore, Always nous vendait des serviettes hygiéniques parfumées, sous-entendant que nos règles étaient malodorantes
ou sales. Si aujourd’hui, la marque utilise la rhétorique féministe, ce n’est
certainement pas par humanisme désintéressé mais parce qu’elle a sans doute
intégré que le féminisme faisait mieux vendre aujourd’hui que le sexisme. Et
c’est en soi une sacrée bonne nouvelle.
Bien sûr, on peut s’interroger sur la cohérence de la
démarche, Always appartenant au groupe Procter et Gamble, celui-là même qui nous avait gratifié d'un spot larmoyant sur la mère sacrificielle à l'occasion des jeux olympiques.
Mais si le film peut conduire, ne serait-ce qu’une seule
personne, à se poser des questions salutaires, à déconstruire ses préjugés ou à
avoir envie de changer les choses alors le but aura été atteint.
Always évite soigneusement de le mentionner mais cette déconsidération
des filles et des femmes vient notamment des publicités au sein desquelles
elles sont souvent décrites comme fragiles, inconstantes ou futiles. Changer
les publicités c’est indirectement changer le monde. Et c’est loin d’être un
point de détail.