Le féminisme est devenu bankable. Mais pas n’importe
lequel : le féminisme doit être glamour et surtout « enjoué »
selon les mots de Karl Lagerfeld qui n’a pas hésité à récupérer le mouvement de
la façon la plus cynique qui soit en transformant un défilé de mode en fausse
manif.
Des mannequins habillées en Chanel de pied en cap ont ainsi défilé en
brandissant des pancartes vides de sens telles que « Make fashion not
war » « Free freedom » ou « Be different ».
Ne
manquait plus que « La guerre c’est moche » « Non à l’hypocrisie »
ou « Vive l’amour » pour compléter cette liste de slogans percutants. Mais ce qui rend la
récupération encore plus flagrante, ce sont les propos sexistes et grossophobes
que Karl Lagerfeld n’a cessé de tenir au sujet des femmes. « La chanteuse
Adèle est un peu trop grosse » « La mode que je créée
est mince et faite pour les personnes minces. Un corps se doit d’être
impeccable ... Si ce n'est pas le cas, acheter des petites tailles et manger
moins » « Personne ne veut voir des femmes rondes dans la mode ».
Et pour finir : « Coco Chanel n’était pas féministe car pas assez
moche ».
Après ce faux défilé féministe destiné
à vendre des vêtements de luxe, on pensait avoir tout vu question récupération
du mouvement. C’était sans compter la dernière initiative du magazine
« Elle UK » qui a décidé de vendre des t-shirts et accessoires
de mode estampillés « This is what a feminist looks like ».
Une habile
façon de surfer sur la vague du feminism-washing tout en se rachetant une bonne
conscience à peu de frais. Question bénéfices, l’intégralité des gains sera
reversé à Fawcett Society, une organisation qui lutte en faveur de l’égalité
homme/femme. Les bénéfices en terme d’image pour le magazine, en revanche, ne
sont pas immédiatement quantifiables en espèces sonnantes et trébuchantes mais
n’en sont pas moins importants.
Pensez : vendre pendant des années aux
femmes de l’insatisfaction au sujet de leur physique pour ensuite leur fourguer
les produits de leurs annonceurs. Les assommer d’injonctions contradictoires
pour mieux les contrôler. Les prendre pour des dindes écervelées en remplaçant
au fil du temps les sujets de fonds par des publi-reportages déguisés. Et
effacer tout cela d’un coup de baguette magique en vendant des produits dérivés
estampillés féministes.
Une jolie imposture et une belle
tentative de coup marketing. Un peu comme si le journal « Valeurs
Actuelles » se mettait à vendre des t-shirts sérigraphiés « Voilà à
quoi ressemble un anti-raciste » pour se racheter une virginité.
Alors que les magazines deviennent des
magasins, pour reprendre le titre de cet
article des Inrocks, les lectrices se détournent massivement de la presse
féminine et les ventes sont en berne.
Croire que leur fourguer des t-shirts
féministes ripolinera l’image de leur support est encore une énième façon de
prendre les femmes pour des dindes. Pas sûr que cela continue à marcher
longtemps...