Quand Charlotte Pudlowski interrogeait pour
Slate en 2009 une spécialiste de la
mode au sujet de la taille idéale de la jupe, celle-ci l’affirmait : «Il n'y a plus de taille idéale. Jusque dans
les années 60 et 70, la longueur d'une jupe était capitale: à l'ouverture des
saisons, les couturiers décidaient du nombre de centimètres qui devraient
recouvrir les jambes féminines, et tout le monde suivait ces codes. Ne pas les
suivre, c'était donner un message idéologique, social». Aujourd'hui, on
peut porter du court comme du long (du très court comme du très long). Il peut
y avoir des tendances, mais il y a tellement de couturiers lançant tellement de
directions différentes que plus rien ne domine. ».
Etrange comme cette norme, définie
initialement par les couturiers, semble s’être déplacée plutôt qu’avoir
disparu. Car aujourd’hui, porter une jupe reste toujours un message politique
et selon sa longueur vous serez soit une salope soit une intégriste.
En 2009, le lycée public
Geoffroy-Saint-Hilaire d'Etampes, dans l'Essonne, interdisait ainsi jupes au dessus
du genou et bermudas. « Seules les
filles ont été réprimandées » affirmait une élève dans Le Parisien. « Et pourtant personne ne met
de minijupe moulante!» Selon le quotidien, pas moins d'une cinquantaine de
cartes de lycéen avaient été confisquées à l’époque.
Plus récemment, une jeune fille de confession musulmane a été renvoyée de son collège les
16 et 25 avril derniers à cause d’une jupe jugée trop longue.
Contrairement aux années 70, ce ne sont
donc plus les couturiers qui définissent la longueur idéale mais une police
encore plus impitoyable (on parle même sans ciller de « fashion
police) : les femmes elles-mêmes.
J’avais déjà épinglé ici Frédérique Trou-Roy, directrice artistique de Manoush qui
dispensait ses bons conseils dans Grazia au sujet du port de la jupe après 40
ans : « Je suis totalement contre cette pièce, réservée aux jeunes
filles androgynes, passé la quarantaine ».« Le seul endroit
où je la trouve acceptable c’est sur la plage avec un maillot et des tongs. Il
existe aussi une tolérance pour les Américaines qui n’ont pas les mêmes codes
que nous. On n’y peut rien, c’est culturel. Sinon, pourquoi une telle
levée de bouclier ? Tout simplement parce que le genou est une des parties
du corps qui vieillit le plus mal. Même avec un collant opaque c’est
intolérable. Il n’y a guère que Cameron Diaz qui devrait en porter. Mais elle,
elle a le droit c’est une américaine ».
IN-TO-LE-RABLE
on vous dit.
Quand on pose la même question à la prêtresse
auto-proclamée du bon goût, j’ai nommé
Cristina Cordula, le verdict est là encore sans appel : « A partir
d’un certain âge, évitez les jupes trop courtes, ce n’est pas chic ».
Compris ma chérie ? Ca n’est pas magnifaïque du tout !
Ok, donc il vaut mieux opter pour une
jupe longue si je vous suis ? Là encore, tout faux, grave infraction au
code la mode et interpellation immédiate
par la fashion police.
Grâce à Caroline de Haas, je découvre cet article de Carine Bizet,
journaliste au Monde. Elle nous y explique
doctement que si l’on a échoué au régime de l’année malheur à nous car notre silhouette
s’apparentera désormais à celle d'un« phoque/baleineau » (coucou la grossophobie).
Par conséquent, même la jupe longue, « ce cache-misère lipidique », ne
pourra rien pour nos « chevilles joufflues » et notre
« cellulite ». Autre mauvaise surprise d’après la journaliste
: "cette jupe ne cache pas tant que cela en fait. Quand vous trottinez
avec vos sandales plates, de dos que voit-on ? Un rectangle mou qui avance à la
verticale. Enfin, sachez que si vous vous asseyez, oui, on va les voir,
ces chevilles et ces mollets mal épilés."
Heureusement, la journaliste a la
solution pour nous les femmes qui dépassons la taille 36 : « Et si on
retentait le jus de céleri-choux-concombre ? ». Sans régime, point de salut (et point de jupe longue).
On a rarement lu en quelques lignes
autant d’injonctions et d’incitations à a détestation de soi en dehors d’un
magazine féminin.
Pendant ce temps là, alors que les femmes apprennent consciencieusement
leur leçon de body-shaming avant la plage, ces messieurs sont complimentés au sujet de leur ventre rebondi, symbole absolu de sex-appeal. Double
standard quand tu nous tiens…
Edit : la blogueuse Egalimère en a également fait un billet à lire ici
La rédaction de M, le magazine du Monde a répondu sous son billet : la chronique était humoristique et pas sexiste et nous n'avons pas compris le ton "pince sans rire". Scoop, l'humour peut être sexiste.
La rédaction de M, le magazine du Monde a répondu sous son billet : la chronique était humoristique et pas sexiste et nous n'avons pas compris le ton "pince sans rire". Scoop, l'humour peut être sexiste.
*choquée* *choquée* *choquée*... s'en va en Birmanie, élever des phoque extra maigre...
RépondreSupprimerMais ou on va! Bon encore dire d'éviter les jupe si on a des genoux mal vieilli. C'est comme cacher ses bras après un certain âge, etc. Déjà, homme/femme, c'est le même combat.Puis ca dépendra fortement du mode de vie de la personne. Mais enfin comme tout, cela doit resté subjectif, et ne pas devenir une règle.
Bisous!
Oui sauf que ça reste culturel : on ne demande nulle part à un homme de cacher ses genoux ou ses bras pourtant ils vieillissent aussi!
RépondreSupprimerConcernant le torchon de Carine Bizet, je suis toujours consternée quand c'est en plus une femme qui écrit des articles misogynes...
RépondreSupprimerBref, le Monde tombe bien bas.
J'avoue. Je ne comprends pas. Il y a vraiment un débat, un discours, que sais-je, à propos des longueurs de jupe de votre côté?
RépondreSupprimerJ'ai beau fréquenter régulièrement les Américaines, leur port de jupe d'une longueur ou d'une autre ne me semble pas "culturelle", enfin, pas plus qu'ici.
Certes, il y a des règlements dans les écoles et dans le milieu de travail pour une tenue "décente", ce qui exclue le port de mini-jupes... mais aussi de bretelles spaghetti, de shorts, de tongs et de décolletés trop profonds (mais dans les 3 derniers cas, on vise autant les homme que les femmes), rien de plus.
On porte des jupes..... aussi longues ou aussi courtes qu'on le souhaite, plutôt en suivant la mode - si on la suit - ou en choisissant ce qui nous sied mieux, si on est élégante... ou... comme on veut, si on se fiche des deux. Tous les cas de figure existent et personne n'en fait un fromage, ni un article... ni un film (je n'en reviens toujours pas du sujet du film, là, avec Adjani, dites-moi que c'est une blague).
Quand je feuillette les magazines "féminins" allemands je vois très peu de consignes aussi sectaires.
RépondreSupprimerLes femmes allemandes aiment être soignées, coquettes et élégantes selon leurs moyens financiers mais les diktats(!) me semblent beaucoup plus rares.
Même les mannequins qui vantent des marques comme nivéa sont moins ados, peu androgynes.
Perso en Belgique je porte des jupes comme il me plaît, et ça ne choque personne.
Christina Cordula je l'ai découverte chez Ruquier...
A qui et à quoi servent ses conseils ?