Récemment, j'avais évoqué ici le marketing du mensonge : la nouvelle stratégie de communication des marques pour faire parler d'elles, quitte à tromper les médias et les consommateurs (Nana et son fake, le "Shredpad" ou déchiqueteuse de serviettes hygiéniques en est la plus récente illustration).
Pour résumer, la marque invente une histoire créee de toutes pièces ou communique de manière outrageusement sexiste histoire de créer le buzz. En capitalisant sur l'indignation, elle gagne ainsi en visibilité (stratégie court-termiste mais c'est un autre débat).
Aujourd'hui, je tombe sur le tweet de Lucile, une blogueuse que je suis sur Twitter, qui s'interroge sur la véracité d'un blog intitulé "Mon école pour Lina". Une mère y raconte la déscolarisation de sa fille en vue de la transformer en parfaite ménagère, photo de la petite à l'appui. On la voit cirer des chaussures, faire la poussière ou passer le balai.
Un rapide coup d'oeil me permet de conclure à un fake : pas de fautes d'orthographe, énormité du propos, entre autre, me font immédiatement tiquer. Je pense tout de suite au marketing du mensonge et me demande : à qui profite le crime? Sans doute à une ONG qui lutte en faveur de la scolarité des petites filles dans le monde (d'autant que la journée internationale des filles a lieu le 11 octobre).
Autre détail qui attire mon attention : le fait que plusieurs blogueurs parents soient tombés tous en même temps sur ce blog très récent "par hasard" et aient décidé de rédiger simultanément un billet "coup de gueule".
Exemple d'un billet d'un blogueur "indigné":
La démarche me fait alors penser au faux blog lancé par l'ONG Plan l'année dernière pour lutter contre le mariage forcé.
Plan International, la même association qui avait lancé le faux blog pour dénoncer les mariages forcés! La boucle est bouclée!
Que le sujet, la scolarisation des petites filles, méritait un traitement bien plus éthique et moins racoleur. Ici, la cible est trompée, moquée voire dénigrée : on suppose qu'il est nécessaire de forcer le trait pour l'intéresser, on ne doute pas un seul instant de sa crédulité pour essayer de lui faire prendre des vessies pour des lanternes. Sans compter la stigmatisation potentielle des parents qui ont décidé de scolariser leurs enfants à domicile...
Heureusement, les temps changent : les internautes deviennent de plus en plus vigilants et peu sont tombés dans le panneau. L'effet de surprise sans doute vendu par l'agence à Plan est donc complètement tombé à l'eau.
Quant à la monétisation d'une telle campagne, le procédé me laisse pantoise. Que dire de la somme d'argent dépensée par l'ONG pour la relayer? Comment ne pas juger les blogueurs qui ont accepté des billets sponsorisés masqués de la part d'une ONG? Depuis quand faut-il être payé pour relayer de belles causes?
Dommage, la cause des petites filles méritait bien mieux que ça... et la fin ne justifie pas les moyens, même dans le domaine de l'humanitaire...
Mises à jour :
30 septembre 2015 : France Info consacre un article sur le sujet. Julien Beauhaire, responsable de la communication estime qu'il n'est pas "plus choquant de payer les blogueurs que de payer pour diffuser des campagnes dans les médias institutionnels". Il conclut ironiquement : "peut-être que l'année prochaine on offrira des guirlandes de fleurs ou des câlins gratuits".
29 septembre 2015 :
- L'ONG PLAN persiste et signe en affirmant par la voix de son responsable de la communication que ceux qui n'ont pas apprécié la campagne sont des "vierges effarouchées".
- La journaliste Nadia Daam rélève sur le site Slate les dessous de la campagne : 500€ le billet sponsorisé avec interdiction de citer une autre ONG qui fait du parrainage