Vous êtes-vous déjà demandé comment les marques de rasoirs
luttaient contre la mode de la barbe ? "C’est un fait,
les hommes et surtout les jeunes ne se rasent plus systématiquement tous les
jours, constatait un industriel du secteur dans le magazine LSA. C’est
une tendance lourde contre laquelle il est excessivement difficile de
lutter."
Réponse : en appliquant les techniques publicitaires du « marketing de la honte », utilisées initialement en 1920 par
les marques de déodorant puis déclinées plus tard au marché de
l’hygiène intime féminine.
1°) attirer l'attention du consommateur sur un problème dont
il n'avait souvent pas conscience;
2°) exacerber l'anxiété du consommateur quant au dit
problème;
3°) lui vendre le remède.
"En langage publicitaire,
vous ne vendez pas le produit - vous vendez le besoin", expliquait
l'historien James B. Twitchell dans l'ouvrage Twenty Ads That Shook the World.
Les marques de rasoir et de déodorants intimes vont donc
attirer l’attention des hommes sur 2 nouveaux problèmes, les poils et les
odeurs, afin de leur vendre des remèdes et relancer leurs ventes.
Pour légitimer leurs dires, elles n’hésitent pas à mettre en
avant leurs études (même si l’échantillon n’est constitué que de 30
personnes) : une d’entre elles, menée par Gillette et rapportée par BFM Business, nous apprend ainsi « que le savonnage
permet de réduire de 23% les odeurs sous les aisselles de ces messieurs mais
surtout que le rasage fait grimper ce taux à 57%. Autrement dit, les hommes
seraient bien avisés de se raser les dessous de bras s’ils veulent rester
convenables en société. Et cela tombe pile poil puisque Gillette lance
justement Body, un rasoir spécialement adapté aux "courbes concaves"
et au "relief inégal" des aisselles masculines. ». Drôle de
coïncidence !
La marque Narta, avec son déodorant
« Peau parfaite » destiné aux hommes qui s’épilent, fait preuve quant
à elle de beaucoup moins de subtilité pour « attirer l'attention du
consommateur sur un problème dont il n'avait souvent pas conscience ».
Dans son spot télévisé, la marque a ainsi représenté les
aisselles poilues d’un homme sous les traits de 2 petits singes. A la vue de
cette toison, la jeune danseuse mise en scène dans le film publicitaire
s’éloigne avec dégout pour retrouver l’autre danseur, aux aisselles
parfaitement épilées.
Narta ne sait donc décidément plus quoi inventer pour capter
de nouveaux consommateurs (n’oublions pas qu’ils avaient inventé en 2013 des patchs anti-auréoles, sorte de serviettes hygiéniques pour les dessous de bras).
La marque Mennen, célèbre pour son accroche testostéronée
« Pour nous les hommes », s’est, elle aussi, mise au marketing de la
honte en proposant un déodorant corps
pour aisselles, torse, zones intimes et... pieds !
« En 2014, grâce à une étude sur l'hygiène des hommes, nous avons
appris que 50 % des moins de 35 ans s'épilent, se rasent ou se tondent les
poils du corps », explique Annabel Mari, directrice de la communication
scientifique de Mennen sur le site du Monde. « Nous avons donc conçu une gamme non irritante sans
alcool ni sels d'aluminium qui s'adapte à ces nouveaux comportements ».
La marque Philips, annonce quant à elle, très clairement la
couleur quand il s’agit de vendre sa tondeuse spéciale épilation intime.
Dans ce film, un bel éphèbe en pleine séance de musculation
nous explique que «si vous n’avez jamais rasé vos parties intimes vous avez
vraiment raté quelque chose ».
Vous avez peur ? Pensez aux avantages, nous
explique-t-il : « C’est propre, c’est net et c’est si bon. En plus, sans broussaille, l’arbre fait plus
grand ». Ami de la poésie bonjour.
Démonstration en images quelques secondes plus loin : « Ne soyez pas timide, saisissez vos parties intimes et tirez pour bien tendre la peau ».
« Adieu la broussaille, avouez qu’on se sent
mieux » conclut-il avec un clin d’œil.
Jusqu’à la repousse, aux rougeurs et aux démangeaisons qui viendront
pointer le bout de nez quelques jours après…
Car, ne l’oublions pas, l’épilation est avant tout une
agression, qui peut augmenter le risque
d’infection et de maladies sexuellement transmissibles, en particulier chez les
jeunes.
Hommes et femmes semblent donc tous 2 être devenus les
cibles privilégiées du marketing de la honte. Pour autant, il convient de
nuancer ce constat car tous 2 ne subissent pas une pression équivalente de la
part de la société.
Par ailleurs, comme l’explique le site « Les questions composent »,
l’attitude par rapport à la
pilosité masculine est très ambivalente, plus complexe que par rapport à celle
des femmes : « Une même personne peut dire tout et son contraire.
L’homme doit prendre soin de lui, mais pas trop. Il doit être un peu poilu,
mais pas trop, mais il ne doit pas s’épiler, c’est un truc de gonzesse. On peut
lire sur la
toile des avis aussi contradictoires
que celui-ci (fautes d’orthographe corrigées): « Euh, ça fait pas très
masculin… En fait je m’en fous qu’un mec ait des poils, enfin du moment qu’il
n’y en a quand même pas trop. S’il est propre et qu’il sent bon, c’est très
bien. Ce qui me dérangerait par contre, c’est que mon homme passe du temps à
s’occuper ainsi minutieusement de son corps. Laissez cela aux femmes messieurs,
que diable! ».
Enfin, un homme ne recevra
jamais de menaces de mort car il ne s’est pas épilé.
Une femme si.
"Pour une femme, être épilée est une
exigence. Peu importe ce qu’elles font ou accomplissent, une épilation parfaite
est incontournable. Pour les hommes…c’est une option" expliquait Jean Kilbourne, auteure de "Can’t buy me love How Advertising Changes
the Way We Think and Feel".
C'est dingue quand meme :)
RépondreSupprimerÉbouriffée ! Merci pour cet article qui confirme tout le "mâle" que je pense du marketing mal placé. :)
RépondreSupprimerSi les publicitaires (et globalement le reste du monde) pouvait nous laisser vivre notre vie ça serait bien sympathique !
RépondreSupprimertoujours la même rengaine : c'est plus propre. Le poil c'est caca beurk, il faut l'éradiquer. La nature vous a fait(e) sale, prenez-en bien conscience. Heureusement Narta/Mennen/Gillette sont là
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