Parce que le fromage c’est la vie.
Parce que les féministes ont de l’humour.
Parce que militantisme et fromage ne sont pas incompatibles.
Parce qu’il n’y a pas un féminisme mais des féministes.
J’ai crée cette série d’interviews décalées « Fromage
et féminisme » #FF.
NB : Cette série d'interviews a été menée au mois d'octobre donc bien avant la série d'attentats du 13 novembre
Bonjour Manuela, peux-tu te
présenter en quelques mots : es-tu plutôt coulante comme un brie de Melun
ou forte comme un Munster ?
Bonjour Sophie,
Je ne mange pas de fromage à quelques exceptions italiennes
près ou alors dissimulé dans la cuisine. Disons que sous une croute épaisse et
rugueuse, bien affinée par les années et le séchage ma pâte s’effrite en
copeaux sous une lame forte. Je dirais
que je suis un Parmesan de bonne maison, bien entendu, et d’appellation contrôlée.
D’ailleurs ils ont arrêté la fabrication. Bref je suis une antiquité.
Parce que née au pays du Munster puant j’ai des nausées fréquentes quand le fromage coule et sent
fort. Enfant je changeais de trottoir pour éviter l’affineur de Munster dont
les caves exhalaient jusque dans la rue qui me menait au collège.
Plus sérieusement, j’ai 55 ans, je ne travaille plus depuis
deux ans parce que je suis malade, j’ai écrit un livre sur mon expérience il
s’intitule
Fuck mycancer.
Je ne vais pas vous embêter avec une biographie, disons que
j’ai quelques heures au compteur et que côté féminisme je ne suis pas lassée du
combat.
D’après toi, le
féminisme on en fait tout un fromage ?
J’étais bien jeune lorsque les combats féministes du XXe
siècle ont porté leurs fruits. Contraception, droit à l’avortement, libération
sexuelle ma génération doit beaucoup à
ces femmes. Je fais partie de la
génération qui a connu la ségrégation puis a découvert la mixité scolaire. Pour
moi le combat féministe s’inscrit dans une lutte globale contre les
discriminations. Je ne peux pas envisager mon féminisme coupé de mes combats
contre l’homophobie, le racisme ou l’antisémitisme.
Il y a une cohérence
à tendre vers une société égalitaire. Complètement égalitaire.
Je me réjouis de voir une nouvelle génération de femmes continuer
à se battre et ne rien lâcher. Après je
me rends bien compte des différents mouvements du féminisme contemporain et
tous ne me correspondent pas. Comme le fromage il en faut pour tous les goûts.
L’essentiel est d’essayer de faire changer nos sociétés.
La dernière actualité
(pub sexiste, bad buzz, déclaration de people…) qui sent le roquefort ?
J’ai été atterrée par le débat parlementaire dit de la taxe
tampon.
Je ne sais ce qui est le plus débile dans cette histoire,
devoir passer par une loi pour baisser le taux de TVA d’un produit d’hygiène
indispensable ou les arguments du secrétaire d’état au Budget.
Comment couper le
fromage de façon féministe (et donc égalitaire) ?
Je passe sur la découpe, mais pour ce qui est de notre
société il n’y a rien à concéder, la notion d’égalité en mathématique me
convient
« L’égalité est une relation binaire entre objets
(souvent appartenant à un même ensemble) signifiant que ces objets sont
équivalents, c’est-à-dire que le remplacement de l’un par l’autre dans une
expression ne change jamais la valeur de cette dernière. » Une femme = un
homme les deux appartiennent à l’humain,
mêmes droits, mêmes devoirs, mêmes valeurs.
Ça c’est l’objectif et pour le moment nous n’y sommes pas.
Hélas !
Ton plateau de
fromage idéal ? Avec qui aimerais-tu le partager ?
Là, hélas, je reviens à mes dégouts, merci de poser le
plateau de fromage loin de moi. Pour la
discussion je suis ouverte à tout ce qui
est respectueux de la parole et de l’identité de l’autre. De préférence autour d’une grande table et en
journée, le soir je suis trop fatiguée. Je peux même fournir le repas.
Le one pot pasta a
crée la polémique : et toi, c’est quoi ta recette de la honte avec du
fromage ?
La honte du fromage ce sont les sticks et autres pâtes
tranchées dont on ne sait quelle est la composition. Il ne s’agit pas de
fromage, un ersatz tout au plus.
La recette de la honte, hum
je dirais la fondue dite Suisse en sachet ou pour rester dans un
registre chère à Flonot l’emmental français sur la pizza.
Comme moi, tu fais
partie de la team #veilletwitta : qu’est ce qui te fait sentir parfois
comme une vieille croûte, sur Twitter ou ailleurs ?
Pour la veille croute, se reporter à ma première réponse.
Plein de choses me font mesurer mon âge, mon intolérance aux fautes de syntaxe
c’est un peu comme une allergie au gluten mais avec 140 caractères. Parfois je me surprends à me traiter de
vieille bique et puis ça passe.
Pour toi le féminisme
c’est plutôt à -0% de matière grasse comme le Bridelight ou à plus de
35% comme le Brillat Savarin?
Ici on donne dans le sérieux Madame, alors quitte à choisir
on va éviter le 0% et les industries laitières et garder le Brillat Savarin
pour le nom qu’il porte et la personne qu’il symbolise. La crème du féminisme dosée à 35% ne me semble
pas suffisante , l’égalité c’est 50%.
Es-tu favorable à une
AOC pour le féminisme ?
Définitivement non, les labels, étiquettes et tampons (pas
hygiéniques) je n’aime pas. Je n’aime
pas non plus les origines contrôlées lorsqu’on traite de l’humain. Trop de
mauvaises expériences historiques.
On peut être féministe sans être encartée dans un mouvement.
J’aime cette définition large qui répond à une seule et simple question « Es-tu
pour une société égalitaire » si la réponse est oui, bienvenue dans le
mouvement et dans l’action.
Si on devait
remplacer « Belle des champs » par une femme que tu admires, qui
serait-elle ?
Pour commencer on devrait interdire « Belle des
champs » c’est une saleté industrielle déguisée en fromage. Quant aux
femmes que j’admire je pense que leur place n’est pas sur une boite de fromage.
Je ne vais pas esquiver ta question. La première femme que j’ai admirée était
un drôle de morceau, une femme premier ministre. Je vous laisse deviner. Non pas
Maggy Thatcher ( là ma copine Cécile reprend son souffle), pas Indira Gandhi
bien qu’elle soit sur mon podium, je dirai Golda Meir qui a répondu à une
interview d’Oriana Fallaci :
« Ca n’est pas un
hasard si beaucoup me reprochent de conduire des affaires publiques avec
mon coeur à la place de ma tête. Et alors, si je le fais? . . . Ceux qui ne
savent pas comment pleurer avec tout leur cœur ne savent pas rire non
plus. »
Son humour à
propos du féminisme était sans limite.
« La libération des femmes est juste une folie. Ce sont
les hommes qui sont victimes de discrimination. Ils ne peuvent pas avoir
d'enfants. Et personne n’est susceptible de faire quelque chose à ce
sujet. »
Il faut remettre cette phrase dans un contexte Golda était
née en 1898 elle a prononcé ces mots en 1971. Toutes les femmes admirables ont
des travers, Golda comme les autres, mais c’est ça l’humanité, non ? Un
monde égalitaire devrait permettre d’admirer des femmes imparfaites.
Merci à Manuela pour cette interview!
Tu es féministe, tu aimes le fromage et tu souhaites être
interviewée ? (tu as le droit de répondre même si tu le détestes, le
fromage, pas le féminisme). Ecris-moi un petit mail à
sophiegourion(at)hotmail.fr et je t’enverrai les questions !