Hier, la région Ile-de-France, la RATP et la SNCF ont
lancé une grande campagne de lutte contre le harcèlement dans les transports.
Une campagne très attendue mais qui a suscité bien des
déceptions en raison, notamment, de la représentation très édulcorée des
agresseurs sous forme d’ours, de loup ou de requin.
Ce n’est pourtant pas la première fois que la RATP utilise
la métaphore animalière pour faire passer ses messages. En 2011, elle avait déjà fait
appel à la poule, à la grenouille, au buffle ou au paresseux pour représenter les
incivilités courantes sous forme de fable. Un procédé qui, pour le coup, marchait
assez bien même si on pouvait regretter le cliché sexiste de la poule pour représenter
une femme parlant trop fort.
Pourquoi alors, cela
ne fonctionne-t-il pas avec le harcèlement dans les transports ?
Parce qu’ici, le sujet, le harcèlement sexuel dans l’espace
public, est loin d’être nouveau. Il a été même mis en lumière depuis 2012 grâce
au reportage “Femme de la rue” de Sofie Peeters et a déjà fait l’objet d’une
campagne gouvernementale en 2015. Plus récemment, les femmes ont, elles aussi, témoigné publiquement et
de manière très crue des violences sexistes et sexuelles subies au quotidien
via l’hashtag #balancetonporc. L’opinion publique était donc prête.
On aurait donc été en droit d’attendre une campagne à la
hauteur de cette prise de conscience, avec des images fortes et une identification
précise des agresseurs et des modalités de l’agression.
C’est tout le contraire qui est mis en image ici.
Alors que le message clé est « ne minimisons jamais le
harcèlement sexuel », la campagne utilise justement une métaphore animalière
qui l’édulcore. Quel agresseur se reconnaitra dans le loup, l’ours ou le
requin, d’autant qu’il s’agit d’animaux plutôt valorisants en termes de
représentation de la virilité (contrairement au cochon par exemple) ? Quelle
victime reconnaitra la violence de ce qu’elle a subie dans l’image d’un loup ou
d’un requin figés en arrière-plan ?
Alors que la campagne de 2011 mettait en scène les animaux
pris « sur le vif » lors d’incivilités (poule au téléphone,
grenouille qui saute le tourniquet), celle d’aujourd’hui ne représente les
animaux que pour ce qu’ils sont, figés dans leurs positions d’attente, ce qui
rend le message encore plus inaudible.
Par ailleurs, elle sous-entend que les agresseurs seraient des
animaux aux pulsions incontrôlables, contribuant ainsi à les excuser indirectement.
Déshumaniser l’agresseur est d’ailleurs un travers propre à
de nombreuses communications. La récente campagne de Tisséo contre le harcèlement
sexuel dans les transports toulousains n’y échappe malheureusement pas en le
représentant sous les traits d’un monstre grimaçant.
Le spot de l’application
« Handsaway » destiné à sensibiliser aux violences sexistes et
sexuelles avait pris lui aussi le parti de représenter les hommes sont forme de
sexes sur pattes.
Il est pourtant
nécessaire de rappeler que les agresseurs ne sont ni des monstres, ni des
animaux soumis à des pulsions incontrôlables mais des hommes, de tout âge, de
toute catégorie socio-professionnelle et de toute origine. C’est cette
diversité qu’il aurait fallu représenter pour faire avancer les mentalités.
Mais Valérie Pecresse a estimé que cela stigmatiserait les hommes…
Suite à une question, @vpecresse revient sur le visuel choisit pour la campagne qui n'est pas là pour stigmatiser les hommes mais pour montrer que les harceleurs sont des prédateurs— Politiqu'elles (@Politiquelles) 5 mars 2018
Une frilosité que n’a pas eue ONU Femmes Mexique. L’organisation a
ainsi installé en 2017 dans l’un de ses métros un siège reproduisant les
contours du corps d’un homme et de son pénis.
"Il est ennuyeux de voyager ici mais cela n'est rien comparé à la violence sexuelle que les femmes subissent dans leurs trajets quotidiens", indiquait un écriteau en face du siège.
Une audace à des années lumière de #balancetonloup…
"Il est ennuyeux de voyager ici mais cela n'est rien comparé à la violence sexuelle que les femmes subissent dans leurs trajets quotidiens", indiquait un écriteau en face du siège.
Une audace à des années lumière de #balancetonloup…