Il y quelques temps,
je m’interrogeais sur l’utilité du Dulcolax « Spécial femme », rose
forcément.
Dans ce cas
précis, la composition du laxatif classique et celui du « spécial
femme » sont identiques, seul l’emballage change. Une simple histoire de
marketing donc.
Pourtant, alors
que les stylos Bic « For Her » et autres produits genrés n’ont aucune
forme d’utilité ou de raison d’être, les médicaments pour femmes, s’ils
existaient, seraient loin d’être des gadgets. Testés et dosés différemment, ils
permettraient même de mieux soigner les femmes et de diminuer les effets
secondaires.
Raison N°1 : Les femmes sont
sous-représentées dans les tests cliniques.
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Raison N°2 : Les femmes sont moins
bien soignées
Les maladies
cardio-vasculaires constituent la première cause de décès chez les femmes avant
le cancer. Pourtant, cette information est peu connue et la plupart des études
cliniques ne demeurent réalisées qu’avec des sujets masculins.
Par ailleurs,
les symptômes diffèrent selon les sexes, ce qui rend le diagnostic féminin
moins facile: les hommes souffrent de douleurs thoraciques, de poids dans la
poitrine alors que l’infarctus se manifeste chez les femmes par une grande fatigue, une sensation
d’abattement. Une
étude menée par la Mc Gill University Health Center de Montréal a
d’ailleurs démontré récemment que les femmes étaient moins bien prises en charge
que les hommes à l’hôpital : les patientes étudiées ont ainsi reçu moins
rapidement électrocardiogrammes et défibrillations que les hommes. Pour le Dr
Louise Pilote, chercheuse, « ces résultats suggèrent que le personnel affecté
au triage est plus porté à écarter l'origine cardiaque du malaise chez les
femmes qui présentent des symptômes d'anxiété ».
Pire encore, les hommes et les femmes qui présentaient des traits généralement
associés au caractère féminin (douceur, gentillesse) de même que les personnes affirmant
être la personne responsable des travaux domestiques à la maison étaient moins
susceptibles d’avoir accès à des procédures invasives, telle que
l’angioplastie. « Est-ce que les cardiologues considèrent cette
intervention comme plus virile, puisqu’il s’agit d’un acte de plomberie
consistant à déboucher ou dilater une coronaire ? » s’interroge le Dr
Luc Perrino sur
son blog. « Malgré de nombreux a priori médicaux, désormais
combattus, la compréhension de certaines maladies ne pourra échapper au critère
du genre. Il est important d’affirmer et d’affiner notre connaissance de ces
différences, afin de mieux lutter contre les inégalités. » conclut-il.
Raison N°3 : les femmes ne
réagissent pas de la même manière aux médicaments
Des
particularités physiologiques liées à chaque sexe peuvent expliquer cette
différence de réactions face au traitement. Le Dr Manfred Lutz, interrogé lors
d’un un
passionnant documentaire diffusé sur Arte « Les maladies
ont-elles un sexe », mentionne à cette occasion les différences de
métabolisme entre hommes et femmes. A titre d’exemple, celles-ci absorberaient
l’alcool plus rapidement que leurs homologues masculins, à poids et tailles
équivalents. 2 raisons peuvent expliquer ce
constat : l'enzyme responsable du métabolisme de l'alcool n'est pas aussi
active que chez l'homme. Par ailleurs, l'alcool se répand plus facilement dans
les muscles que dans la masse adipeuse ; celle-ci étant plus importante chez la
femme, la concentration d'alcool sera plus grande dans l'organisme. Le Dr Ivan
Berlin mentionne,
quant à lui, d’autres facteurs susceptibles d’expliquer la variabilité des
médicaments selon les sexes : la taille des organes, le volume de
distribution (plus petit chez la femme), le transit gastro-intestinal, plus
rapide chez la femme que l’homme (et pouvant donc limiter l’efficacité d’un
traitement par voie orale) ainsi que le milieu hormonal. Il explique également
que les effets indésirables sont plus fréquents de 60% chez les femmes que chez
les hommes.
Et si ce que
l’on avait longtemps pris pour une sensibilité typiquement féminine n’était
finalement que la résultante de tests cliniques non représentatifs ?
La question est
pourtant loin d’être anodine, les effets secondaires de médicaments seraient responsables
d'au moins 18.000 décès par an d’après
le Dr Bernard Bégaud de l’Inserm.
Récemment, Caroline
Criado Perez, auteure de Invisible Women, Exposing Data Bias in a
World Designed for Men est revenue sur le sujet dans un article du Guardian,
repris par « Le
Point » : « Le monde est mal fichu pour les femmes, depuis
les téléphones portables gigantesques, conçus, là encore, pour se nicher dans
la main de notre « homme-référence » jusqu'aux dispositifs de
sécurité des voitures, testés avec des mannequins construits selon les
mensurations du même individu « moyen » de 70 kg (…) Conséquence :
si les femmes ont moins d'accidents de voiture que les hommes, elles ont
47 % plus de risques d'être gravement blessées si cela leur arrive, et
17 % plus de risques d'y laisser leur vie.»