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mercredi 29 avril 2020

Le poids des mots, le choc des photos

Crédit illustration : Anna Parini

Depuis 2016, date de création de mon Tumblr « Les mots tuent », j’ai passé beaucoup de temps à étudier le traitement journalistique des violences faites aux femmes via le prisme des mots.

Aujourd’hui, j’ai eu envie de m’attarder sur un point tout aussi important dans la représentation ou l’invisibilisation des femmes : les illustrations.

C’est cette publicité Facebook sur laquelle je suis tombée hier qui m’a fait réagir sur le sujet:




Alors que les femmes accomplissent 70 %, en moyenne, du travail familial et domestique, Axa a décidé de choisir le visuel d’un homme pour illustrer son article sur la charge mentale ! On se demande bien ce qui contrarie tant Monsieur, la tête entre les mains devant son ordinateur ! Peut-être le bruit de l’aspirateur ?

Peu de temps après ce tweet, Axa a rectifié et a changé le visuel de son article.



Suite à ce tweet, Aude Lorriaux a posé une question intéressante : comment illustrer un article sur une profession très féminisée (ex : caissière, infirmière…) sans reproduire un stéréotype ?
Une photo mettant en scène des femmes serait conforme à la réalité puisque celles-ci représentent la grande partie de cette population. Mais en même temps, en les associant au domaine du « care » on perpétue le stéréotype dans l’imaginaire collectif. Ainsi, il est fort probable qu’un garçon ou un homme qui verra cette image pensera inconsciemment que ces métiers ne sont pas pour lui.

J’ai donc posé la question aux expert.e.s de Twitter et les réponses obtenues sont très pertinentes :









Le sujet de l’illustration peut paraître anecdotique pourtant c’est loin d’être le cas comme l’explique cetarticle du site « Terriennes » : «Un journal possède un double rôle, estime la photographe d’art contemporain, Mauve Serra alias @MauveMov. En tant que reflet de la société, il a non seulement valeur de témoignage, mais aussi de représentation. On légitime ce qui existe. Et quand on ne le fait pas, cela "invisibilise". En l’occurrence, moins il y a de femmes en illustration, moins elles sont légitimées.» L’image a un pouvoir, insiste Mauve Serra. Celui de façonner une grammaire visuelle.» Et tous les détails comptent : la situation dans laquelle la femme est représentée, la légende de la photographie ou encore les détails mentionnés, nom ou prénom. Le fil du journal donne également des informations. «En page culture, on a tendance à montrer la «femme déco». Comme si, après une double page économie remplie de quinquagénaires en costume cravate, on avait besoin de se changer les idées. Je note également qu’en fin de semaine les femmes reviennent.»


  
Le choix des visuels est d’autant plus important lorsqu’il s’agit d’illustrer des articles portant sur les violences sexistes et sexuelles.

Ainsi, le site RTL a-t-il choisi d’illustrer un article intitulé « Près d'un Français sur 5 a déjà été victime de harcèlement sexuel »…par une photo d’une femme posant ses mains sur la main et la cuisse d’un homme ! 


« Alors même que l’article stipule que « Près d’un Français sur cinq (18%) a déjà été victime de harcèlement sexuel, dont près de trois femmes sur dix (28%), selon un sondage Elabe publié jeudi 12 mai. » Soit, en fait, 7% des hommes et 28% des femmes... » explique le site Acrimed.

Le site 20 minutes, quant à lui, brouille encore plus les cartes en illustrant un article sur le harcèlement sexuel par une photo d’agression sexuelle !


Plus généralement, le recours aux images explicites pour illustrer les articles portant sur les violences sexistes et sexuelles est à déconseiller (coup de poing, femme ensanglantée…) car il exclue implicitement les violences psychologiques.

Pour finir sur une note plus légère, j’ajouterai que le contexte est important dans le traitement de l’information ! 


Les femmes (belges et les autres !) vous en remercieront 😊 !