Cette semaine, je suis tombée sur un chiffre qui a attiré mon attention : « 69% des Français ont le sentiment de vivre dans une société patriarcale. »
C’est en soi une excellente nouvelle aussi bien sur le fond
que sur la forme : l’existence même de la question au sein d’un sondage
grand public est le signe fort qu’un changement de mentalité est à l’œuvre
(auparavant le mot « patriarcat » étant plutôt réservé au vocabulaire
de la sphère militante). Le fait de constater qu’une grande majorité des
répondants estime donc avoir le sentiment de vivre dans une société fondée sur
la détention de l’autorité par
les hommes,
dans un système où le masculin incarne
à la fois le supérieur et l'universel est très encourageant.
Pourtant, à l’heure où le féminisme devient tellement
bankable qu’il s’imprime sur des t-shirts à 450€, j’ai du mal à complétement me
réjouir (une féministe qui annonce une bonne nouvelle c’était forcément suspect).
J’ai du mal à me réjouir car les femmes payent déjà très
cher ces avancées, de #metoo à l’intérêt grandissant du public sur la question
des sujets féministes.
Oui, on n’a jamais autant parlé des violences
sexistes et sexuelles.
Pourtant les féminicides augmentent. En 2019, 146
femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-conjoint, selon le ministère de
l’intérieur. C’est 25 de plus qu’en 2018.
Pourtant, un ministre visé par des accusations de de
viol se permet de lancer une blague sexiste en pleine audition au Sénat « «
Je me ferais un plaisir de passer une soirée, une nuit, une journée avec madame
la sénatrice»
Oui, on n’a jamais autant parlé des corps des femmes,
du body positive au vêtements à message s’affirmant en toutes lettres féministe
Pourtant une femme s’est vu refuser l’entrée du musée
d’Orsay à cause de son décolleté
Pourtant partout en France, des lycéennes se sont
habillées avec des décolletés et des jupes courtes pour protester contre les
règlements sexistes de certains établissements scolaires
Pourtant cet été des gendarmes sont intervenus pour
demander à des femmes qui bronzaient seins nus sir la plage de remettre leur
haut.
Comment expliquer ces montagnes russes, ces avancées à pas
de fourmi immédiatement suivies d’un recul à pas de géants ? C’est justement
ce qu’explique Susan Faludi dans son livre « Backlash » (en français
« le retour de bâton) et que dont je vous conseille vivement la lecture.
Il date des années 90 mais n’a pas pris une ride (pas sûr
qu’il faille s’en réjouir d’ailleurs).
Cet essai pointe de manière percutante l’ « excessive
réactivité des hommes aux victoires les plus microscopiques des femmes », chaque
avancée du droit des femmes étant systématiquement suivie d’une offensive
réactionnaire.
Aux Etats-Unis, alors que l’emploi féminin et le contrôle
des naissances ont nettement progressé dans les années 70, les représailles ne
se sont pas fait attendre dans les années 1980, à l’image du vote de
réglementations draconiennes sur l’emploi des femmes ou l’interruption de la
recherche sur la contraception.
« Rien n’abîme davantage les pétales masculins que la plus
légère ondée féministe car elle est perçue comme un déluge » explique Susan Faludi.
Une phrase tristement d’actualité.
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