La semaine dernière, j’ai été interviewée par une chercheuse
au sujet de la communication autour des violences sexistes et sexuelles. J’ai
évoqué la difficulté à trouver des campagnes efficaces car celles-ci se
limitent souvent à mettre en scène des femmes en sang ou couvertes de bleus, excluant d’emblée
la violence psychologique qui est pourtant la porte d’entrée des violences physiques.
J’ai également précisé que ces campagnes ne s’adressaient généralement qu’aux
femmes, à l’exemple du récent hashtag ministériel #Nerienlaisserpasser. Comme
si les victimes étaient des passoires qui n’avaient pas su se défendre. Où sont
les hommes qui tuent et qui violentent? Pourquoi ne les interpellent-on jamais
dans ces dispositifs de communication ? Je rappelle qu’ils représentent
pourtant 96%
des personnes condamnées pour des faits de violences entre partenaires.
J’ai également évoqué lors de cette interview la gadgétisation de la communication dès lors que l’on choisit de s’adresser aux femmes. En 2013, je m’étais déjà insurgée contre l’opération sur Facebook consistant à afficher la couleur de son soutien-gorge pour « soutenir l’information sur le cancer du sein » : « Au début, on me demandait en message privé d’afficher en statut la couleur de mon soutien-gorge, ensuite le nom d’une sucrerie en fonction de mon statut marital, puis celui d’une boisson alcoolisée, l’endroit où je pose mon sac à main le soir, maintenant le nom d’une ville en fonction de ma date d’anniversaire ». En 2014, je dénonçais sur Slate la vaste récupération commerciale du cancer du sein : «Avec le Pinkwashing, le cancer du sein devient un produit comme un autre » et en 2016, je listais sur le blog les pires opérations commerciales liées à octobre rose, des chocolats en forme de seins au robot ménager rose bonbon, preuve que le phénomène est récurrent.
Pourtant, l’abus de rose peut avoir les effets inverses à ceux escomptés: une étude publiée dans le «Journal of marketing Research» a ainsi montré que les publicités genrées contre le cancer du sein (ruban roses, visages de femmes) amoindrissaient la perception qu’avaient les femmes de leur propre vulnérabilité. Le Professeur Sweldens de l’INSEAD l’explique ainsi «Notre recherche montre que les communications sur le cancer du sein présentant de forts signaux sexués activent une réaction défensive “ça ne peut pas m’arriver” chez les femmes».
«Nos résultats vont à l’encontre des convictions répandues
dans le secteur de la publicité, a indiqué le Professeur Tavassoli de la London
Business School. Les campagnes sur le cancer du sein devraient éviter
d’utiliser des signaux liés au genre tels que montrer une femme se couvrant les
seins, car elles sont moins efficaces une fois placées dans des contextes
médiatiques qui amènent les femmes à réfléchir à leur propre genre.»
Plus récemment, je suis tombée sur cette campagne lancée par myGP app (une application médicale utilisée par la National Health Service britannique) à l’occasion de la semaine du dépistage du cancer du col de l’utérus en janvier dernier.
Le visuel met en scène 3 chats avec des niveaux de toison différents, de glabre à très touffue et demandait aux femmes de partager la photo d’un chat représentant….leur toison pubienne ! On cherche le rapport avec le cancer de l’utérus !
Une internaute très inspirée à détourné le visuel en le
transformant en campagne de sensibilisation au dépistage du cancer des
testicules. Les hommes étaient alors invités à partager une photo de poulet représentant
aux mieux leurs bijoux de famille.
En espérant qu’un jour les campagnes de communication arrêtent de prendre les femmes pour des dindes…